L’année 2015 tire à sa fin. Mais elle aura été marquée par des événements politiques qui auront cristallisé l’attention de l’opinion publique sénégalaise. Dans le cadre de la rétrospective 2015, Actusen.com en a retenu quelques uns, dont l’affaire Lamine Diack, la fronde au Parti démocratique sénégalais (Pds), le ‘’caillassage’’ du cortège présidentielle à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad).
Incontestablement, l’affaire Lamine Diack, ancien Président de l’IAAF, est le fait le plus marquant de cette année. Comme un coup de massue, il aura surpris plus d’un Sénégalais, tant la réputation du mis en cause est salie à jamais, au crépuscule de sa vie.
Accusé d’avoir reçu une ‘’forte somme d’argent’’ (1, 5 million de dollars) de la part de la Fédération russe pour ‘’couvrir’’ des cas de dopage d’athlètes ‘’aux passeports biologiques anormaux’’, Lamine Diack est mis en examen en France pour ‘’corruption passive et blanchiment aggravé’’ par l’Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales.
Bien que l’enquête suit son cours, cette affaire aura des effets collatéraux, puisque l’ex-patron de l’athlétisme mondial a reconnu avoir financé l’opposition sénégalaise d’alors avec cet argent pour combattre l’ancien régime. ‘’Je vous ai dit qu’il fallait, à cette période, gagner la ”bataille de Dakar”, c’est-à-dire renverser le pouvoir en place.
Lamine Diack se salit les mains, pour faire tomber le défunt régime de Wade
Il fallait pour cela financer notamment le déplacement des jeunes, afin de battre campagne, sensibiliser les gens”, a-t-il raconté aux juge en charge de son cas, selon le journal Le Monde. “J’avais donc besoin de financements pour louer les véhicules, des salles de meetings, pour fabriquer des tracts dans tous les villages et tous les quartiers de la ville”.
Avant d’ajouter : “nous nous sommes entendus, la Russie a financé, déclare-t-il au juge Van Ruymbeke, chargé de l’instruction. C’est (Valentin) Balakhnichev (le président de la Fédération russe) qui a organisé tout ça. Papa Massata Diack (l’un des fils de Lamine Diack) s’est occupé du financement avec Balakhnichev. (…) Quand j’ai sollicité une aide de la part de Balakhnichev, je lui ai dit que pour gagner les élections, il me faudrait environ 1,5 million d’euros. (…) Il m’a dit : ”on va essayer de les trouver, il n’y a pas de problème’’.
Vrai ou faux ? En tout cas, ces déclarations vont avoir l’effet d’une bombe, puisque certains ont très vite établi un lien de cause à effet entre cet ‘’argent sale ‘’ et la victoire du Macky Sall. Malgré les démentis apportés par les proches du Président de la République et les excuses plates présentées par l’auteur de l’article du journal Le Monde, la rumeur persiste et les commentaires s’enchaînent.
Des journalistes du groupe D-Media (Massamba Diop, Mamadou Mansour Diop, Pape Bess Diba, Ndeye Astou Guèye) et le Secrétaire général adjoint du Parti démocratique sénégalais (Pds) en feront, d’ailleurs, les frais. Si ces journalistes ont été interpellés puis relaxés par la Division des investigations criminelles (Dic), ce n’est pas le cas pour le député-maire de Dagana. Car auteur d’un communiqué incendiaire contre Macky Sall, il sera placé sous mandat de dépôt. Il est poursuivi pour ‘’faux en écritures privées’’ et ‘’diffusion de fausses nouvelles’’.
Fronde au Pds
L’autre événement politique, qui aura marqué l’année 2015, c’est aussi la fronde menée par Modou Diagne Fada et Cie à l’intérieur du Parti démocratique sénégalais (Pds). Ayant noté une ‘’léthargie’’ du Parti et un ‘’manque de leadership’’ de Oumar Sarr, le Président du Conseil départemental de Kébémer et ses camarades ont réclamé la tenue d’un Congrès pour renouveler la Direction du Parti.
Un mémorandum fut remis au Secrétaire général national du Pds, Aboulaye Wade, à cet effet. Mais certains responsables libéraux qualifient la démarche des frondeurs de crime lez majesté. Pire, Farba Senghor accuse Modou Diagne Fada d’avoir été ‘’corrompu’’ par Macky Sall, dans le but de déstabiliser le Pds. L’enfant de Darou Mousty s’en défend et sert une sommation interpellative au chargé de la propagande du PdsS.
Le fossé entre l’enfant et le vieux va se creuser davantage, lors de la rentrée parlementaire au mois d’octobre dernier.
Face à la volonté de Me Wade de le faire remplacer par sa collègue députée Aïda Mabodj au poste de Président de Groupe parlementaire ‘’Libéraux et Démocrates’’ au nom de la ‘’parité’’, Modou Diagne Fada opposera une farouche résistance. Conséquence : Le Groupe parlementaire de l’opposition est scindé en deux blocs : celui de Fada et celui d’Aida Mbodj.
