Abdoulaye Bathily persiste: «Le Sénégal vit une sécheresse démocratique… »

Dans un entretien « les principes ne se négocient pas ! » avec Jeune Afrique, Abdoulaye Bathily fait le tour du monde avec sa chicotte. La CPI, Israël, les Etats-Unis, le Togo, la Guinée, la Rd Congo, le Burundi, le Cameroun, le Sénégal…, chacun en prend pour son grade. 

À propos de son pays, l’historien et ancien ministre sénégalais croit savoir « que l’on est en période de sécheresse démocratique ». Et pour cause. Il dit : « Voilà cinquante ans que je participe au combat politique au Sénégal, et c’est la première fois que l’on fait écarter par la justice des candidats à la présidentielle. » 

Bathily fait référence à Karim Wade et Khalifa Sall, respectivement, candidats du Pds et de Taxawu Senegaal. Le premier, exilé au Qatar depuis la grâce qui a suivi sa condamnation à six ans de prison ferme par la Crei, est, officiellement, out pour la présidentielle de 2019. Le ministère de l’Intérieur a invalidé son inscription sur les listes électorales ; une décision confirmée par la Cour suprême. 

Le second, lui, incarcéré en 2017, purge une peine de cinq ans de prison ferme pour l’affaire de la Caisse d’avance de la Ville de Dakar dont il était le maire. Malgré tout, il a déposé sa candidature et mise, notamment, sur son pourvoi en cassation pour espérer recouvrer la liberté et la possibilité de briguer le fauteuil présidentiel le 24 février prochain. Délibéré le 3 janvier. 

« Les cas de Karim Wade et de Khalifa Sall sont différents » 
« Au Sénégal comme ailleurs se pose la question du rôle de la justice dans les procès d’opposants, et cela fragilise le système démocratique », regrette Abdoulaye Bathily. Qui tranche : « Cela fait dix-huit mois que je dis que le procès Khalifa Sal est politique. » 

L’historien de poursuivre : « La Cour de justice de la Cedeao a rendu un jugement qui considère que la procédure n’a pas été équitable. L’État sénégalais, qui est membre de la Cedeao et a adhéré à la Charte de la Cedeao, doit se soumettre à ce jugement, mais il ne l’a pas fait jusqu’ici. La Commission des droits de l’homme de l’Onu a abouti pratiquement à la même conclusion. Tout cela montre bien qu’il y a volonté d’éliminer un adversaire. » 

Bathily met en garde : « On ne règle pas des problèmes politiques en se servant de la justice. Actuellement, lorsque les gens soupçonnés de malversations sont contre vous, ils tombent sous le coup de la loi. Mais lorsqu’ils sont avec vous, vous les épargnez. À partir de ce moment-là, la justice perd sa crédibilité, et le jugement sa légitimité aux yeux de l’opinion. C’est cela qui amène les tensions, et demain une ambiance de règlements de comptes qui porte en germe le recul de la démocratie. » 

S’il concède que « les cas de Karim Wade et de Khalifa Sall sont différents », Bathily suggère que « tous deux doivent faire l’objet d’un traitement équitable ». Ce qui, à son avis ne semble pas être le cas. Il dénonce : « D’autres personnes ont été poursuivies par le même tribunal, la Crei, mais leurs dossiers à eux ont été gelés. »

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