Dans son rapport 2018-2019 sur l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes lu à Dakaracu, l’Inspection Générale d’État (IGE) s’est intéressée à l’acquisition et à l’utilisation des véhicules administratifs. Et le corps de contrôle a fait des constats ahurissants.
Selon les informations qu’elle dit avoir reçu de la Commission de contrôle des véhicules administratifs (CCVA) dans la période sous revue, les véhicules administratifs de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et autres organismes publics, notamment les agences et les autorités administratives indépendantes, sont pour l’essentiel acquis en dehors du programme annuel.
À titre illustratif, renseigne le rapport de l’IGE, au titre du programme de 2018, la Direction du Matériel et du Transit administratif (DMTA), dépendant du ministère des Finances, avait prévu d’acheter 80 véhicules du type 4X4 et vingt 20 Berlines, soit cent (100) véhicules, ainsi que quarante (40) motocyclettes.
Pour la même année, la CCVA a reçu, pour avis, 194 demandes émanant des ministères, agences et structures assimilées, établissement publics, collectivités territoriales, projets assimilés pour l’acquisition de 484 véhicules 4X4 ou 4X2, 290 berlines et 108 utilitaires, soit un total de 882 véhicules auquel il faut ajouter 306 motocyclettes.
Au vu de ces statistiques, quasiment seul un véhicule sur 09 devait être acquis par le biais du programme annuel de l’État de 2018. Ce faisant, l’objectif d’efficience en la matière a été, totalement perdu de vue.
L’IGE considère qu’il sied de veiller à ce qu’aucune acquisition de véhicule administratif ne soit effectuée en dehors du programme annuel de l’État.
Détention et utilisation irrégulière des véhicules de l’État
Il est devenu fréquent pour l’IGE de constater à l’occasion de ses missions que des autorités appelées à d’autres fonctions se refusent ou tardent à restituer les véhicules administratifs mis à leur disposition. Sur la période sous revue, de tels exemples ont été constatés dans divers ministères.
Selon l’Inspection Générale d’État, « ce genre de pratique traduit, chez les personnes concernées, à tout le moins, un grave problème d’éthique, de la désinvolture et un irrespect notoire des règles prescrites en la matière ».
Cependant, fait noter le corps de contrôle, « chaque fois qu’une telle situation a été observée », les intéressés ont été invités à restituer les véhicules. En cas d’inaction, l’IGE affirme avoir recommandé au président de la République d’ordonner aux services concernés d’engager les diligences appropriées.
L’Inspection générale d’État a constaté que dans certaines structures, des véhicules administratifs font l’objet de prêt à des autorités ou à des tiers. Or, fait relever l’IGE, ces prêts proscrits par la règlementation sur la comptabilité des matières posent de sérieuses difficultés au plan logistique.
Pour exemple, détaille le document parcouru par Dakaractu, dans un ministère, le constat a été fait en 2017 que 04 véhicules d’une direction avaient été prêtés au ministre dont relevait ce service et à un agent de l’État. « Pour ce dernier, à cette irrégularité s’ajoutait l’incongruité de servir dans un autre département ministériel », déplore l’IGE qui fait constater que jusqu’en avril 2019, seul le véhicule prêté à l’agent a été restitué. Pour ce qui concerne les trois autres véhicules, ils étaient toujours détenus par le ministre en question.
Pour que de pareilles situations ne se reproduisent plus, l’Ige milite pour l’adoption de mesures fortes qui dissuaderaient toute velléité de disposer indûment des moyens de l’État. « Ces mesures passent, notamment par l’application des sanctions prévues dans l’Instruction n°0019/PM/SGG/BSC du 05 novembre 2008 portant application du décret n°2008-695 du 30 juin 2008.
En plus d’acquérir des véhicules de manière peu orthodoxe et de les utiliser en dehors des cadres prévus par la loi, des limites ont été aussi notées dans l’entretien de ces moyens de locomotion, comme le fait noter l’IGE. Selon le rapport 2018-2019, il est fréquent de voir dans le parc automobile des ministères, des véhicules en panne ou en très mauvais état. « Bon nombre de ces véhicules ont été abandonnés dans des garages privés », indique l’Inspection Générale d’État qui ajoute le défaut de visite technique annuelle à ces manquements. Elle demande à la Direction des Transports terrestres, en rapport avec l’Agence judiciaire de l’Etat et la DMTA, de prendre les dispositions nécessaires « pour que les véhicules de l’État et de ses démembrements fassent l’objet, chaque année d’une visite technique, conformément aux dispositions du code de la route ».
Il est aussi à noter d’autres errements, à savoir le non-respect des caractéristiques prescrites, à savoir l’acquisition de berlines de « couleur sombre et discrète », pour les véhicules de fonction, et de couleur discrète, « variant du noir au gris », pour les véhicules de tournée ou à usage collectif, sauf cas exceptionnel (forces de défense et de sécurité etc.).
Il est aussi constant de voir des véhicules avec une double immatriculation or la règle est d’immatriculer les véhicules administratifs dans une série administrative (AD, EP ou série militaire).
L’IGE a aussi été surprise de voir que des véhicules administratifs sont conduits par des personnes ne disposant ni d’une carte professionnelle de chauffeur de l’Administration, ni d’une autorisation spéciale de conduire.
« Au regard de tous les manquements notés, le contrôle physique du parc automobile de l’État et de ses démembrements, par un recensement exhaustif, s’avère impérieux compte tenu des dépenses qui y sont consacrées annuellement », recommande l’IGE qui préconise des sanctions disciplinaires voire pécuniaires contre tout conducteur dont la responsabilité est établie dans un accident