Assane Ndiaye, promoteur de lutte : «Même si je dois mendier pour organiser des combats, je le ferai»

Assane Ndiaye, promoteur de lutte : «Même si je dois mendier pour organiser des combats, je le ferai»

L’OBS – Condamné à deux ans avec sursis par le tribunal de Dakar pour faux, usage de faux et escroquerie au visa, puis suspendu trois ans par le Comité national de gestion (Cng) de la lutte, Assane Ndiaye avait vu le soleil de sa carrière de promoteur s’assombrir. Mais le ciel lui semble dégagé : il a été gracié par le Cng. Pour «L’Observateur», le Baol-Baol scrute son avenir.

Le Cng qui vous avait suspendu trois ans, suite à vos tracasseries judiciaires en 2014, vient de vous accorder sa grâce. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Je remercie les Sénégalais qui m’ont soutenu pendant ces moments difficiles. Cette épreuve m’a fait comprendre que c’est toujours bon de contribuer à la marche de son pays. Mon métier de promoteur qui m’a permis de trouver de l’emploi à des jeunes de mon pays, m’a valu beaucoup de considération. Cette histoire étant derrière moi, je vais renouveler mon engagement dans la promotion de la lutte, ce sport de chez nous. C’est en 2003 que je me suis lancé dans ce métier, en organisant d’abord des tournois de lutte simple. Puis j’ai grandi et commencé à organiser des galas de lutte avec frappe au stade Iba Mar Diop. Mon premier grand combat, c’était Tapha Tine-Talla Gaïndé. Depuis, je n’ai jamais eu de problème. Après 11 ans de service, c’est la première et seule fois que j’ai eu ce problème. J’espère que ce sera la dernière.

Pouvez-vous revenir sur cette affaire qui vous a valu quelques jours de prison et une peine de 2 ans avec sursis ?
De jeunes lutteurs qui voulaient voyager, sont venus me voir. Ils n’avaient pas de contrat au Cng. J’ai voulu les aider et leur ai alors donné des contrats que je détenais et qui avaient le cachet du Cng. C’est avec ces documents qu’ils sont allés déposer et malheureusement, ont été coincés. Pis, pour les aider, je leur avais remis une importante somme d’argent. Voilà ce qui m’a valu des ennuis avec la justice.

On vous a inculpé pour faux, usage de faux et escroquerie au visa. Il s’est aussi dit que vous aviez scanné les cachets du Cng sur les documents, pour permettre à ces gens de voyager ?
Je n’ose pas scanner les cachets du Cng. Je reconnais avoir commis l’erreur de donner à ces jeunes des contrats estampillés Cng. A l’époque, je n’avais pas mesuré les risques. Aujourd’hui, ça m’a servi de leçon. S’il plait à Dieu, pour le restant de mes jours, je ne ferai plus ces erreurs. Maintenant que je suis opérationnel, j’ai vais redoubler d’efforts dans la lutte avec frappe pour rendre la monnaie à tous ces gens qui ont cru en moi. C’est dans les moments durs qu’on reconnaît ses amis et ses ennemis. Je profite de l’occasion pour remercier Alioune Sarr, président du Cng. Lui, c’est mon père. Il m’a beaucoup aidé et je lui en suis reconnaissant. Je peux aussi citer Aïda Mbodji, Mbaye Dione, Babacar Diouf du Cng, Seydou Guèye…

Vous devez avoir beaucoup de regrets…
Je ne peux pas ne pas avoir de regrets. Chaque année, j’organisais 10 journées, j’engageais 100 à 200 lutteurs. J’organisais beaucoup de tournois de lutte simple aussi. Mon absence a handicapé beaucoup de jeunes. Ça c’est un regret. L’autre regret, c’est de découvrir que certains n’étaient mes amis que par intérêt.

