Diabolisation et coups bas : Ousmane Sonko, l’homme à abattre !

La politique est réputée être une mare aux crocodiles, un milieu où la fin justifie toujours les moyens. La force de l’argument laisse souvent place aux déballages et accusations de toutes sortes pourvu qu’ils atteignent le vis-à-vis.

Au Sénégal, les politiciens sont passés d’apprentis à maîtres dans l’art de se jouer des mauvais tours. Tous les coups, dont naguère on s’abstenait par pudeur, honte ou scrupule, sont aujourd’hui permis. Ainsi les politiciens se livrent-ils un combat sans merci avec parfois des moyens non conventionnels et disproportionnés. Tel qu’il se passe dans « Game of Thrones », la quête et la sauvegarde du pouvoir se font sur la base d’alliances et de stratégies sadiques et démoniaques. En vérité, il n’y a rien de nouveau dans ce jeu si ce n’est le changement d’acteurs, les prédateurs et les proies. Mais les scénarios qui se déroulent sous nos yeux donnent un air de « déjà vu » car les mêmes procédés sont adoptés avec un amateurisme flagrant pour aboutir à des conclusions, des condamnations, ou des éliminations tout court.

Les « révélations » faites récemment par le journaliste Madiambal Diagne sur le candidat de PASTEF ne visent qu’une chose : faire condamner le leader des « patriotes ». A défaut du tribunal, qui pourrait ne jamais se prononcer sur la question avec un procureur plus spectateur que procureur sur les questions de détournement soulevés ces temps-ci, Madiambal veut sûrement discréditer le très coté politicien aux yeux de l’opinion publique. Dans les propos de ce patron de presse, on remarque des déclarations de nature plus personnelle que professionnelle. A cet effet, on ne peut s’empêcher de demander si c’est le journaliste-investigateur qui parle ou bien le bras armé du parti au pouvoir.
Le cas d’Ousmane Sonko en rappelle bien d’autres avant lui.

Le chemin de croix que Sonko semble arpenter sans trébucher est le même que d’autres challengers ont empruntés mais avec des fortunes diverses. Il faut remonter à décembre 1962 avec l’accusation de coup d’état faite à Mamadou Dia pour pouvoir dresser une chronologie sur les mises en scène des tenants du pouvoir contre ceux qui osent commettre le crime de s’approcher de leur fauteuil. Il est aujourd’hui clairement établi que ledit coup d’état n’existait que dans l’imagination des autorités d’alors qui supportaient mal la rivalité de voir Mamadou Dia. Ce coup bas fomenté pour éliminer un adversaire n’était en effet que le début d’une série qui allait déterminer l’histoire politique de notre pays. Senghor réussira ainsi à faire une pierre deux coups : mettre Dia hors-jeu (de 1963 à 1974) et garder le pouvoir pendant 20 ans.

Principal challenger du président Abdou Diouf, Maitre Abdoulaye Wade a dû faire face à des accusations graves dans le cadre de l’affaire Maitre Seye en 1993. Ce coup tordu, Wade ne le rendra pas à Abdou Diouf, même pas après l’avoir vaincu. Il faut noter pour s’en féliciter que fort heureusement il n’y a pas régulièrement une chasse aux sorcières, une justice des vaincus dans notre pays. Les tours de passe-passe sont juste des menus pour donner du fil à retordre aux rivaux notamment aux « semeurs de zizanie ». Ce serait pour cette raison que le président Wade fit emprisonner son ancien ministre Idrissa Seck en 2005 sur la base d’un « mensonge d’Etat ». Les accusations d’ « atteintes à la sûreté de l’Etat » étaient tirées des cheveux et finirent par s’écrouler comme un château de cartes. Le président Wade lui-même, conscient d’avoir réussi à anéantir son principal rival, finit tout bonnement par reconnaître l’innocence de celui qu’il accusait. En 2009 pourtant, le leader de REWMI sera blanchi par la justice qui lui accorda un non-lieu total.

Wade-Macky, Macky-Khalifa, la série continue

Les mises en accusation et l’embastillement des opposants ont constitué la nourriture de tous les régimes obsédés par un mandat supplémentaire. Le débat n’a jamais été serein et le bras de fer se soldait toujours par une convocation à la Division des investigations criminelles (DIC) sous Wade. Après s’être débarrassé de Macky Sall, son ancien premier ministre, le président Wade voulait l’éliminer avec le concours probable de la justice. En janvier 2009, Macky Sall dut vivre une expérience inédite avec une accusation de blanchiment d’argent dans lequel il serait impliqué. Même si cela n’aura duré que le temps d’une rose, l’affaire était assez louche pour que Macky Sall reconnût que : « le peuple doit savoir qu’on a porté des accusations infondées et fabriquées de toutes pièces à mon encontre ainsi qu’à l’encontre des militants de l’Alliance pour la république ». Le leader de l’APR et les siens dénonçaient cet épisode et s’offusquait de l’« agression », « intimidation », « calomnie » dont il aurait été victime.

