Quoi dise ou fasse, Abdoulaye Wade ne laisse personne indifférent. Son retour à Dakar, après un long séjour à Versailles et dans le Golf persique, en constitue une nouvelle preuve. Dans la foulée, sa longue déclaration qui a suivi a drainé de multiples réactions ; d’aucuns diront de désapprobation. Or, Wade ne fait même pas partie des quatre challengers du président sortant, Macky Sall. La candidature de son fils, Karim Wade, porte-étendard de sa formation politique, a été déclarée irrecevable par le Conseil constitutionnel. Quoi qu’il en soit, le toujours secrétaire national du Parti démocratique sénégalais (PDS), 93 ans, a pris une place centrale dans la campagne pour l’élection présidentielle du 24 février 2019. Sa dernière diatribe appelant à saboter le scrutin a intrigué plus d’un.
Qu’a-t-il dit pour charrier tous ces commentaires et cristalliser toutes les attentions ? Tout d’abord, quelques remarques sur l’homme : l’ancien président sénégalais est un homme politique de haut vol. Ses déclarations les plus saugrenues en apparence renferment des messages subliminaux. Pour avoir passé plus de vingt ans dans l’opposition, son expérience du terrain constitue en soi un bréviaire du genre : « Comment empêcher un pouvoir en place de dormir sur ses deux oreilles ».
« Macky Sall a verrouillé l’élection »
Dans son discours prononcé depuis la permanence du PDS, Wade a appelé à un report des élections. Les résultats seraient déjà préfabriqués, car le processus électoral étant conduit de façon nébuleuse. Participer au scrutin du 24 février 2019 serait cautionner une mascarade. « Macky Sall a verrouillé l’élection », juge-t-il. En d’autres termes, la présidentielle est déjà jouée. Le Premier ministre Boun Abdallah Dione avait prédit une présidentielle avec cinq candidats. Le Conseil constitutionnel réalisait sa prédiction. Que le président sortant et sa coalition répètent leur souhait de victoire dès le premier tour, celui-ci est-il déjà exaucé, en attendant le moment de l’entériner ?
Malheureusement pour Wade, une réputation d’as de l’agit-prop lui colle à la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock. Beaucoup d’auditeurs de sa déclaration du 7 février ne retiennent que le plan d’actions proposées pour saboter la tenue du scrutin. Et, à moins de deux semaines du scrutin, dans les états-majors des candidats de l’opposition, l’on est plus obnubilé à rallier le plus de recalés et obtenir un hypothétique soutien de Wade qu’à bien considérer son propos.
S’il réussit à les convaincre du bien-fondé de ses accusations, les réactions à ses harangues changeront radicalement l’issue du scrutin. Si, bien sûr il aura bien lieu, comme Wade ne la souhaite pas. En cela, il ne reste pas les bras croisés. Entre marches dans les régions et visites aux autorités religieuses, il rencontre les responsables de son parti, laissant sa porte ouverte à d’éventuels conciliabules avec les candidats de l’opposition. La révélation Ousmane Sonko, pour qui Wade avait publiquement déclaré sa grande estime, a ouvert le défilé.
Dans un courriel adressé aux chefs de partis, avant le début de la campagne, le candidat de la « coalition Sonko président », les invitait à boycotter la présidentielle. Entre boycottage et sabotage, il n’y a pas que le suffixe comme trait d’union.