Il est passé de Pôle Emploi au dernier carré de la C1 en six ans. C’est ce parcours de vie que Edouard Mendy, le gardien sénégalais de Chelsea, a accepté de revisiter avec honnêteté et émotion dans le nouveau numéro de France Football. Mais sans rancune.
Extraits de l’entretien à retrouver en intégralité dans FF.
Son premier échec dans son parcours
«Au centre de formation du Havre, quand on me dit qu’ils vont avoir d’autres gardiens et que je ne jouerai pas. C’est une première claque qui fait mal. Je suis au centre depuis un an, c’est le club de ma ville, où j’ai envie de réussir. Je suis une fierté pour ma famille, mon quartier, tout le monde suit ça. Quand on entre en centre de formation, on se projette jusqu’aux U18, CFA, pros. Et là, en U16, c’est déjà terminé et je vais devoir retourner jouer dans les équipes de quartiers. C’est une double gifle que je prends. Le jour où on me l’annonce, je rentre, mon père et ma mère sont dégoûtés pour moi. Il n’y a pas pire sensation que celle de rendre tristes ses parents. Et là, leur visage… Je me suis dit : “C’est pas possible, je vais remettre un sourire dessus en réussissant. Même si ce n’est pas ici, je réussirai ailleurs, c’est sûr.”».
Son inscription à Pôle Emploi en 2014
«C’est la vraie vie. Plus de club, pas de travail, qu’est-ce que tu fais maintenant ? Ma mère me dit : “Tu n’as pas d’argent, mais tu as travaillé donc tu as droit au chômage.” Je ne sais pas comment on fait, ma famille me montre, m’aide. J’ai rendez-vous à Pôle Emploi. Tu arrives, tu fais la queue, des mecs gueulent au comptoir, des gens se plaignent de l’attente. Quand c’est ton tour, le conseiller fait au mieux mais aussi au plus vite car derrière il en a encore cinquante. Ton cas est un parmi d’autres, il ne va pas prêter plus attention au tien. Tu es dans le système. Je fais mon entretien, il me dit : “Vous cherchez quoi ?” “Un club parce que je suis joueur de foot.” “Ah mais on peut pas vous aider, nous !” En gros, il me dit que je dois penser à autre chose. Et quand un mec que tu ne connais pas te dit ça, ça cogite. Je me dis : “Ça y est, le foot que j’espérais atteindre, faut faire une croix dessus.” Le mec, ce qu’il me renvoie, c’est ça.»
Sa signature à l’OM
«Je venais de refuser un club de CFA qui me proposait de signer pour 900 euros. En étant bientôt père de famille, c’était inconcevable. Un ami avait une boutique et cherchait quelqu’un pour la gérer, j’étais prêt à accepter. Mais Ted Lavie (NDLR : avec qui il a joué à Cherbourg) m’appelle : “Édou, j’ai parlé avec l’entraîneur des gardiens de la réserve de l’OM. Il cherche quelqu’un, tu es intéressé ?” (…) Personne d’autre que mes parents ne savaient que j’y allais (…) Je sors du vestiaire, je vois Lass Diarra, Ocampos, Nkoulou… Les mecs, il y a deux semaines, je les regardais à la télé contre la Juve… (…) Ç’a été les trois jours les plus stressants. Sans arrêt, mes parents me demandaient : “Alors, ils t’ont appelé ?” Le vendredi soir, Stéphane (Cassard) me dit que mon essai est validé et qu’ils m’attendent lundi. Là, il y a tout le poids que je supporte depuis un an qui part. Je me rappellerai toute ma vie de cet appel. Ma mère avait retenu ses larmes pendant un an, elle a tout lâché. J’ai revu des sourires sur les visages, cela faisait trop du bien.»