Jeune fille à la fleur de l’âge, mariée depuis moins d’un an, paraît-il tu naquis en 1989. Je ne t’ai pas connue mais ton histoire m’a glacé le sang. Alors, j’ai décidé de mettre mes mots sur les maux que tu as vécus avant de devenir un ange.
Jeune fille, tu étais allée accomplir la plus belle mission au monde : celle de donner la vie. Et, cette mission, aussi noble soit-elle, t’a été fatale.
Décret divin ou dysfonctionnement d’un système sclérosé qui a fait de toi sa Nième victime ?
Submergée par les contractions, tu as sillonné les rues de Dakar pour te rendre dans un centre hospitalier. Malheureusement, tu étais loin de pouvoir imaginer le sort que te réservait le destin. Tu appris la mort de ton bébé alors qu’il était encore dans ton ventre. Cet être si cher que tu as passé neuf mois à chérir, les anges de la vie l’ont extirpé de tes tripes en quelques minutes, anéantissant ainsi tous tes espoirs. Et comme le malheur ne vient jamais seul, tu as en sus contracté une maladie infectieuse.
Le centre hospitalier étant incapable de te soigner, ton transfert fut immédiatement décrété. De là, tu t’apprêtais à vivre un cauchemar épouvantable. Tu as été trimballée de centre en centre, chacun refusant de te porter assistance. Tu as été abandonnée par ceux-là mêmes qui avaient prêté serment de te sauver la vie en toutes circonstances.
Dakar t’ayant fermé toutes ses portes, tu as dû te ruer vers Thiès, ton dernier espoir. Tu as appris, à tes dépens, que l’ambulance qui vous transportait ta souffrance et toi servait de véhicule de secours à deux hôpitaux en même temps de sorte qu’il lui était impossible de franchir les frontières dakaroises. Dans l’urgence et au bord de l’agonie, il te fallait trouver un autre moyen de transport.
Tes proches, dans une inquiétude totale, se sont tués à cette tâche espérant te sauver la vie. Ils te trouveront une ambulance qui leur coûtera 100.000 FCFA car oui, tout comme ton accouchement, l’ambulance avait fini par te coûter cher.
Arrivée à Thiès, lessivée, épuisée par ton accouchement et les multiples et vains passages dans les hôpitaux, abattue par la perte de ton bébé, tu sombras dans le coma pour décéder deux jours plus tard.
Jeune fille, dois-je m’excuser ?
Dois-je m’excuser d’avoir participé à l’élection d’un Gouvernement qui préfère acheter et inaugurer un Train Express Régional (TER) qui depuis, ne dessert aucune région au lieu de s’assurer que les hôpitaux disposent de véhicules de secours suffisants pour éviter que des personnes comme toi ne soient plus ?
Dois-je m’excuser d’avoir fait confiance à des Politiques qui, au lieu d’équiper nos hôpitaux de compresses, de seringues et de bistouris, préfèrent encore injecter des milliards dans des voitures de fonction qui finiront réformées cinq ans plus tard et vendues à des prix dérisoires ?
Dois-je m’excuser que l’état délétère de notre système sanitaire t’ait ôté la vie au lieu de la préserver ?
Jeune fille, m’entends-tu maintenant que tu es partie ?
Entends-tu ce cri du cœur qui détonne lourdement depuis le tréfonds de mon âme ?
Entends-tu mes regrets, mon impuissance et ma souffrance ?
Entends-tu ma consternation, mon affliction et ma compassion ?
Injustement condamnée à mort, Puisse Dieu te réserver un meilleur sort.
Je prie pour le repos de ton âme et son envol vers le Jardin d’Eden.
Maître Adja Fatou DIALLO