Chaque bloc, convaincu d’avoir le droit avec soi, va déposer sur la table du Président de l’Assemble une demande de constitution de Groupe parlementaire. N’ayant pas pu vider la question en séance plénière, l’Assemblée nationale va renvoyer la question en réunion de bureau. Coup de théâtre ! Alors que chaque camp affutait ses armes, le Président de l’Asssemblée Moustapha Niasse, dans un communiqué lapidaire, va disqualifier la liste déposée par le Secrétaire général national adjoint du Pds, Omar Sarr.
Suffisant pour que Aïda et Cie crient à la ‘’forfaiture’’. Persuadée que Modou Diagne Fada est en ‘’collision avec l’ennemi’’ (le régime en place), la Commission de discipline du Pds a décidé d’exclure le Président du Conseil départemental de Kébémer du Parti. Une décision que conteste ce dernier qui et sert une citation directe au Secrétaire général adjoint du Pds, Oumar Sarr.
Pendant ce temps, le camp d’Aïda Mbodji, fort du soutien des députés de Rewmi, poursuit le combat au sein de l’Hémicycle. Déterminés à bloquer le bon fonctionnement des travaux à l’Assemblée, ils perturbent la réunion de Commission présidée par le ministre de l’Environnement. Il s’en est suivi une vive altercation entre députés des deux camps. Le député Oumar Sarr brutalisé, son costume déchiré.
Alors que la rupture entre frondeurs et libéraux semblait consommée, voilà que Diagne Fada change, subitement, de posture. Recevant la visite de son collègue député Imam Mbaye Niang, qui tente de réconcilier les deux camps, Modou Diagne Fada se dit disposé à quitter la tête du Groupe parlementaire ‘’Libéraux et Démocrates’’. Mais à des conditions : d’abord, il faut que Aida Mbodji ne lui succède pas. Ensuite , que les députés Fatou Thiam et El Hadji Cissé, tous présidents de Commission, puissent conserver leurs postes. Enfin, que la décision de l’exclure du Pds soit annulée.
Ces conditions seront-elles acceptées par le Pds ? Les prochains jours nous édifieront. Pas si sûr ! Car Actusen.com a appris de sources autorisées que, depuis Versailles où il se trouve depuis des mois, Me Abdoulaye Wade dit attendre que quelqu’un ose lui parler de ces conditions de Modou Diagne Fada, pour qu’il lui fasse regretter le jour de sa naissance;
Sale quart d’heure de Macky Sall à l’Ucad
Si cette guerre fratricide entre libéraux semble profiter au Pouvoir, Macky Sall n’oubliera pas, de sitôt, le sale quart d’heure qu’il a passé au Campus universitaire de Dakar, quelques mois auparavant.
Venu procéder à l’inauguration des nouveaux Pavillons, le Président de la République aura essuyé des jets de pierres par d’étudiants. Une première dans l’histoire du pays. Mais le pouvoir n’a pas tardé à désigner l’opposition comme étant la commanditaire de ces actes condamnés par l’opinion publique.
Des étudiants seront interpellés puis placés sous mandat dépôt. Poursuivis pour ‘’atteinte à la sûreté de l’Etat’’, ces étudiants finiront par bénéficier d’une liberté provisoire. Heureusement, Macky Sall a su se retenir et s’abstenir de proférer des mots qui font tressaillir plus d’un. Tout le contraire du Secrétaire général national de l’Alliance des forces de progrès, Moustapha Niasse.
S’il ne jette pas une pierre, Moustapha Niasse insulte, publiquement, les siens ; Malick Gackou prend ses distances de lui et crée le Grand Parti
Le progressiste en chef avait, quelques semaines auparavant, pété un câble, lors d’une rencontre politique organisée par les cadres de son Parti, l’Afp, dans un hôtel de la place. Ce jour-là, Moustapha Niasse, maladivement hué, conspué par des jeunes qui lui sommaient de quitter la tête de sa famille politique, et visiblement dépassé par la tournure des évènements, n’a pas cherché l’explication au Ciel, pour se tirer d’affaire.
Dépeint comme un “chaud-coeur ” (quelqu’un qui s’énerve pour un rien), Moustapha Niasse use et abuse de mots orduriers, dont la décence ne nous permet pas de coucher, à travers ces lignes. Tout y passe. Quelques jours plus tard, son désormais ex-numéro 2, pour ne pas nommément citer Malick Gackou, ancien ministre du Commerce du régime de Macky Sall, crée le Grand Parti. Et prend ses distances de ce papy de la scène politique, capable d’insulter à-tout-va, quand l’envie l’en démange. S’il n’est pas, évidemment, muni d’une grosse pierre, prêt à la jeter sur ses semblables.
Daouda Gbaya (Actusen.com)