C’est une maman meurtrie et effondrée, qui a accepté, les larmes aux yeux, de se confier à «L’Obs» dans son domicile sis au quartier Cité Damel de Dakar. Diary Mballo surmonte très difficilement cette sulfureuse histoire de moeurs qui oppose sa fille mineure, Diénabou Baldé dite Djeyna, à son ex-producteur Mamadou «Diop Iseg», placé depuis jeudi sous mandat de dépôt à la prison de Rebeuss (Dakar) pour pédophilie, détournement de mineure et corruption de mineure. Sans langue de bois, «Mère Diary» brise enfin le silence.
La douleur accable Diary Mballo. Visage morne, mine harassée, la maman de la jeune chanteuse Diénabou Baldé dite Djeyna, empêtrée dans des démêlés judiciaires avec son ancien mentor et producteur Mamadou Diop, le pdg de l’Iseg, reste encore sous le choc de cette rocambolesque histoire de détournement de mineure (voir par ailleurs). Elle en a l’âme encrassée, le cœur gros et le moral au plus bas. Ce jeudi soir, recroquevillée dans un salon aux meubles simples logé au deuxième étage d’un immeuble sis à la Cité Damel de Dakar, elle regarde le destin en face. Tout ce drame qui s’est abattu sur sa fille chérie, chanteuse en herbe pas encore majeure. Sans tabou, «Mère Diary», comme l’appellent affectueusement ses enfants, enveloppe sa peine indescriptible dans un grand boubou wax multicolore. Et quand la quinqua, assise sur une chaise en bois brinquebalante, le chapelet à la main, un foulard blanc couvrant sa tête, ouvre la bouche, des trémolos étreignent sa voix, rendant son débit presque inaudible. Elle reste silencieuse un moment et, puis, comme dans un accès de colère noire, elle crache ses vérités.
Diary Mballo a le cœur en pleurs : «Depuis que j’ai appris cette affaire qui salit l’honneur de ma fille et de ma famille, je ne me sens plus la même. D’ailleurs, je ne mange plus et ne bois plus. Et quand mon téléphone sonne, je perds mon sang-froid et j’ai peur de décrocher. Parce qu’à chaque fois que ça sonne, je pense que c’est à cause de cette affaire. Quand on m’a annoncé la nouvelle alors que ma fille était enceinte de 5 mois, j’ai failli tomber des nues parce que j’ai eu la surprise de ma vie. Ma tension (artérielle) n’a cessé de grimper. Au début, je ne savais pas à qui me confier, à qui parler de cette histoire. Mais, je ne pouvais pas non plus garder le secret, car cela me torturait.»
Entre deux soupirs, elle se remémore le jour où Mamadou Diop, patron du label «Gamboul Inc.», s’est posé devant elle et toute la famille de Djeyna pour leur promettre de veiller sur leur fille et d’en faire une étoile dans le ciel du showbiz sénégalais : «A Kolda, Diop s’était présenté à moi comme une personne responsable. Il m’avait dit qu’il avait en charge trois (3) épouses. Que son seul but de papa et de producteur, c’était d’aider ma fille à réussir dans ses études et sa carrière musicale grâce à son Label.»
«Diop Iseg», comme on le surnomme communément, a respecté sa fameuse «promesse» ou presque, en produisant le premier single de Djeyna, «Baabam». Mais le seul hic, c’est que la proximité entre le papa-producteur de 56 ans et sa «protégée» de 17 ans s’est transformée en une «idylle» qui défie la morale et le «socialement correct». Un «rapprochement» aux conséquences très fâcheuses.
«Même dans un rêve, je n’aurais point imaginer que «Diop Iseg» allait coucher avec ma fille»
Depuis la révélation de cette relation interdite, la déception de Diary Mballo est grande. Trop grande même. D’autant plus que, se justifie-t-elle, dans cette histoire de mœurs, sa fille mineure aurait été abusée par le Président-directeur général de l’Institut supérieur d’entrepreneurship et de gestion (Iseg). Ce qui a d’ailleurs valu à celui qu’on surnomme «Diop le beau» d’être placé sous mandat de dépôt pour pédophilie, détournement de mineure et corruption de mineure par le Juge du 8e Cabinet du tribunal de grande instance de Dakar, Mamadou Seck.
