La mère de Ababacar Diagne, Khady Penda Fall, a été horrifiée par la fin tragique de son fils, dans le drame de Madinatoul Salam, surtout lorsqu’elle voyait à l’audience la projection de ces corps exhumés. Devant la Chambre criminelle, elle a sollicité du juge de réprimer les auteurs de ces actes à la hauteur de leur forfait.
Sept ans après la mort atroce de son fils Ababacar Diagne dit Pape, mère Khady Penda Fall a été contrainte de revivre, lors du procès en cours au tribunal de grande instance de Mbour, les souvenirs douloureux de cette disparition tragique en qualité de partie civile. En effet, ce qui était jusqu’ici un mystère a été projeté au grand jour à l’audience du premier jour. Il s’agit d’images insoutenables de la découverte du corps de son fils et celui de Bara Sow, après qu’ils ont été exhumés par les enquêteurs. «On m’avait caché le corps de mon fils, mais depuis le début du procès, je suis encore affectée par cette horreur», confesse la dame qui révèle qu’elle est d’autant plus peinée par la cruauté dont ont fait montre les bourreaux de son fils, en l’enterrant vivant. La dame reste persuadée que son fils était vivant lorsqu’il a été inhumé. Et, elle en veut pour preuve les résultats de l’autopsie qui font état de la présence de sable dans les poumons de son défunt fils. «Lorsqu’on est asphyxié, on éprouve tout le mal du monde pour respirer, à plus forte raison être enterré vivant», se désole-t-elle, avant de fondre en sanglots. Poursuivant, elle rappelle que l’épouse de Ababacar Diagne, au moment du drame, était enceinte de cinq mois. Elle a toujours dit au dernier né de la famille, âgé aujourd’hui de huit ans, que son père était à Touba. Mais, c’est avec le cœur meurtri qu’elle découvre que l’enfant, au premier jour du procès, avait appris ce qui s’était passé. «J’ai regardé la télé et j’ai vu comment mon père a été tué», balance le gamin à sa grand-mère, de retour du procès, avant de solliciter de la Chambre de «réprimer sévèrement» les auteurs de tels actes à la hauteur de leur forfait. Autre fait qui importune la mère de feu Ababacar Diagne, c’est la fausse information véhiculée à travers une certaine presse et qui fait croire que, depuis le décès de son fils, c’est le Cheikh qui s’occupe des quatre enfants du défunt. «C’est archifaux», s’indigne la dame, qui s’est toujours occupée de ses petits-fils et de leur maman qui vit encore dans la maison conjugale. Non sans préciser n’avoir reçu qu’une enveloppe de cent mille francs des mains du frère de Cheikh Béthio, en guise de «diakhal» condoléances.
Khady Penda Fall : «Je ne comprends pas cet attachement à Béthio…»
Par ailleurs, la mère de Pape Diagne est revenue sur l’origine des relations tendues entre son défunt fils et le Cheikh. D’après les confessions de son défunt fils, Cheikh Faye, le chambellan, voulait l’enrôler pour qu’il rejoigne le groupe des commandos. Son fils avait refusé, au motif que les activités de ce groupe dirigé par le chambellan sont illégales. Depuis lors, il était dans la ligne de mire de ce groupe qui le surveillait. En effet, quiconque refuse de rejoindre le groupe des commandos était tué. «Je ne comprends pas ce qui se passe, mes enfants ne vivent que pour le Cheikh. Je ne sais pas si on leur a donné quelque chose ou pas ; mais c’est bizarre», note Khady Penda Fall. En tout cas, cet attachement pour le Cheikh s’est manifesté lorsqu’il a été atteint par balle. «Dieureudieuf (merci) Cheikh Béthio», avait-il dit. Pourtant, flairant une attaque surprise de ce groupe, il avait envoyé son épouse et ses enfants dans la maison de ses parents. Ce qui fait dire à sa mère que les accusations selon lesquelles son défunt fils insultait le défunt guide de Cheikh Béthio ne sont pas fondées ; persuadée que Cheikh Faye est à l’origine de l’éclatement de sa famille et de tout ce qui est arrivé à son fils. En outre, la dame a fait une révélation de taille. Alors qu’ils étaient à la gendarmerie, un des talibés de Béthio s’est écrié : «est-ce que Pape Diagne n’a pas subi le même sort que ceux qui sont partis et ne sont jamais revenus ?»
