La plaidoirie était très attendue. Au procès du double meurtre de Médinatoul Salam, Me Khassimou Touré s’est posé en avocat du Mouridisme, et en fervent talibé. Le conseil des victimes est intervenu, dit-il, pour remettre de l’ordre dans les rangs des thiantacounes, qui considèrent Cheikh Béthio comme Serigne Touba.
Ce procès est un procès historique, un procès inédit et un procès sensible. Par la grâce de Dieu, Cheikh Ahmadou Bamba disait dans Massalikoul Djinaan, « quand on frappe à une porte avec insistance, on finit par y entrer ». Nous avons frappé avec insistance devant la porte de la justice et on a fini par y entrer avec brio, avec dignité, avec humilité. Les chefs d’accusation étaient très lourds et sont au nombre de sept. Donc, les charges qui pesaient sur les accusés sont des charges très lourdes. Nous avons procédé méticuleusement à situer les responsabilités des uns et des autres, à asseoir la culpabilité des uns et des autres. Je le disais : Bara Sow et Ababacar Diagne ont été sauvagement tués, ils ont été sauvagement ensevelis. Une concertation a eu lieu, une réunion nocturne a eu lieu pour se répartir les tâches, pour protéger certains et jeter l’opprobre sur les autres. Nous avons dénoncé tout cela devant la barre de cette juridiction.
Vous avez aussi réclamé trois milliards en guise de dommages et intérêts, n’est-ce pas un montant fantaisiste ?
Comme notre système judiciaire l’autorise et le permet, j’ai dit que pour les héritiers de Bara Sow et les héritiers de Ababacar Diagne, aucun montant si important soit-il, ne peut réparer le préjudice qui a été causé à leurs familles, à leurs héritiers et à leurs ayant-droits. Il y a eu un pretium-doloris, il ne faut pas oublier que Ababacar Diagne a été enterré vivant. C’était atroce ! Bara Sow a été torturé, sauvagement agressé. C’était douloureux ! C’était atroce ! En tant que leur conseil, en tant que leur avocat, parce que j’ai eu l’honneur de mériter leur confiance, il me fallait jouer ma partition conformément à nos règles, conformément à la loi. Donc en tant que leur porte-voix, j’ai demandé à ce que les accusés soient condamnés à leur payer in solidium, c’est-à-dire solidairement, la somme de 3 milliards de francs Cfa. En taquinant, j’ai dit que ces trois milliards ne vont pas servir à faire du ‘‘pouthie-paathie’’, mais ces trois milliards vont constituer un plat de résistance digne, un plat de résistance confortable pour ces gens qui ont subi un préjudice doloris, qui ont subi un préjudice économique, un préjudice social, qui ont subi des coups psychologiques et psychiques mais qui continuent à vivre dans la dignité et dans l’honneur. Les victimes ont laissé une progéniture à bas âge ; leur avenir doit être assuré. Mais aucun montant, disais-je, ne peut réparer le préjudice qui a été causé.
Et qu’est-ce que vous retenez des débats d’audience ?
Qu’attendez-vous de la justice dans cette affaire qui défraie la chronique ?
Grosso modo et en définitive, nous attendons de notre justice, qu’elle dise le droit ; nous attendons de notre justice qu’elle se soucie un tout petit peu de la veuve et de l’orphelin. Nous attendons de notre justice, qu’elle réhabilite moralement, socialement, sociologiquement Bara Sow et Ababacar Diagne. Donc les trois milliards que j’ai demandés rentrent parfaitement dans ce qu’on peut appeler la catégorisation des réparations pécuniaires. Je n’ai pas fait cette demande par pure fantaisie ; j’ai fait cette demande en me fondant sur le droit, sur les faits. Il faut une réparation pécuniaire. J’aurais pu demander le franc symbolique mais ce serait tricher de ma part. C’est trahir la confiance de mes mandants qui m’ont demandé de frapper fort pour que pareille atrocité ne se reproduise plus dans ce pays, dans ce beau pays, le Sénégal où l’harmonie, la concorde et la vie en société sont érigées en règle de principe.