L’heure Du Baliseur Idrissa SECK A-T-Elle Sonné ?

La marche qu’entreprend Idrissa SECK semble victorieuse.  A une semaine de la présidentielle du 24 février, il a le vent en poupe porté, notamment, par cette vive envie de changement  des Sénégalais qui se manifeste diversement. Mobilisant du Nord au Sud, sa coalition a accueilli 11 des 25 candidats recalés et de nombreux autres responsables politiques dont des élus locaux. Tout semble sourire au leader de Rewmi. Mais avant de le donner vainqueur de la présidentielle, vaut mieux attendre les dépouillements. Car, en effet, Idy manie l’art de l’autodestruction mieux que quiconque et n’hésite pas à le démontrer. Le B à la place du M et tout part en fumée.

«C’est le test grandeur nature que j’attendais pour confirmer que désormais la victoire, dès le premier tour, est possible pour notre coalition». Cette déclaration du candidat Idrissa SECK, en caravane électorale vendredi dernier à Ourossogui, rend compte plus fidèlement du sentiment le plus partagé au sein de la coalition « Idy2019 ». Ragaillardi par les liesses populaires qui l’ont accueilli partout où il a été, l’ancien Premier ministre a réussi à semer le germe de la confiance en sa victoire dans la tête de ses partisans. Désormais, ces derniers, à la fois fascinés et impressionnés par les nombreux ralliements à leur candidat, ne parlent même plus de victoire au second tour, mais dès le premier.

Seulement, la victoire dont il est question, faudrait qu’Idrissa SECK lui-même la veuille. L’image d’un Idy drainant d’immenses foules est loin d’être  nouvelle. Mais souvent, le leader de Rewmi mobilise pour baliser la voie à un autre.

Ces trois dernières décennies, Idrissa SECK a plus que marqué le landerneau politique sénégalais. Il a longtemps tenu la maison libérale pendant que Maître hibernait en France. L’organisation du Parti démocratique sénégalais et son fonctionnement au Sénégal lui ont toujours été dévolus par un Maître WADE qui ne revenait au bercail que pour participer à une élection. C’est ainsi qu’en 2000, en tant que directeur de campagne, il balisa la voie qui allait mener le candidat Abdoulaye WADE au Palais. Pourtant, au lendemain de la première alternance, personne ne l’a vu dans le premier gouvernement dirigé par Moustapha Niasse. En septembre 2002, Idrissa SECK sort la tête de l’eau en devenant Premier ministre à la place de Mame Madior BOYE emportée par le naufrage du bateau le Joola. Certains voyaient également en cette nomination la reconnaissance d’une carrière dévouée d’un Idrissa SECK qui contrairement à Ousmane NGOM, Serigne DIOP, Babacar GAYE, Jean Paul DIAS…, était toujours resté fidèle à Me WADE. Mais, moins de deux ans plus tard, le 21 avril 2004, c’est la « disgrâce ». Il est limogé de son poste de Premier ministre et la machine judiciaire déclenchée en son encontre. Le 23 juillet 2005, après un feuilleton long de plusieurs mois il est placé sous mandat de dépôt et envoyé à Rebeuss où il passa 199 jours. Idrissa SECK sortit, gonflé à bloc et plus populaire que jamais. Pour beaucoup de Sénégalais, il était l’alternative crédible à la gouvernance de WADE qui avait, avec les coups de marteau infligés à Talla SYLLA, commencé à montrer un tout autre visage. Partout dans le pays des mouvements de soutien à Idrissa SECK se constituèrent. Quatorze députés proches de lui avaient démissionné du groupe parlementaire du PDS à l’Assemblée nationale, pour mettre sur pied leur propre groupe dénommé « Front de l’alternance » (FAL).Pendant près de deux ans, il n’était question que d’Idrissa SECK qui suscitait, comme actuellement, engouement et espoir.  Seulement, le 22 janvier 2007, à quelque quatre semaines du scrutin présidentiel auquel il était candidat, Idy se rendit au Palais en compagnie de feu Serigne Abdoul Aziz SY Al Amine. Erreur politique ou ajustement stratégique ? Dans tous les cas, la bulle Idrissa SECK s’était dégonflée et au soir du scrutin, Me WADE obtenait 55,90% des suffrages et passait dès le premier tour. L’ancien maire de Thiès semblait se contenter d’être arrivé devant Moustapha Niasse avec ses 5,93%, Ousmane Tanor DIENG et Abdoulaye BATHILY. Et quand les deux derniers saisirent le Conseil constitutionnel, protestant contre de présumées fraudes, Idrissa SECK, qui s’était placé deuxième, se dépêcha de féliciter Me WADE en tant vainqueur. La réélection de Me WADE ainsi assurée, l’ancien maire de Thiès intégra le Front Siggil Sénégal (FSS).  Aux législatives du 3 juin 2007, le FSS laissa le champ libre à WADE en boycottant le scrutin. Pour beaucoup, c’est en suivant les conseils avisés d’Idrissa SECK que les opposants avaient décidé de ne pas participer aux élections législatives. Ainsi, le scrutin boycotté, les opposants balayés, Idrissa SECK et son Rewmi quittèrent, la même année, le FSS. Me WADE tenait ainsi une Xe législature boudée par l’opposition et totalement acquise à la cause libérale à la tête de laquelle se trouvait Macky SALL. C’est pratiquement le même scénario qu’a exécuté Idrissa SECK en 2012. Selon Samuel SARR, c’est le véritable « tombeur » de Me WADE en 2012.  Pendant qu’il parcourait le Sénégal et la France à la recherche des meilleurs constitutionnalistes pour décrypter la Constitution sénégalaise et mobilisait les Sénégalais contre la troisième candidature de WADE, Macky SALL bouclait une tournée nationale. A l’arrivée, Idy a balisé, Macky est élu et l’héritage de WADE est sauf.

Me Abdoulaye WADE est encore dans le jeu malgré son âge avancé pour une dernière tâche qu’il est sans doute le seul à pouvoir exécuter. Il a réussi a partagé le champ politique sénégalais en pôles dont les trois majeurs sont incarnés par Macky SALL, Idrissa SECK et Karim WADE. Si le dernier parvient à la même légitimité que les deux premiers, il aura bouclé la boucle. Idrissa SECK est certes un redoutable tacticien et un fin politicien mais, il est loin d’avoir fortuitement attendu que Macky SALL « vire » tout le monde pour ouvrir grandement sa porte aux recalés. Reclu dans le silence depuis qu’il a été pris au collet par de nombreux islamologues, Idy ne s’est pas retrouvé par hasard à la tête d’une coalition de plus d’une vingtaine de partis politiques. Reste maintenant à voir le rôle qu’il entend jouer en 2019 où tout semble encore de nouveau lui sourire.

Mame Birame WATHIE

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