«Je suis très déçue par le comportement de Diop, regrette Diary Mballo. Même dans un rêve, je n’aurais point imaginer qu’il allait coucher avec ma fille. Ce monsieur a trahi ma confiance et celle de toute ma famille alors que j’avais foi en lui, j’avais une confiance aveugle en sa personne. Il m’avait donné des gages, jurant sur tous les saints de veiller sur les études de ma fille, en me promettant de gérer sa carrière musicale. Diop m’a surprise, parce qu’il me demandait souvent de garder l’esprit tranquille, de ne pas avoir des soucis pour ma fille, car il la considérait comme sa propre fille Abiba (chanteuse elle aussi, Ndlr). Donc, son rôle était de prendre soin d’elle. Mais au finish, il a abusé de cette confiance aveugle.» De la «naïveté» de sa Diénabou aussi, aussi en état de grossesse avancée.
En réponse à la plainte déposée par le patron d’Iseg pour extorsion de fonds et publication d’images à caractère personnel, la jeune pépite koldoise a traduit son ancien producteur et mentor musical devant la justice pour viol suivi de grossesse. Le dossier, passé par les enquêteurs de la Cybercriminelle et qui a fini par atterri à la table du Juge d’instruction du 8e Cabinet du tribunal de Dakar, Mamadou Seck, a pris une nouvelle tournure. Le magistrat instructeur a corsé le dossier de «Diop Iseg», en le poursuivant pour le crime de pédophilie, détournement de mineure et corruption de mineure. Et avec la criminalisation de la pédophilie et du viol portée par la loi numéro 2019-20, le père de Abiba risque une peine allant jusqu’à la réclusion à perpétuité.
«Quand le papa de Diénabou a appris la nouvelle de sa grossesse, il a perdu la voix et l’usage de ses jambes»
Mais en attendant le travail de Dame justice, le regret et l’amertume hantent le sommeil de Diary Mballo. «Quand on m’a annoncé la nouvelle de la grossesse de ma fille cadette, je suis restée deux jours sans dormir, ressasse-t-elle une énième fois. D’ailleurs, depuis l’ébruitement de cette affaire qui met ma fille au-devant de la scène, je ne ferme plus l’œil.» «Toutes les nuits, je me réveille au milieu de la nuit pour faire des prières surérogatoires et des «wirds», demandant au Bon Dieu de préserver ma fille et ma famille», jure-t-elle, la main sur le cœur.
«Mère Diary» n’est pas le seul membre de sa famille à être marqué à vie par cette affaire. La tournure des évènements a également terrassé le pater de Diénabou Baldé, qui peine encore à se relever des agissements prêtés à «Diop le beau» : «Quand mon époux, le papa de Diénabou, a appris la nouvelle de sa grossesse, il en a perdu l’usage de ses jambes et de sa voix. Il a eu mal, très mal. Au début, il s’est même isolé et ne voulait pas parler avec nous, car il était trop en colère. Mais progressivement, il reprend ses esprits, en bon croyant.»
Aujourd’hui que «le mal est fait», le seul souhait de Diary Mballo, c’est de voir la justice sénégalaise vider ce dossier sulfureux. En personne avertie, la génitrice de l’auteure de «Baabam» demande à toutes les mamans du monde de «ne guère faire confiance à un inconnu, quel qu’il soit». «A nous mères et épouses d’être plus prudentes, nous devons toujours avoir l’œil sur les soi-disant tuteurs en charge de l’éducation de nos enfants, filles comme garçons», prêche-t-elle. «La confiance aveugle conduit souvent à la déception et aux mauvaises surprises», regrette «Mère Diary». Une leçon du destin que la famille de Djeyna Baldé, encore groggy face à ce qui ressemble à un «mauvais rêve», promet d’ériger en règle de «bonne vie et moeurs».
IBRAHIMA KANDE
IGM