Moussa CISS (envoyé spécial à Mbour)
INTERROGATOIRE DES DEUX EPOUSES DU GUIDE DES THIANTACOUNES
Aida Diallo et Déthié Pène au chevet de leur époux, le chambellan Cheikh Faye passe pour l’agneau du sacrifice
En l’absence de Cheikh Béthio Thioune au procès du double meurtre de Madinatoul Salam, ses deux épouses, en l’occurrence Aïda Diallo et Déthié Pène, ont assuré sa défense, quand elles ont été appelées à la barre en qualité de témoins. Toutes deux ont indiqué que leur époux et marabout n’a posé aucun acte compromettant dans cette affaire ; qu’il ne connait rien de ce qui s’est passé, puisqu’il était dans la chambre. Mieux, il était très remonté d’apprendre la mort de ses deux talibés dans des conditions inhumaines. Toutefois, pour ces dernières, c’est le chambellan Cheikh Faye qui passe pour l’agneau du sacrifice.
La version, jusqu’ici servie par les accusés, selon laquelle c’est le groupe de Bara Sow qui a ouvert les hostilités lors de la bagarre de Madinatoul Salam, à l’origine de la mort de Bara Sow et de Ababacar Diagne, a été démontée, hier, par les témoins qui ont défilé devant la barre de la Chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Mbour. Parmi ces derniers, un gendre du fils du guide des Thiantacounes, Serigne Béthio Thioune, en l’occurrence Makhtar Sow. Même s’il a été entendu à titre de simple renseignement, il révèle que Bara Sow et son groupe étaient venus en paix pour faire leur ziar. «Certains étaient debout sous les arbres en train de réciter des Khassaïdes, d’autres assis à même le sol. L’un d’eux était venu vers moi pour que je l’introduise auprès du Cheikh. C’est à ce moment que j’ai entendu le chambellan Cheikh Faye proférer des injures à l’endroit de ces visiteurs, avant de les sommer de vider les lieux. Par la suite, un groupe de talibés a fait irruption pour s’attaquer au groupe de Bara Sow, avec des gourdins et des coupe-coupe», révèle d’emblée le témoin, qui ajoute que Cheikh Béthio était par la suite sorti pour s’enquérir de la situation. Seulement, Cheikh Faye s’était contenté de lui dire que c’est Bara Sow et son groupe qui étaient là et qui sont repartis. Un gendarme avait également fait le déplacement et dit devant le Cheikh avoir entendu des coups et qu’il y aurait mort d’homme. Devant cette interrogation, indique Makhtar Sow, Cheikh s’est précipité à dire au pandore qu’il n’y a ni mort ni coup de feu.
