Même s’ils choisissent d’agir dans l’ombre, de façon effacée et désintéressée, les religieux jouent un rôle essentiel dans la préservation de la paix et de la stabilité de notre pays. Souvent écartés au nom du principe creux de la laïcité, ces guides éclairés sont pourtant sollicités quand le pays est au bord du gouffre. Les récentes violences qui ont secoué le pays ont démontré à suffisance que les religieux représentent les derniers remparts qui tiennent debout la République.
A chaque fois que la stabilité du Sénégal est menacée, les religieux sortent de leur retraite pour trouver des solutions aux problèmes créés par les acteurs politiques. Passé le danger, honni le saint! Et dès qu’un semblant de normal est retrouvé, conseil leur est donné par ces mêmes hommes politiques, mus par leurs propres intérêts, de ne pas se mêler de la politique. Voilà le rôle auquel les politiciens professionnels veulent réduire ceux qui se réclament de la classe maraboutique, ceci au nom d’une laïcité vide de sens et volontairement opposée à la religion. Pourtant, il est clair que là où ces acteurs politiques constituent et créent les problèmes, les hommes de Dieu apportent et demeurent la solution.
Comme au Mali, avec l’imam Dicko, et la RDC avec l’Eglise catholique très engagée sur la scène politique, les religieux ne se muent pas en spectateurs au Sénégal. Ils ont compris que laisser le champ libre aux politiciens c’est démissionner de leur rôle sacré et quasi-prophétique de veiller sur et de surveiller leur troupeau. Au Congo, lors de l’élection présidentielle de janvier 2019, l’Eglise avait activement participé au bon déroulement des scrutins et était allée jusqu’à faire son propre comptage des voix issues des urnes. Elle avait mis des réserves dans la victoire de Tshisékédi en déclarant que ces résultats n’étaient pas conformes avec ses chiffres. avant de finir par prendre acte.
Un an plus tard, le Mali se retrouve face à son destin et un religieux, Imam Dicko en l’occurrence, sort des sentiers battues pour porter le combat contre la corruption, la mauvaise gestion, le clientélisme entre autres griefs faits au régime de Ibrahima Boubacar Keita. Sous l’impulsion de ce prêcheur connu pour ses positions tranchées et hautement désintéressées, les Maliens purent obtenir le départ de leur président, lequel départ a été précipité par l’implication des militaires.
Aujourd’hui, les religieux sénégalais se signalent, comme ils l’avaient fait le 23 juin 2011, pour faire revenir la paix et la cohésion sociale. Après une semaine de manifestations, aussi violentes qu’inédites, l’appel à la paix du président Macky Sall n’aurait été d’aucun impact sans la mission de sauvetage des religieux musulmans et chrétiens. Même si la médiation initiée par un collectif regroupant des personnalités des deux religions avait butté sur le refus de la partie d’Adja Sarr de régler l’affaire à l’amiable, il faut retenir que la sortie des émissaires des Khalifs généraux, le 7 mars, augurait quelque chose de positif dans cette affaire « privée » qui a fini par être une affaire d’Etat. La déclaration du président Sall, le lendemain, précédée par le placement sous contrôle judiciaire d’Ousmane Sonko, viendra confirmer que les religieux se sont entièrement investis pour sauver l’essentiel.
Au vu des derniers développements sur la crise politico-judiciaire où l’on est plongé, il n’y a point de doute que les religieux sont un vrai pouvoir au Sénégal. Bien que leur statut ne soit pas institutionnalisé, ce serait une grave erreur de les considérer comme des « citoyens ordinaires ». Quand on réussit là où les pouvoirs exécutif, législatif, et judiciaire ont échoué- chacun d’eux a une responsabilité à endosser dans cette affaire- on est forcément un pouvoir quand bien même certains le réfuteraient au nom de leur conception erronée de la laïcité.
Au lieu de la loi, Force est restée à la Foi! Malgré la sortie des ministres de l’intérieur et de la justice, symbolisant Force et Loi, les manifestations n’ont pas baissé d’un cran. Il aura fallu l’intervention des religieux pour que les choses reviennent à la normale. Mieux, la manifestation programmée le samedi passé a été reportée sur demande du Khalife des Mourides Serigne Mountakha alors qu’elle était partie pour marquer la reprise des protestations contre l’arrestation de quelques manifestants. Médiateur et fédérateur, le saint homme a en contrepartie transmis les revendications contenues dans le mémorandum dressé par le M2D. Voilà pourquoi il est temps de leur conférer toute l’estime due à leur rang, car la bénédiction qu’on peut tirer d’eux ne doit pas émaner que des prières: elle doit être avant tout dans l’action, fût-ce politique.
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