Après la tempête verbale entre le Secrétaire général national du Pds et le président du Groupe parlementaire des Libéraux, c’est la réconciliation. Me Abdoulaye Wade et son bras droit, Me Madické Niang, ont signé la paix des braves. Par ses sorties épistolaires, le Pape du Sopi a réussi à briser les ambitions de son lieutenant et à écarter toute idée d’un plan B, comme alternative à la candidature de Karim Wade à la prochaine Présidentielle. «L’Obs» pose le débat et donne la parole à des observateurs pour percer les mystères de la politique.
Le roc libéral a réussi son coup. Avec maestria ! Le timing est bien mesuré, calculé au millimètre près. Le Secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (Pds) a pu, en 48 heures, doucher les ardeurs des partisans d’un plan B à la candidature du Pds. Par lettres publiques interposées, le Pape du Sopi et son proche collaborateur se sont égratignés au sujet de la candidature du Pds à la prochaine élection Présidentielle.
Après avoir attaqué vertement Me Madické Niang et les adeptes d’un plan B pour le Pds, Me Wade fait volte-face et parle d’un incident regrettable à ranger aux oubliettes. «Mon cher Madické, j’ai pris connaissance de votre réaction à ma déclaration. Vous me connaissez pour savoir que je réagis spontanément sans détours. Je l’ai fait au stade de mes informations provenant de plusieurs sources.
La vigueur de ma réaction n’a eu d’égale que la profondeur de ma déception, tant les liens qui nous unissaient étaient forts», reconnaît Me Wade. Pour l’enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), Jean Charles Biagui, c’est méconnaître les qualités politiques de Me Abdoulaye Wade de penser que le Pape du Sopi a réagi spontanément. «Les sorties de Wade ne sont pas gratuites. Car leurs discussions devaient rester dans le cadre privé.
Si Wade a répondu publiquement, il y a bien une raison», estime l’enseignent-chercheur en Sciences politiques. En réagissant de manière aussi péremptoire à la lettre des partisans d’un plan B, Jean Charles Biagui souligne que Me Wade voulait peut-être mesurer les ambitions des uns et des autres. «Et si c’est cela, l’objectif est plus ou moins atteint. Car il est difficile de croire qu’un homme politique de la trempe de Me Wade puisse faire une volte-face de manière aussi facile.
Un acteur politique de sa dimension ne fait pas des lettres sous le coup de l’émotion. Wade ne peut pas rédiger deux lettres différentes en si peu de temps, sans pour autant calculer les rebondissements, l’impact que ces correspondances auront. Il a bien réussi son coup», juge Jean Charles Biagui.
«Un homme politique de la trempe de Wade ne fait pas des lettres sous le coup de l’émotion»
Pour le journaliste-analyste politique, Ibrahima Bakhoum, même si la discussion devait rester privée, la sortie fracassante de Me Wade est une suite logique du déroulement des événements. Ibrahima Bakhoum : «Madické a écrit à Wade et il n’a pas encore de réponse. Entre-temps, à travers la presse, certains positionnent Me Madické Niang comme le plan B du Pds. Par la suite, Wade reçoit une autre correspondance de ses partisans, relative à un plan B comme alternative à la candidature de Karim. Donc, son premier réflexe, c’est de se dire que celui qui lui a écrit la première lettre est derrière cette correspondance. C’est une question de timing qui a créé le doute chez Wade.
Donc, sa première réaction est compréhensible, même si les mots utilisés sont gros. Néanmoins, il a réussi son coup.» Dans ce même registre, Ibrahima Bakhoum fait savoir que le revirement de Wade est un acte de grandeur. Car c’est la première fois, rappelle-t-il, qu’on entend Abdoulaye Wade, dans ces genres de situations, reconnaître qu’il s’est trompé. Cependant, de l’analyse de Jean Charles Biagui, même si c’est difficile de savoir la raison ou les raisons de la réaction de Wade, on ose penser que c’était un test pour sonder les ambitions légitimes de Me Madické Niang.
«N’est-ce pas non plus une stratégie de Wade pour savoir où se situent les ambitions des uns et des autres ? Au fond, c’est une réponse à cette volonté d’une partie du Pds qui propose une alternative à la candidature de Karim Wade», dit-il. Selon l’enseignant-chercheur en Sciences politiques, au delà de Madické Niang, c’est une réponse appropriée à tous ceux qui, dans le Pds, demandent à ce qu’un plan B soit mis sur la table. «C’est là où la sortie de Me Wade est importante. Car depuis le début, la démarche du Pds est de dire : Karim ou rien. Et Wade a eu tous ces gens-là», montre-t-il.
«Un test pour sonder les ambitions réelles de Madické»
Pour l’enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Ucad, que Wade s’arc-boute à la candidature de Karim n’est pas seulement une question de paternité. «Wade sait qu’accepter un plan B est synonyme de la mort politique de Karim. Et d’un point de vue stratégique, il a raison de dire que le Pds s’inscrit toujours dans la dynamique qu’il n’y a pas un plan B.
Car, en cautionnant un plan B, Wade sait qu’il fera non seulement, l’affaire du pouvoir, en éliminant de facto, un candidat potentiel, et tombera dans le jeu du régime qui ne veut pas de cette candidature. Mais, Wade sait aussi qu’une élection présidentielle sans les candidatures de Karim et Khalifa Sall, ne serait pas crédible aux yeux de l’opinion nationale et internationale. Donc, en fin politique, Wade sait qu’en acceptant un plan B, il perd le combat d’avance», explique Jean Charles Biagui.
Son collègue observateur de la scène politique sénégalaise rajoute une couche. D’après Ibrahima Bakhoum, le Secrétaire général national du Pds est dans sa logique. «Wade a dit et redit qu’il n’y a pas de plan B, ni de plan C. Le Pds n’a pas un plan autre que Karim pour la candidature à l’élection présidentielle. Et Wade va sortir gagnant de ce combat, parce que l’erreur du pouvoir,
c’est de vouloir mettre Karim et Khalifa Sall out. Le combat politique est une question de rapport de forces. Lequel n’est pas seulement dans la rue. A chaque fois qu’un opposant est brutalisé et privé de ses droits, ce sont des points négatifs pour Macky Sall. C’est la somme de ces points négatifs qui fait que psychologiquement, l’opposition peut parvenir à abattre le pouvoir», explique-t-il.