Parlez-vous du monde de la lutte ?
Bien sûr, c’est dans ce monde que j’évolue. Si vous prenez 100 personnes, dites-vous que les 80% ne vous fréquentent que par intérêt. Parmi mes amis journalistes, il y en a qui n’ont jamais dit du mal de moi. D’autres m’ont flingué comme pas possible. Ceux qui font la revue de presse ne m’ont pas raté. Par contre, il y a de vrais amis qui m’ont soutenu. Cette histoire m’a ouvert les yeux sur beaucoup de choses. Je rends grâce à Dieu de m’avoir soumis à cette épreuve pendant que je suis encore jeune (il aura bientôt 31 ans). Je suis venu à Dakar en 1995. La première fois que je suis allé au stade pour suivre un gala de lutte, je n’avais que 5 000 FCfa. C’était lors du combat opposant Zale Lô à Khadim Ndiaye. J’ai acheté un billet d’entrée à 1 500 FCfa et à la fin du combat, on m’a volé les 3 500 FCfa. La lutte a toujours été une passion pour moi.

Quand avez-vous appris la décision du Cng de vous gracier ?
C’est le vendredi 8 janvier que le secrétaire administratif du Cng m’a convoqué pour m’informer que je pouvais renouveler ma licence. J’en profite pour remercier le Cng qui a vraiment fait preuve de flexibilité. Passé les trois premiers mois, la licence devait me revenir à 900 000 FCfa. Mais je l’ai eue au tarif normal (300 000 FCfa). Quand on commet une faute, il faut savoir l’accepter. J’ai fauté, malgré tout, le Cng m’a fait une grande faveur. Je m’en souviendrai. Je commencerai par rendre la monnaie à la lutte.

Après 17 mois d’absence, que réservez-vous aux amateurs ?
Un retour en force ! Je vais faire la lutte autrement. Dans mes projets, je compte organiser un gala de lutte à Abidjan (Côte d’Ivoire) et un autre à Bissau. Pour Abidjan, j’ai déjà saisi le Cng. Je vais remplir le cahier de charges pour pouvoir organiser ces galas hors du Sénégal. Pour le gala d’Abidjan, prévu en mars, je suis en discussions avec deux grands lutteurs qui viendront juste pour donner un cachet populaire à la fête.

Vous faites votre retour au moment où certains de vos pairs promoteurs se retirent, où les sponsors sont rares. Qu’est-ce qui vous motive ?
La crise prend des proportions inquiétantes dans l’arène. Mais à chaque promoteur sa stratégie. Je promets de revenir en force. Pour les sponsors, je ne m’inquiète pas. Je sais où mettre le doigt pour attirer les partenaires. Les amateurs seront bientôt servis. Le jour où je prendrai la décision d’organiser un grand combat, les gens verront que je ne fais pas les choses comme les autres. Je suis en discussions avec des sponsors. Je vais montrer aux promoteurs comment organiser un grand événement.

Pourquoi ce défi, avez-vous une revanche à prendre ?
J’ai tourné la page. Tout ce qui s’est passé derrière moi. Je n’essaie pas de prendre une revanche. J’ai des ambitions. J’ai grandi et mon retour fera mouche.

Avec la conjoncture actuelle, beaucoup de promoteurs ont déclaré impossible de payer des cachets de plus de 50 millions à des lutteurs. Vous fixez-vous des limites aussi ?
Je n’ai pas de limite. Je n’ai pas encore payé des centaines de millions. Mais si j’ai la possibilité, je ne vais pas m’en priver. Je démarche des partenaires. Quand j’ai eu ce problème, j’ai pris du recul. J’ai continué à fructifier mon commerce dans la ferraille, sachant qu’un jour, je reviendrai dans la lutte. Ma famille s’y est opposée. Mais ma conviction est que l’être humain ne peut pas échapper à son destin. Et c’est dans son métier qu’on rencontre les problèmes. Je ne le souhaite pas, mais même si je dois mendier pour organiser des combats, je le ferai. C’est ma passion et rien ne me fera laisser tomber.

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