SENELEC – Les casseroles d’Akilee,le rôle des dg Makhtar Cissé Amadou Ly et Papa Mademba Biteye

Un plan de restructuration et de relance du secteur de l’énergie a poussé la Senelec à s’orienter vers des compteurs intelligents. Important virage technique, technologique et financier sur fond d’adaptation à un contexte qui évolue vite. Très vite même…

Une vive controverse vicie l’atmosphère de travail au sein de la Senelec. Un contrat conclu en février 2019 avec la start-up Akilee alimente la polémique sur fond de contestation du protocole de cession qui ferait la part belle à l’entreprise contractante chargée, selon les termes de l’accord, d’approvisionner l’opérateur d’électricité en compteurs intelligents. L’accord relève de ce qui est perçu comme une « convention réglementée » entre les deux entités. Le marché conclu s’élève à 187 milliards de francs CFA étalé sur dix ans. Akilee naquit en 2017, peu après la conclusion d’un Mémorandum d’entente (MOU) qui a été paraphé une année plus tôt.

La Senelec détient 34 % des parts de Akilee qui emploie près de 100 jeunes, renseigne une brochure de l’entreprise. A l’acquisition de compteurs dits intelligents devraient s’ajouter l’exploitation commerciale, la pose des compteurs, la relève, la distribution de factures et la coupure (en cas de défaut de paiement de clients). Les travailleurs, inquiets, veulent être édifiés sur la nature du contrat et ses implications sociales. Une série de discussions engagées avec la direction générale ne leur ayant pas donné satisfaction, les syndicats mettent la pression et obtiennent de la direction générale la tenue d’un atelier de mise à niveau qui associe toutes les parties prenantes de la Senelec.

BATAILLE DE MARCHÉ

Les lenteurs de la direction à formuler par écrit la réponse souhaitée enveniment les rapports avec les forces sociales qui, non seulement manifestent de l’impatience mais soupçonnent une « nébuleuse » dans un contrat qu’ils jugent irrégulier. L’ancien Directeur général de la Senelec Mouhamadou Makhtar Cissé, signataire du contrat, devenu par la suite Ministre de l’Energie, s’éloigne progressivement du dossier dont hérite son successeur venu, lui, du Secrétariat Permanent à l’Energie (SPE). Ce dernier, décrit comme un homme sans bruit, monte au créneau. Il se hâte lentement pour aller au rythme de la société de technologies, spécialisée dans les services énergétiques. Akilee réunit un prestigieux tour de table dont, entre autres, le financier Victor Ndiaye et l’expert de renom Samba Laobé Ndiaye.

La firme revendique une compétence distinctive dans les technologies digitales appliquées à l’efficience énergétique. Dans le présent contexte, le maître-mot demeure l’émergence prônée par les pouvoirs publics sensibles à l’amélioration et à l’efficacité de la dépense énergétique. Un système d’information éprouvé ferait l’affaire. L’arrivée de Akilee au sein de l’activité Senelec était perçue comme « opportune » en ce qu’elle introduit une démarche innovante basée sur la digitalisation jugée « inévitable » par plusieurs cadres qui se sont confiés à www.emedia.sn.

CONSTAT DE DÉFAILLANCE

La défaillance de Simelec (autre filiale, détenue à hauteur de 34 % par la Senelec), restée près de deux ans sans exécuter le marché pour lequel elle était attributaire, a fini par convaincre le Top Management de la société publique de s’en ouvrir à une entreprise plus capée : ce fut Akilee, dirigée par Amadou Ly. Le monde de l’énergie, disent ces cadres, évolue vers cette direction qui plébiscite les systèmes intelligents au détriment des systèmes traditionnels de comptage. En clair, il se posait à la Senelec (et de tout temps) un réel problème d’approvisionnement en compteurs modernes susceptibles d’améliorer le service et de réduire les pertes colossales de recettes.

Des sources concordantes estiment que l’actuel DG de la Senelec, Papa Mademba Bitèye était déjà administrateur de l’entreprise publique quand il officiait en qualité de Conseiller technique du Ministre de l’Energie d’alors, Mme Maymouna Ndoye Seck. D’autres cadres qui occupaient des fonctions de directeurs d’unités au sein de l’opérateur d’électricité, suivaient de près l’évolution du rapprochement entre les deux entités. Les mêmes sources, sollicitées, disent à voix basse que le contrat fait l’objet d’un « profond différend » ayant conduit au blocage de bons de commandes engagés coûteusement par Akilee. Les relations ne sont pas des meilleures entre le patron de la Senelec et le Directeur Général de la start-up. Pour s’en convaincre, les courriers qu’ils se sont échangés traduisent l’âpreté du combat qu’ils se livrent à fleurets mouchetés. Certes, ils y mettent les formes en gentlemen mais la dureté des rappels sonne comme les débuts fracassants d’un litige qui s’annonce.

