Jusqu’ici perçu comme un modèle de démocratie et une référence en matière d’élections en Afrique, le Sénégal a pris un sacré coup, selon le rapport 2019 de l’Economist Intelligence Unit (EIU) sur la démocratie. Le pays a chuté de 9 places et est classé 82ème à l’échelle mondiale. Mais pas seulement. S’agissant de la corruption, le Sénégal connait une dégradante chute aux regards des résultats de ces différentes études rendues publiques. Même chose dans l’Indice de Développement Humain (IDH) où le Sénégal est classé parmi les plus faibles. Heureusement, le progrès noté dans le classement du Doing Business, vient un peu sauver l’honneur d’une gouvernance trouée par des rapports d’instances internationales.
Au total, sept pays africains sont des démocraties imparfaites (contre huit en 2018), 17 dont le Sénégal sont hybrides (à mi-chemin entre régime autoritaire et démocratie), tandis que les 25 autres sont classés dans la catégorie régime autoritaire. Cette position du Sénégal ne surprend pas l’analyste politique Bacary Domingo Mané.
« Je ne suis pas surpris par cette régression, compte tenu des actes posés le président de la République. Des opposants sont incarcérés et l’histoire de la Présidentielle par rapport au parrainage… Ces actes constituent un recul démocratique sans compter l’arrêté de l’ancien ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom, (interdisant des manifestations aux alentours du Palais, Ndlr) », a déclaré M. Mané.
Parlant de cet arrêté, l’analyste politique estime qu’avec l’arrivée du Président Sall au pouvoir en 2012, les Sénégalais pensaient qu’il allait annuler cette mesure qui est « en dessous de la loi ». Mais malheureusement, son régime brandit toujours cet arrêté pour interdire les manifestations au Centre-ville de Dakar.
Mané pense même que le Sénégal pouvait perdre plus de 9 places. De son point de vue, il estime ceci est une « alerte pour le président de la République et tout ceux qui l’entourent ». « En réalité, le Sénégal aurait pu dépasser ce niveau de démocratie, mais pour des calculs politiciens, on est en train de tirer vers le bas », prévient-il.
Retenons qu’en 2000, Abdou Diouf avait félicité Abdoulaye Wade. Et Wade en 2012 n’a pas hésité à en faire de même pour Macky Sall. Mais en 2019, le président Sall s’est félicité lui-même, car l’opposition avec à sa tête Idrissa Seck, a dénoncé une élection « entachée de suspicions et de tricheries ».
Le Sénégal est depuis 4 années successives, classé dans la zone rouge de la corruption
Jeudi dernier, Transparency International a publié son rapport sur l’Indice de Perception de la Corruption (IPC). Le Sénégal est, depuis quatre (4) années successives, classé dans la zone rouge, synonyme des pays les plus corrompus. Ces résultats ont soulevé des commentaires d’hommes politiques comme l’opposant Ousmane Sonko, qui a même accusé le Président Macky Sall d’être l’Alpha et l’Oméga de la corruption.
Le Sénégal a un score de 45 sur 100, le même score depuis 4 ans. Pour éclairer les Sénégalais, l’économiste, Docteur Ndongo Mané Kébé, a expliqué ceci à PressAfrik : « On note que le Sénégal n’avance pas. Parce que depuis cette année, aucune nouvelle loi n’a été votée, aucun texte n’est venu renforcer le cadre réglementaire du pays. Ce qui fait que le Sénégal a stagné pendant ces quatre (4) ans».
Mais, le gouvernement sénégalais quant à lui, note des avancées dans la lutte contre la corruption depuis l’arrivée du Président Macky Sall au pouvoir. « Du point de vue de la norme et du cadre réglementaire, nous avons fait d’énormes progrès. Je prends en exemple l’adhésion à la norme de l’ITIE qui existe depuis 2003. Le Sénégal n’y a adhéré qu’avec l’arrivée de Macky Sall au pouvoir. Et aujourd’hui, le Sénégal fait partie des trois seuls pays dont l’évaluation a conclu à la situation de pays ayant accompli de progrès satisfaisants », a soutenu dimanche, le porte-parole de la présidence, Seydou Guèye sur la RFM.
Pour sortir le Sénégal dans cette zone rouge, Dr Kébé propose : « Les pays qui ont fait une grande avancée cette année dans l’IPC, sont des pays qui ont fait un effort dans le cadre du financement des campagnes électorales. Si le Sénégal veut sortir de la zone rouge, il doit essayer de réglementer le financement des partis politiques dans un premier temps, le financement des campagnes, dans un second temps. S’il n’y a pas de lois dans ce sens, le ministre qui se prête dans la campagne électorale peut détourner des millions afin de les dépenser dans la campagne, ainsi que les Directeurs généraux (Dg) et autres autorités. Le Sénégal doit également faire des efforts en termes d’accès à l’information pour améliorer son score ».
Aucun pays africain n’a réussi à se hisser dans la catégorie des pays ayant un niveau « très élevé » de développement humain en 2018, tandis que 7 pays du continent se classent parmi les pays ayant un taux d’IDH « élevé ». 14 pays du continent restent dans la catégorie des pays ayant un « niveau moyen » de développement humain, tandis que plus de la moitié des pays du continent (32) restent dans la catégorie des pays affichant un taux « faible » en matière d’IDH. Parmi ces derniers, le Sénégal, qui occupe la 166e place derrière des pays voisins comme la Mauritanie et le Cap-Vert. Soit une chute de deux place par rapport au classement 2018 où il était à la 164e place.
Pour rappel, le classement de l’IDH évalue le niveau de développement humain des pays (189 au total), en se basant sur plusieurs données impliquant, entre autres, le niveau d’éducation de la population, la santé et le revenu.
Le rapport Doing Business sauve l’honneur
Le rapport annuel de Doing Business vient un peu sauver la face du régime de Macky Sall. Le Sénégal figurait à la 141e place du Doing Business 2019. Il a gagné ainsi 59,3 points contre 54,4 dans le précédent rapport. Le pays, selon un document, doit ce bond à 2 réformes jugées majeures, à savoir l’augmentation de la base de données du bureau de crédits et la mise en place d’une plateforme électronique pour la déclaration et le paiement des taxes en ligne.