Pourtant cette instrumentalisation de la justice ne disparaitra pas avec l’avènement de Macky Sall. Il utilisera les mêmes méthodes non conventionnelles pour détruire ses adversaires. Le cas de Khalifa Sall est éloquent dans ce sens. Il exprime toute l’horreur que peut inspirer la ruse de ces politiques qui veulent tuer toute opposition. Le désir de « réduire l’opposition à sa plus simple expression » va conduire le président Macky Sall à emprisonner celui qui apparaissait comme son vis-à-vis le plus sérieux. Les nombreux procès intentés contre Khalifa Sall et l’exil forcé de Karim Wade dans une moindre mesure démontrent encore une fois la détermination du pouvoir à faire mal en éradiquant le mal auquel il dut faire face. Dans cette volonté d’enterrer pour de bon ces « empêcheurs de dormir », les moyens de l’Etat seront mis à profit immodérément. Aujourd’hui, le débat sur la non-éligibilité de Khalifa et Karim réconfortent dans l’idée que les nombreux procès ne visaient qu’à mettre hors course des adversaires réputés dangereux.

Madiambal Diagne, Tullow Oil, Sonko réussira-t-il là où les autres ont échoué ?

Il y a lieu de se poser des questions par rapport à la pertinence de ces déballages et accusations. S’il est vrai que ce qui ne tue pas rend plus fort, il est tout aussi irréfutable que l’on ne sort pas toujours indemne dans ce genre de tohu-bohu politique. En fait, il est juste une question d’image si certains en arrivent à se faire des soucis. L’idée ou la conception qu’est en train de fabriquer le pouvoir pour discréditer Ousmane Sonko, en soulevant la question de « Tullow Oil » pourra avoir des conséquences sur l’électorat de PASTEF si elle propsprère. De la même manière, cette attitude « sonkophobe » peut avoir un effet boomerang pour ce pouvoir « harceleur ».

En France, alors qu’il était considéré comme celui qui allait succéder à Nicolas Sarkozy en 2012, Dominique Strauss-Kahn se réveilla un matin de 14 Mai 2011 pour voir son rêve disparaitre à jamais. A cause de l’affaire de l’hôtel Sofitel de Manhattan, l’ancien ministre français et ex-directeur général du Fonds monétaire international (FMI) eut maille à faire avec la justice américaine. Il ne récoltera jamais dans les « Champs Elysées » les fruits des sondages qui lui attribuaient pourtant 56% des intentions de vote. Tout comme avec François Fillon dans l’affaire « Pénélope Gate » en France, Hilary Clinton perdra beaucoup de ses soutiens avec le compromettant dossier des e-mails entre 2009 et 2013. Le candidat Donald Trump ne lui fit aucun cadeau là-dessus et parvint, à cause de ce petit détail, à faire changer les résultats du vote qui était largement en faveur d’Hilary avant l’éclaboussement de cette affaire.

Plus proche de nous, l’affaire dite des chantiers de Thiès a eu raison du candidat Idrissa Seck. Le leader de REWMI qui s’était positionné comme le plus grand challenger de Wade pour l’élection de 2007 se contentera d’une deuxième place, conséquence de la diabolisation outrancière de Wade à son encontre. C’est surtout Macky Sall qui a tiré profit des accusations de blanchiment d’argent en sus de l’affaire des 7 milliards de Taiwan inlassablement soulevée lors de l’élection de 2012. Mais le candidat Sall fera son petit bonhomme de chemin en l’absence de prueves qui soeitn assez solides pour l’incriminer. Peut-être qu’Ousmane Sonko emboîtera-t-il le pas au chef de l’APR puisque, dans cette affaire d’accusation, aucune attention particulière n’est accordée ni aux accusateurs qui manquent de preuve ni aux dossiers soulevés qui manquent de pertinence.

Il n’y a en effet pas de lieu de faire un parallélisme entre les infortunes d’Idrissa Seck en 2007 et de Khalifa Sall en 2017 encore moins à Macky Sall, parce qu’en réalité Ousmane Sonko n’a eu à gérer aucun dénier publique. Sonko est et demeurera un vrai danger pour le régime de Macky Sall. Son capital de sympathie ne fait que croître avec ces coups bas du régime qui lui sont en réalité des coups de pouce énormes. L’Etat fait la publicité du candidat Sonko avec une communication et une sur-médiatisation qu’il lui accorde volontiers. Ousmane Sonko semble détenir des preuves de ses accusations et l’Etat qui le suit dans son terrain de prédilection (la dénonciation) s’expose réellement à des retournements de situation à tout le moins inquiétants. Sa posture d’ancien inspecteur des impôts, l’injustice de sa radiation et son mandat de député lui confèrent une position privilégiée sur la scène politique. Il s’y ajoute que ses détracteurs, pour la plupart des journalistes, apparaissent de plus en plus comme des « plumes domestiquées » de par leur connivence avec l’Etat.

Ababacar GAYE
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