Tout commence avec l’arrestation du transitaire Sallo Fambaye Diop dit Vieux tombé peu avant Mamadou Diouf dit «capitaine Momo», intercepté à Karang et suspecté d’avoir facilité la fuite du vendeur de moto, Ibrahima Thiam alias Toubèye qui se rendra finalement à la Justice. Lors de son interrogatoire, sous le régime de la garde à vue au siège de la Section opérationnelle de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) , Vieux avait fait des révélations de taille aux enquêteurs.
Il confiait effectivement que le cartel de la drogue avait tenté de récupérer les 238 kilogrammes de drogue saisis, dans un premier temps, au Port de Dakar. Dans les détails, le transitaire affirmait aux policiers qu’on lui avait fait croire qu’il devait «juste» récupérer des téléphones portables se trouvant dans cinq véhicules de marque Renault Kwid au niveau de Dakar Terminal. Il ajoutait que c’est sur ces entrefaites qu’il a sollicité Babacar Diop, agent de Dakar Terminal, placé sous mandat de dépôt dans le cadre de cette procédure, qui aurait reçu à cet effet 500.000 Fcfa.
En ce moment précis, les enquêteurs n’avaient plus qu’un seul objectif : identifier «on », celui que le cartel de la drogue avait mandaté pour récupérer la marchandise. Mais voilà : Vieux Diop jurait ne détenir qu’un numéro de téléphone puisqu’il aurait rencontré furtivement l’individu, dont il fait une description détaillée, au Port. Vieux décrit un homme, les enquêteurs tombent sur une…femme. Les enquêteurs se penchent sur le numéro qui «parle» enfin. Problème : alors que Vieux Diop décrit un homme, il se trouve que la ligne en question est détenue par une femme.
Cette dernière est immédiatement prise en charge par une équipe civile qui l’interpelle discrètement. Entendue sous le régime de l’audition libre, elle affirme que le numéro lui appartenait mais elle l’a laissé à son ex-copain connu depuis la France. Son nom ? Ismaïla Ousmane Ba. Les policiers piochent et savent qu’ils tiennent du lourd. A preuve, entre 1992 et 2015, Ismaïla Ousmane Ba a été condamné, en France, à plusieurs reprises, pour recel de biens provenant d’un vol, association de malfaiteurs, complicité de meurtre, trafic international de drogue etc. L’intense travail de renseignement des éléments de l’Ocrtis permet de découvrir qu’Ismaïla Ousmane Ba vit au Point E, plus précisément au premier étage de l’immeuble de Sablux, situé près de la mosquée. Une équipe de surveillance investit les lieux.
Les policiers se mettent en planque et attendent. «Je viens de la part de Monsieur Ba… ». En lieu et place d’Ismaïla Ousmane Ba, c’est un jeune homme qui se présente auprès du vigile de l’immeuble. Les policiers ne le lâchent pas des yeux. Leur instinct paye : le jeune homme dit au gardien que c’est «Monsieur Ba» qui l’envoie récupérer sa valise. Pour prouver sa bonne foi, il lui montre les clés de l’appartement numéro C15. Avant qu’il ne comprenne ce qui lui arrive, l’individu est cueilli par les enquêteurs. Son nom ? El Hadji Elimane Sèye. Brièvement interrogé, il raconte que c’est «Monsieur Ba » qui l’a envoyé dare-dare lui récupérer une valise posée dans sa chambre et qu’il devait le retrouver ensuite dans un célèbre restaurant situé à Yoff-Virage.
Le sang des policiers ne fait qu’un tour : «Monsieur Ba » tente en toute vraisemblance de quitter le territoire national. Les policiers se mettent à table et passent commande… Ils quittent Point E avec Elimane Sèye. Direction : Yoff-Virage où Elimane Sèye leur indique le restaurant dans lequel l’attendait Ismaïla Ousmane Ba. Des éléments de la Section opérationnelle en civil pénètrent dans le restaurant pour «commander» à manger. Ils repèrent discrètement l’objectif qui est rapidement cueilli, sans incident. Les enquêteurs quittent les lieux sans récupérer leurs… commandes mais avec les deux «colis ». Retour au Point-E pour une perquiz’. L’homme au lourd casier tente de baratiner les policiers.
Dans l’appartement de «Monsieur Ba », sis au premier étage, ils saisissent des puces téléphonique, des cartes bancaires, plusieurs téléphones mais aussi une rutilante 4X4 Mercedes planquée dans le parking souterrain. Au siège de l’Ocrtis, «Monsieur Ba» est informé qu’il est placé en garde à vue pour association de malfaiteurs, trafic international de drogue, contrebande et importation sans déclaration en Douane. Ousmane Ba, Français de parents franco-sénégalais, rejette en bloc. Interrogé en présence de son avocat, il se présente comme un honnête homme d’affaires qui a ouvert, en 2014, une société d’Import-Export «Agro Market » qui aurait son siège social à Colobane.
Il jure même qu’en France, la seule fois qu’il a eu des «problèmes » avec la justice c’était parce qu’il roulait sans permis. Les enquêteurs lui mettent sur la table son long casier. Le suspect est ébranlé. Mieux, lorsqu’il est interrogé sur sa relation avec Vieux Diop, il assure ne pas connaître ce dernier et dément formellement les accusations portées contre lui. Là aussi les policiers l’abattent en exhibant toutes les communications téléphoniques qu’il a eues avec Diop.
Pire, il a été attesté techniquement que le mis en cause présumé a eu plusieurs échanges téléphoniques avec les acteurs de cette sordide affaire (ils sont tous identifiés) à la suite de la première saisie de 238 kilogrammes de drogue. Ousmane Ba sera aussi incapable de fournir le moindre document relatif aux activités d’Agro Market qui présente toutes les caractéristiques d’une société écran.