Si le président de la République, Macky Sall, se réjouit de l’ouverture de l’usine chinoise de fabrication de carreaux céramiques à Sindia, les commerçants et industriels du Sénégal, eux, déplorent un dumping de la Chine. Dans cet entretien accordé à Seneweb, le chargé de communication de l’Association des commerçants et industriels sénégalais (Acis), Pape Modou Guèye, accuse même «l’Empire du milieu» de bloquer les visas aux importateurs.
Le président Macky Sall a procédé, mardi dernier, au lancement d’une usine de fabrication de carreaux céramiques à Sindia. Quelle appréciation en faites-vous ?
Actuellement, comme vous l’avez dit, nous avons constaté l’inauguration de l’usine de carreaux de Sindia par le président Macky Sall. Nous, Association des commerçants et industriels du Sénégal (Acis) avons un point de vue là-dessus. Notre position par rapport à cela, c’est que nous ne disons pas non à une industrialisation du Sénégal. D’ailleurs, lors de notre journée d’intégration au Cices, le thème, c’était «Economie informelle, véritable passerelle vers l’industrialisation». Donc, nous qui réfléchissons déjà sur comment allez vers cette industrialisation, nous ne pouvons pas dire non.
Cependant, ce que nous regrettons véritablement, c’est cette politique de dumping que la Chine veut nous imposer. Cela veut dire quoi ? Actuellement, nous avons constaté à Sandaga, au marché Ocass et dans l’ensemble des grands marchés de ce pays, des Chinois qui vont démarcher des commerçants pour vendre directement les carreaux à ces derniers. L’usine appartient aux Chinois, ils fabriquent les carreaux, les transportent eux-mêmes et les vendent eux-mêmes. Dans quelle partie, au niveau de ce processus-là, le Sénégalais va agir ?
Si je vous comprends bien, vous voulez que les Chinois laissent aux Sénégalais la chaine de distribution des produits qui sortiront de cette usine ?
Mais au moins ! Les Sénégalais peuvent être des collaborateurs pour la distribution. Ce qu’ils ont fait dans le domaine du carrelage, ils pourront le faire dans le secteur du textile demain, dans la plomberie et la tuyauterie…C’est en fait cette politique de dumping rampante que nous déplorons.
Toute à l’heure, vous avez fait cas de tracasseries au niveau de la délivrance des visas pour la Chine. Qu’en est-il réellement ?
Nous disons que cela entre dans cette politique de dumping. D’ailleurs, nous avons même formé une délégation et nous sommes partis voir l’ambassadeur de la Chine au Sénégal pour qu’il nous explique ce qui en est. Parce qu’on ne comprend pas que ces derniers temps, à chaque fois que nos opérateurs économiques demandent le visa pour la Chine, des problèmes se posent.
Quels justificatifs vous ont-ils donné ?
Souvent, ils ne donnent même pas de justificatifs, parce que les gens à qui ils ont rejeté les demandes avaient l’habitude d’avoir le visa sans problème.
Qu’est-ce qui vous fait penser que ce sont les industriels chinois établis au Sénégal qui tirent les ficelles ?
Cela se comprend. On n’a pas besoin d’être un expert en économie, dans ce monde où nous sommes, pour comprendre tout cela. Ils cherchent à décourager les Sénégalais. Ils vont continuer à venir investir dans nos secteurs d’activité. Mais, demain, ils vont faire de telle sorte que nous qui évoluons dans le secteur de la plomberie ou dans le secteur des carreaux, nous ne serons plus dans ce milieu. C’est cela qui est regrettable. Nous alertons l’Etat du Sénégal et lui demandons de protéger ses fils.
Vos rapports avec les autorités douanières étaient très heurtés, ces derniers temps. Quelles sont vos attentes à l’endroit du nouveau Dg ?
Nous souhaitons qu’il améliore nos rapports avec l’Administration douanière. D’ailleurs, nous en profitons pour lui dire bienvenue et bonne chance. Nous en profitons pour porter nos préoccupations au nouveau directeur et espérer que les jours qui vont venir vont être de très beaux jours, car il faut le dire, nos relations avec l’ancienne direction n’étaient pas apaisées. Vous vous rappelez certainement cette grève de trois jours due à un courrier sorti par l’ancien directeur de la douane et nous Acis, nous étions opposés à la hausse du dédouanement.
Ces temps-ci, il est beaucoup question de pressions de la part de l’Etat qui a visiblement des problèmes de finance. Qu’en est-il de votre côté ?
Personne n’a besoin d’être un économiste pour comprendre que l’Etat a des problèmes de finance. Peut-être que c’est dû à ces grands travaux qu’il est en train de réaliser et qu’il ne parvient pas à livrer. Maintenant, est-ce que c’est aux Sénégalais de payer la note ? Cela pose problème.
Avez-vous était associé au dialogue national ?
Nous n’avons pas reçu d’invitation. C’est malheureux. Et pourtant, nous représentons 80 % de l’économie sénégalaise. Imaginez une association comme l’Acis qui n’a même pas un an et qui parvient à paralyser Sandaga, en faire une ville morte pendant trois jours et la même chose dans les grands marchés du pays ! Quand vous dialoguez, il faut l’y associer.
L’économie informelle que nous représentons, d’après les chiffres de l’Ansd, représente 80 % du Pib. Soit on parle de ce qui peut faire avancer le Sénégal, soit on parle d’autre chose. Si on veut parler de politique politicienne, on peut faire un dialogue sans le secteur informel, mais si on veut faire bouger les lignes du développement au Sénégal, c’est impossible.