PRISES DE POSITIONS

Par presse interposée, les avis divergent. Ils laissent apparaître des prises de positions partisanes favorables aux divers protagonistes de cette affaire qui est loin d’être vidée. Le 7 avril, le DG de la Senelec adresse une convocation au DG de Akilee, l’invitant à une réunion du Comité de pilotage prévue le mardi 14, à l’effet d’examiner l’état d’exécution du contrat, la situation des impayés et, point crucial, la mise en œuvre de la procédure de révision du contrat. En guise de réponse, le DG de Akilee confirme sa présence à cette rencontre ce, d’autant que le COPIL est, selon lui, bien compétent pour « discuter de la procédure de révision du contrat. »

Cette identité de vue cache mal cependant un profond désaccord qui ne saurait tarder à voir le jour puisque dans le même courrier de réponse le jeune dirigeant de Akilee fait observer qu’aucun manquement au devoir ne leur a été imputé pour « justifier l’initiative de la révision » dudit contrat. Dans la foulée de cet étonnement, surgit une autre interpellation qui reprend à son compte cette information véhiculée par La Lettre du Continent faisant état d’un « marché de gré à gré pour acquérir des compteurs électriques auprès du Groupe israélien Power Com ». Un autre échange, touchant cette fois à des tests de recettes (à distance) et de débarquement de lots de compteurs, illustre le fossé qui se creuse entre les deux dirigeants d’entreprise. Ce désaccord est ponctué de rappels et de citations d’articles dans les arguments avancés par l’un et l’autre.

CONTRAT D’EXCLUSIVITÉ

La note confidentielle chuchote que Yackov Dar, dirigeant de Power Com (spécialisé dans des compteurs intelligents), a engagé des discussions avancées avec la Senelec pour la livraison de quelque 45 mille compteurs électriques monophasés et triphasés. Certains n’hésitent pas à épingler ce marché qui, selon leurs dires, connaitrait une surfacturation de plus d’un milliard de francs CFA. Pour passer commande de ce lot d’équipement, l’Avis de Non-objection (ANO) s’impose et il n’est délivré que par la Direction centrale des marchés publics, « sans appel d’offres et par entente directe », nous confie une source informée. Laquelle renvoie dos-à-dos les deux protagonistes qui font fi des règles de passation de marché, passage pourtant obligé pour tout potentiel adjudicataire : être à cheval sur les principes régissant ce type d’appel à concurrence.

Il nous revient en outre que le Conseil d’administration de la Senelec a donné autorisation au Directeur général de passer la commande de compteurs auprès de Power Com. Les administrateurs ont toutefois assorti cette autorisation d’une clause : l’aval de la DCMP (marchés publics) dont l’Avis de Non-objection est donc très attendu. A suivre… D’ailleurs Akilee brandit le « droit d’exclusivité » que rejette la Senelec, actionnaire à hauteur de 34 pour cent dans le tour de table de la start-up. L’exclusivité en question constitue, pour des syndicalistes attachés à la défense des intérêts de la Senelec, une source potentielle de danger découlant de « l’inexpérience » supposée de Akilee ». La mise en demeure servie par le DG de la société spécialisée au DG de la Senelec a été très mal accueillie dans les plus hautes instances de la société nationale.

DIALOGUE DE SOURDS

Certes, il y a eu des lenteurs dans l’exécution des tâches dévolues à Akilee, admettent des proches du DG de la Senelec. Mais, selon eux, cet écueil ne saurait pour autant justifier les écarts de conduite vis-vis du fournisseur d’électricité dont la prise de participation est loin d’être négligeable, soit 300 millions. On reprocherait à la direction de Akilee de « manquer de tact » dans l’évocation des dossiers sensibles. Ceci fonderait l’initiative de « rupture de la clause d’exclusivité » agitée. Akilee s’en défend. Avec vigueur. La start up fonde plutôt sa démarche sur la clarté des exposés et le respect des principes. Or pour d’aucuns, ces entre-faits favorisent le raidissement de positions observées ici et là. En négociations, l’expression des positions donne du relief à l’armature. Chemin faisant, de conciliabules en conciliabules, les bons offices entrepris par des personnalités influentes ont désamorcé la tension pour permettre la tenue de la réunion du Comité de pilotage, le mardi 14 avril dernier. Sérénité retrouvée ? Rendez-vous est pris pour le 23 avril.

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