Ancien directeur général des services de renseignements gambiens, le major Lamin Bo Badjie, qui a notamment dirigé, du 13 août 2008 au 10 août 2009 la très redoutée National Intelligence Agency (NIA), s’est enfui de la Gambie pour déposer ses baluchons à Dakar. Cet ancien pilier du dispositif de renseignement et de contre-espionnage du régime de Yahya Jammeh cherche à présent des cieux plus cléments, loin des menaces de plus en plus précises sur son intégrité physique à Banjul.
Selon nos sources, Bo Badjie qui vient d’être élargi de prison est l’objet de menaces venant du régime de Banjul en difficulté. Yahya Jammeh cherche visiblement à protéger ses arrières et à se prémunir de certaines anciennes têtes pensantes de son système tombées en disgrâce et traînées dans la boue.
C’est le cas de Lamin Bo Badjie qui, deux mois après son limogeage de la NIA et son redéploiement dans l’armée gambienne, fut arrêté dans la nuit du 21 novembre 2009 par des éléments de la garde rapprochée de Yahya Jammeh. Il est directement envoyé au bagne de la prison centrale Mile Two de Banjul d’où il est extrait huit jours plus tard pour faire face aux tortionnaires de l’Agence des renseignements qu’il venait de diriger quelques mois plus tôt.
Accusé d’avoir trempé dans une tentative de coup d’Etat avortée en 2006, soit deux ans avant sa prise de fonction comme patron des renseignements, Bo Badjie est battu et torturé par ses anciens collaborateurs qui voulaient à tout prix lui tirer des aveux pour impliquer le général Lang Tombong Tamba alors chef d’Etat-major de l’armée gambienne qui venait lui aussi d’être arrêté.
Il aura beau clamer son innocence, Bo Badjie est traîné dans un procès marathon, avec le général Lang Tombong Tamba, ancien chef d’état-major de la Défense des Forces armées de la Gambie, le général de brigade Omar Bun Badjie, le lieutenant-colonel Kawsu Camara alias Bombardier, l’ancien inspecteur général adjoint de la police, Modou Gaye, l’ancien diplomate Gibril Ngorr Secka et l’homme d’affaires Abdoulie Joof.
Tous sont condamnés en juillet 2010 à la peine de mort par le tribunal de grande instance de Banjul pour trafics d’armes et de munitions, détention de matériel et engagement de mercenaires à partir de la Guinée-Bissau pour organiser un coup d’État contre le gouvernement du président Yahya Jammeh. Cette peine est commuée en novembre 2014 à une condamnation à des travaux forcés à perpétuité.
Mais contre toute attente, Bo Badjie et ses compagnons d’infortune sont graciés par le dictateur Yahya Jammeh, en juillet dernier, dans la foulée des célébrations marquant les 21 ans du coup d’État qui l’a porté au pouvoir le 22 juillet 1994. Or, certaines de ces personnes graciées ont depuis été arrêtées. D’autres sont l’objet de plusieurs formes de harcèlement obligeant ceux qui le peuvent à prendre la fuite.
Reste à savoir si l’État du Sénégal va une nouvelle fois céder aux caprices de Yahya Jammeh pour expulser Bo Badjie comme ce fut le cas avec Kukoï Samba Sanyang, ou encore Cheikh Sidya Bayo dont l’activisme débordant contre le dictateur gambien leur a valu une caractérisation de persona non grata au Sénégal.