Maguette Niassy dénonce les «ndigël» qui émaneraient du Cheikh alors qu’il n’en est rien
Poursuivant son récit, le gendre du fils de Béthio de relever que tard dans la nuit, pressé par le désir d’aller aux toilettes, il a encore aperçu, au retour, dans la cour de la maison éclairée par un lampadaire, Cheikh Faye le chambellan, au milieu d’un groupe d’hommes. Le lendemain, le gendarme était revenu pour confirmer ses soupçons, avec les photos de l’exhumation des corps de Bara Sow et de Ababacar Diagne. Devant l’horreur, le sang du guide des Thiantacounes ne fit qu’un tour. Cheikh Béthio avait poussé un cri fort et était très en colère. Même si, lors de la confrontation, le chambellan a contesté cette nouvelle charge du témoin, en rappelant un antécédent qui justifie ce regain de jalousie, celui-ci a persisté dans ses dires et sera confirmé par l’ami de feu Bara Sow, Maguette Niassy, du moins, en ce qui concerne l’origine de l’altercation. Non sans ajouter que lorsqu’ils ont été chassés, Bara Sow a été retenu à l’intérieur, avant qu’il ne soit plus tard jeté à l’extérieur de la maison. Il était dans un état piteux et gravement blessé, suite aux tortures dont il avait fini de faire l’objet. Cependant, invité par le juge à parler de son défunt ami, le témoin n’a pu retenir ses larmes. Après avoir retrouvé ses esprits, il est revenu sur la déclaration du défunt avant leur arrivée à Madinatoul Salam. «Aujourd’hui est un jour de paix, même si on nous provoque, ne répondez pas à la provocation et ne versez pas dans la violence», dit-il. Des propos qui sont dans une vidéo versée dans le dossier. Poursuivant, il a énergiquement remis en cause le supposé fatwa de Cheikh Béthio, qui interdit l’accès de sa maison à Bara Sow. «Je ne suis pas au courant de ce ‘’ndigël’’. Parfois, ils (faisant allusion au chambellan et proches du Cheikh) font véhiculer des mesures ou des ‘’ndigël’’ qui émaneraient du Cheikh alors qu’il n’en est rien», révèle Maguette Niassy, qui a fini par quitter le domicile de son guide religieux, au motif que lui et certains de ses frères talibés ne pouvaient se conformer à la «législation en vigueur» dans la cour du Cheikh. Il s’agissait, dit-il, de reconnaitre «l’unicité du Cheikh».
Aida Diallo se défausse sur le bras droit de son époux, Cheikh Faye
En d’autres mots, de faire un choix entre Dieu et le Cheikh. En plus de ces témoins qui ont porté la réplique au chambellan de Cheikh Béthio, en l’occurrence Cheikh Faye, les deux épouses du guide des Thiantacounes Aïda Diallo et Déthié Pène, ont démenti le chambellan Cheikh Faye en ce qui concerne l’interdiction de l’accès au domicile du Cheikh au sieur Bara Sow. «Bara Sow était un bon talibé, le préféré de Cheikh Béthio. Mais subitement, il a changé en proférant des insanités. Nous n’avions pas compris. Mais le Cheikh persistait à dire que Bara Sow est son talibé, avant d’inviter les autres à ne pas le suivre dans ses délires. Il n’a jamais donné d’ordre pour attaquer Bara», fait remarquer l’épouse de Béthio. Poursuivant, elle a enfoncé le bras droit de son époux, Cheikh Faye, en révélant son habillement le jour des faits. Un blouson sombre. Ce qui conforte les déclarations de Makhtar Sow, gendre du fils de Béthio, qui l’avait vu au milieu d’un groupe de talibés tard dans la nuit. Elle rappelle également que le Cheikh était très remonté et en colère de ce qui s’est passé à son insu, lorsqu’il a été informé, le lendemain, par les gendarmes.
Déthié Pène : «Cheikh Béthio est Serigne Touba»
La dernière épouse de Cheikh Béthio, Déthié Pène, qui avait rejoint le domicile conjugal une semaine avant le drame, est également revenue sur le comportement troublant du chambellan de son époux, le jour du drame. «Nous étions dans la chambre en train de regarder le combat opposant Balla Gaye 2 à Yekini, lorsque Cheikh Faye a prévenu le Cheikh de l’arrivée de Bara Sow. Je vais le recevoir, avait dit Cheikh Béthio. Mais le chambellan s’est proposé d’aller voir d’abord. Cheikh Béthio est resté dans la chambre et ne sait rien de ce qui s’est passé», rapporte sa douce moitié, ingénieur en informatique. Interpellé par le représentant du parquet sur la signification du «ndigël», Mme Thioune d’invoquer l’explication de Serigne Touba. «Tu compares Cheikh Béthio à Serigne Touba», rétorque le procureur. «Cheikh Béthio est Serigne Touba», renchérit la dernière épouse du guide des Thiantacounes, applaudi par les disciples de son époux présents dans la salle d’audience, avant de terminer ses propos en rendant grâce à son époux de marabout : «dieureudieuf Serigne Béthio».