Abdourahmane Diouf est de ceux qu’on désigne sous le vocable admiratif de “fort en thème”. Une personne de valeur, de talent supérieur, chez qui prédomine l’intellect, avec une rare capacité de réflexion-action. Dans un passé encore récent, les Sénégalais l’ont découvert aux côtés d’Idrissa Seck, ferraillant à tout vent. Le verbe précis, l’expression élégante, l’argumentaire décliné avec pédagogie et chose rare chez les bretteurs de son envergure, respect absolu de ses adversaires. Idrissa qui l’avait fait venir pour appuyer sa campagne électorale en 2012 ne s’y était pas trompé.
Le ralliement du leader de Rewmi au candidat – qui qu’il soit-arrivé au 2ème tour face à Wade, une fois Macky Sall au pouvoir, se concrétisera par des postes au gouvernement (2 ministères) qu’occuperont Pape Diouf et Omar Guèye. Idrissa Seck, l’allié récalcitrant, dont Macky Sall venait de briser l’obsession onirique de devenir le 4ème président du Sénégal, finira par rompre les amarres avec celui dont il a été le mentor. Cette rupture emportera son sémillant porte-parole et non moins directeur général de la Société d’Exploitation des Eaux du Sénégal (Sonees), réduit à rebondir dans un contexte d’hostilités déclenchées par le leader de Rewmi qui apparemment, n’avait pas intégré les soucis créés à ses collaborateurs par son bras de fer avec Macky.
Les deux ministres refuseront de suivre leur patron dans son échappée solitaire tandis que le directeur général de la Sonees se retrouvera défenestré. Celui qui avait tout sacrifié pour accompagner Idrissa Seck dans son parcours présidentiel n’aura même pas une once de la compensation promise par Idrissa Seck. Fidel et loyal, il remplira avec talent, brio et élégance les missions dont celui de porte-parole d’un leader devenu subitement taiseux et intrigant, de plus en plus reclus, brouillant tous les signaux après avoir renoncé aux piques assassines qu’il se délectait de décocher contre le Président, rapidement devenu sa bête noire. Au bout du bout, lassé par ce théâtre d’ombres dont tout lui échappait, à la suite de plusieurs soldats de Idy lâchés en rase compagne par le généralissime géostationnaire, Abdourahme Diouf se résoudra à prendre congé de Rewmi et de la politique.
Les démarcheurs du pouvoir en seront pour leurs frais car il balayera d’une main ferme les propositions mirobolantes qui lui seront faites par des personnalités émoustillées par l’idée de faire tomber un poids lourd issu du premier cercle de Idrissa Seck. Diouf, sans tambour ni trompette, retournera sur les bords du lac Leman, relancer ses activités professionnelles en Europe mais aussi en Afrique, à la grande joie de ses partenaires et de sa famille. Le recul ne durera pas longtemps.
Le club des investisseurs porté sur les fonts baptismaux par l’industriel Babacar Ngom et quelques amis cherche tête d’oeuf pour manager la nouvelle organisation que venait de quitter son premier secrétaire exécutif, Moustapha Diagne, l’ancien et dernier ministre de l’Economie et des Finances du régime du Président Abdou Diouf, “Alterné” par Wade en l’an 2000, Diagne, homme discret et qualifié, est parti sur la pointe des pieds, en homme de paix et de compromis, sans coup férir. S’ensuivit une intense communication entre Dakar et Genève, à la recherche de l’oiseau rare qui a fini par se laisser convaincre de remiser toutes ses activités professionnelles et ses engagements en cours et de revenir au Sénégal s’occuper du top management du CIS. Seulement, voilà, les fruits tiendront-ils la promesse des fleurs ?
Rien n’est moins sûr. Depuis deux ans qu’il existe, le Club ne s’est pas encore signalé par un quelconque investissement connu des Sénégalais. Il perpétue la tradition de ses devancières en se bousculant au portillon des postulants à la “générosité” du pouvoir à travers la commande publique et les appels d’offres biaisés, reconvertis en tour de table suite à un intense lobbying.
La faiblesse des contributions de la cinquantaine de membres, 10 millions par tête de pipe ne plaide pas en faveur d’une force de frappe crédible pour peser sur l’échiquier national. On aurait mieux compris qu’a sa première sortie, au Palais de la République, que le club brandisse une cagnotte sous forme de fonds d’investissements d’au moins 10 milliards de F CFA au lieu de cette annonce du montant des cotisations de ses membres dont certains passent pour des milliardaires à plusieurs zéros.
D’ailleurs, ces premières cotisations une fois épuisées, comment le club va-t-il fonctionner, respecter ses engagements vis-à-vis de ses partenaires dont le cabinet d’une vingtaine de professionnels et l’écosystème logistique et relationnel facturés à près de 200 millions annuels (masse salariale et charges d’environ 18 millions par mois) pour assurer toutes les taches, programmes et projets d’un Club dont les sociétaires sont tous occupés ailleurs ? Des cotisations suffisent-elles à donner du crédit à un club d’investisseurs digne de ce nom ?
Ces questions et bien d’autres chuchotées au sein et en dehors du club sont posées et à résoudre si l’organisation veut se donner un nouveau départ. Un autre départ ? Abderrahmane Diouf, va-t-il tenir bon la rampe avec ces manœuvres à peine voilées, pour lui faire porter le chapeau de cette tentative d’instrumentalisation avortée en faveur d’intérêts particuliers, qui le désignent comme bouc émissaire, le cas échéant l’agneau du sacrifice ?
En tout cas, il risque d’apprendre à ses dépens, que si la politique n’est pas un dîner de gala, elle a au moins ses codes qu’il a appris à maîtriser. Tout le contraire du maelstrom des affaires ou comme dit l’adage arabe : “ la main qu’on veut mais ne peut pas couper, il faut l’embrasser. Jusqu’à ce qu’on puisse la couper……” Le dernier communiqué qui prétend annuler celui du 14 mai en un trait de plume, fruit d’un compromis a minima, bancal et peu crédible, est révélateur du désarroi qui s’est installé dans les rangs du Cis.
En réalité on a eu droit à deux communiqués dans la journée. Un premier dénonce fermement et en des termes peu amènes le communiqué de soutien du Cis à Akilee, bloqué par le Président de l’organisation mais fuité dans la presse, probablement par son auteur. Tard dans la soirée on a eu droit à un deuxième communiqué laconique qui essaie de ménager la chèvre et le chou, de sauver maladroitement la face, face aux uns et aux autres, au risque de friser le ridicule.