Le milliardaire mauritanien, Mohamed Ould Bouamatou, a frappé les esprits au Sénégal, en faisant un don d’un milliard à son pays de cœur, dans la lutte contre la Covid-19. Seneweb vous retrace le parcours de ce géant (jumbo, en anglais) qui a fait aussi fortune, entre autres, dans cette marque de bouillon bien connu de la cuisine sénégalaise.
Son geste fait jaser dans les chaumières, depuis quelques jours. Mauritanien de naissance, Mohamed Ould Bouamatou a donné une belle leçon de patriotisme aux hommes d’affaires et milliardaires sénégalais. Ce « Sénégalais de cœur » a fait forte impression, cette semaine, en contribuant à hauteur d’un milliard de francs Cfa au fonds Force Covid-19, là où la quasi-totalité des grosses fortunes sénégalaises et des entreprises étrangères établies au pays de la Téranga ont brillé par leur avarice. Qui est ce mauritano-sénégalais qui vient de donner une belle « claque » à ces pseudos « champions » sénégalais ?
Bébé de l’année 1953
Cousin d’Ely Ould Mohamed Vall et de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, l’homme d’affaires est l’une des plus grosses fortunes de la Mauritanie. Il faut dire que sa bonne étoile ne lui a jamais fait faux bond depuis sa naissance le 31 décembre 1953 (66 ans). Touche-à-tout, Mohamed Ould Bouamatou a débuté sa vie active comme instituteur, après l’obtention de son diplôme à l’Ecole normale. Membre de la tribu commerçante mauritanienne Oulad Sbaï, sa carrière d’instituteur n’a duré que le temps d’une rose. Les gènes ont très tôt repris le dessus.
À 22 ans, Ould Bouamatou quitte les classes et se lance dans les affaires, aux côtés de son oncle qui dirigeait la société d’import-export Somipex.
Il gravit très rapidement les échelons et développe ce caractère inné de flairer les bonnes affaires. Au bout de deux ans seulement, son oncle fit de lui le directeur adjoint de l’entreprise, à l’âge de 24 ans, en 1977. C’est le début d’une success story pour l’homme d’affaires en herbe. Conscient que les connaissances sont au début et à la fin de tout succès, Mohamed Oul Bouamatou élargit ses compétences en comptabilité, en cours du soir, avant de lancer rapidement sa propre affaire : une fabrique à pain, dans le quartier de la Médina de Nouakchott.
Représentant officiel de la marque Jumbo en Mauritanie
Sa soif de faire fleurir ses actions n’est pas pour autant étanchée. En 1983, l’instituteur reconverti dans la « boulangerie » obtient un crédit du gouvernement, à travers le Fonds national de développement consacré au financement du secteur privé mauritanien, et se lance dans une autre aventure, en fondant une société de vente de caramels, Cogitrem, qui écoule sa marchandise en Mauritanie, au Mali et au Sénégal.
Ses nombreux voyages d’affaires à la recherche de nouvelles opportunités, l’ont mené en Espagne où il fit la connaissance des dirigeants de Gallina Blanca, le géant des bouillons culinaires. Il devient ainsi le représentant officiel de la marque Jumbo (géant, en anglais) dans son pays, la Mauritanie. Mohamed Ould Bouamatou en fera de même avec Philip Morris et Nissan, et devient représentant officiel de l’industrie du tabac et concessionnaire de la marque automobile Nissan en Mauritanie.
« Banquier », « opérateur télécom »…
Son goût pour les affaires n’a aucune limite. Alors, Ould Bouamatou ne cesse de briser tout plafond de verre. Il « fourre » ses mains dans toutes sortes de cambouis et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela lui réussit bien. En 1995, il intègre l’univers banquier. Un saut dans le vide certes, mais couronné de succès, puisque l’homme d’affaires qui venait de lancer la première banque privée (Gbm) du pays, a réussi à obtenir le soutien de la filiale de Fortis, Belgolaise. Il obtient des crédits de la Société financière internationale (Sfi) grâce à ce soutien.
Pour Ould Bouamatou, la témérité est toujours payante ; alors, hors de question de se fixer une limite. C’est ainsi qu’après la boulangerie, le caramel et la banque, il se lance, en parallèle, dans l’assurance en créant les Assurances générales de Mauritanie (Agm) ; dans les télécoms en tant qu’actionnaire (39 % des actions) de Mattel, premier opérateur Gsm de la Mauritanie. Il a aussi participé à la création de Mauritania Airways, mais pas que.
En effet, ce discret pionnier de « l’africapitalisme » a aussi investi 40 millions d’euros (26 milliards de francs Cfa) pour la construction d’emballages de ciment.
Egalité des chances en Afrique
Figure de proue de la lutte pour l’égalité des chances dans le continent africain, Ould Bouamatou a créé, en 2015, avec Me William Bourdon et Me Georges-Henri Beauthier, la Fondation africaine pour l’égalité des chances en Afrique. A travers sa fondation Bouamatou, l’homme d’affaires initie beaucoup de projets en Afrique. La fondation a d’ailleurs participé, en 2017, au financement de la plate-forme des lanceurs d’alertes en Afrique (Pplaaf) et a accordé un soutien de 100 000 euros pour les artistes mauritaniens exilés, comme lui, à cause de leurs opinions.
Après dix ans d’exil entre le Maroc et l’Espagne, Mohamed Ould Bouamatou est rentré dans son pays le 10 mars 2020. Pourtant soupçonné d’avoir financé le coup d’Etat et l’élection de son cousin Mohamed Ould Abdel Aziz, Bouamatou finit par s’opposer ouvertement aux agissements de son cousin qu’il accuse d’avoir trahi les promesses de changement. Aziz, à son tour, accuse Bouamatou de « financer illégalement » les acteurs de l’opposition, notamment ceux qui rejettent avec force le référendum du 5 août 2017 et l’idée de révision constitutionnelle pouvant ouvrir la voie à un troisième mandat.
Cousinage pas du tout plaisantin
Dans cette guéguerre entre cousins, Bouamatou a vu, en 2013, trois de ses entreprises soupçonnées, par le pouvoir en place, de détournement fiscal. Menacées de fermeture par la Direction mauritanienne des impôts pour cause de « fraude fiscale », ces entreprises ont reçu des avis de redressement fiscal d’un montant total estimé à 10,3 millions d’euros (plus de 6 milliards de francs Cfa).
Apôtre d’une éducation progressiste dans une Mauritanie encore très conservatrice, Mohamed Ould Bouamatou, dans son combat pour la cause féminine, a accompagné ses filles Ghlana et Leïla à suivre des études universitaires. Diplômée des prestigieuses universités de Londres, Leïla, qui dirige aujourd’hui la Gbm (la banque créée par son père) fait partie de la liste des 100 dirigeants de demain, du magazine « Forbes ».
Le retour de Mohamed Ould Bouamatou au pays natal n’est pas sans fracas, puisqu’en ces temps de lutte contre la Covid-19, l’homme d’affaires a contribué à hauteur de 2,5 millions de dollars (1,5 milliard de francs) en Mauritanie et 1,6 million de dollars (1 milliard de francs Cfa) pour le Sénégal