La sortie du président de la République sur l’affaire de la distribution du marché de riz est une «façon d’évacuer le scandale du coronagate». Mais au-delà, estime Fatou Blondin Ndiaye Diop, «attribuer autant de responsabilités à son beau-frère rappelle le cas Karim Wade». Par ailleurs, la coordonnatrice du mouvement Aar li ñu bokk prend position en faveur d’un confinement pour endiguer la pandémie du Covid-19.
Le confinement est incontournable pour endiguer la propagation du Covid-19, selon le Président Macky Sall. Peut-on vraiment adopter cette mesure au Sénégal avec nos réalités socio-économiques ?
Nous allons très certainement vers le confinement des communes où les cas communautaires croissent à grande vitesse. Nous n’avons pas imposé le port de masque en son temps. Et maintenant que c’est fait, nous n’en disposons pas en quantité suffisante et aux normes certifiées. Nous n’avons pas non plus assez de tests rapides pour isoler les populations en fonction de leur statut sérologique : testés négatifs, porteurs sains et malades à suivre. Alors, la seule issue, si la courbe d’infections continue de monter, sera le confinement. Les conséquences économiques et sociales seront catastrophiques. Elles méritent que le gouvernement et les citoyens s’y préparent, mais on n’aura pas le choix.
Pour Macky Sall, le débat autour de l’attribution des marchés de vivres qui implique son beau-frère, Mansour Faye, est un débat au ras des pâquerettes. Est-ce votre avis ?
C’est une façon d’évacuer le scandale du coronagate. Premièrement, attribuer autant de responsabilités à son beau-frère nous rappelle le cas Karim Wade. Deuxièmement, tout porte à croire que les attributions se sont opérées très rapidement, dans l’opacité et sans respecter les règles en vigueur. Aujourd’hui, notre inquiétude se porte sur la distribution. Le ministre du Développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale a l’air d’avoir l’onction du Président Macky Sall dans ses agissements. Si tel est le cas, le Peuple qui aura beaucoup souffert de cette pandémie s’en souviendra. Ils rendront des comptes d’une façon ou d’une autre.
Etes-vous de ceux qui redoutent le syndrome Karim Wade avec la gestion des fonds de l’Anoci ?
Tout nous ramène à l’ère Karim Wade : le népotisme, la multiplicité des casquettes pour tout ce qui va en direction de la demande sociale. Tout porte à croire qu’on lui trace le chemin de la succession. Mais les Sénégalais décideront in fine de leur avenir.
Etes-vous rassurée quant à une gestion transparente du Force-Covid-19 après la nomination du Général François Ndiaye à la tête du Comité de suivi ?
Je note d’abord le retard dans sa création et surtout après avoir passé les marchés des denrées alimentaires. Je note aussi la composition qui montre le souci de gérer les équilibres plus que le contrôle de la gestion efficace des fonds. On attend le plan d’action au sommet et à la base. Les arguments de Mansour Faye, lors de sa conférence de presse, éclipsaient le fond de l’interpellation des journalistes sur l’achat et le transport du riz. C’était la surprise générale des majeurs du domaine du transport, de la vente de riz, de voir tout d’un coup des acteurs sortir pour gagner ces marchés à coup de milliards. Alors qu’un petit tour au ministère du Commerce aurait permis de savoir que ce n’étaient pas des acteurs majeurs. Et quant à Diop Sy, d’aucuns supputent que sa société n’existerait plus. Donc, c’était ça le fond de la question. Et sa réponse était plutôt autour de «nous avons fait un appel d’offres», alors que déjà les transporteurs lui avaient dit qu’ils étaient disposés à transporter gratuitement. Donc il préfère répéter qu’un appel d’offres a été lancé, qu’ils ont choisi les moins chers, etc. Il ne rentre pas dans le fond du sujet, à savoir que ces entreprises qui ont gagné ces marchés n’étaient pas connues dans le domaine des marchés en question. En plus, les montants étant très élevés, tout le monde s’attendait, dans le cadre d’une offre de gratuité, que le gouvernement s’en saisisse et qu’on vienne apporter un certain soutien à un secteur national qui sera très certainement durement touché par la crise. Pour moi, le ministre est passé à côté.
Le Quotidien