Depuis quelques temps, la justice est au banc des accusés. Chose plus inquiétante, si les attaques récurrentes dont elle est victime provenaient de Sénégalais lambda ou d’opposants, il n’y aurait pas de craintes à se faire. Mais dès lors que ce sont les magistrats eux-mêmes qui s y mettent, c’est que l’heure est devenue grave.
«Gouverner, c’est maintenir les balances de la justice égales pour tous.» disait Franklin Delano Roosevelt. Mais il semble aujourd’hui que la balance judiciaire a tendance à pencher vers le coté du pouvoir. Ce qui explique d’ailleurs les nombreuses accusations portées contre la Justice, indexée d’être à tort ou à raison le bras armé de l’exécutif. Ce qui est regrettable, déplorable et inquiétant dans la situation vécue aujourd’hui est que le Sénégal avait échappé de peu au chaos en 2012 du fait de la validation de la candidature controversée de Wade par la Justice.
Une situation à l’époque dénoncée par le candidat Sall, qui avait même signé les Assises nationales dont la séparation des pouvoirs demeurait une des recommandations phares. Conscient du danger que faisait planer la manipulation des institutions sur la stabilité du pays, le président Sall déclarait ceci : « l’une de mes premières missions, ce n’est pas de construire des routes, des autoroutes et des ponts ; ma première mission est de reconstruire l’Etat de droit. Or l’Etat de droit on va l’apprécier de façon immatérielle, ce sont des principes, c’est l’égalité des citoyens devant la loi, c’est la lutte farouche contre la corruption et le népotisme».
Malheureusement le constat est que les mêmes iniquités dénoncées hier sont plus que d’actualité. Car si hier, c’est la validation de la candidature de Wade père qui avait failli faire basculer le pays, aujourd’hui c’est l’invalidation de la candidature de Wade fils et celle probable de Khalifa Sall qui soulève la controverse. Pourtant dans ces affaires judiciaires, il aurait seulement fallu laisser la Justice faire son travail avec sérénité et célérité pour que la vérité éclate au grand jour.
Malheureusement il semble que tel n’a pas été le cas et le pouvoir est soupçonné de vouloir liquider des adversaires politiques. Une manipulation de la Justice dénoncée par l’Ums d’abord, ensuite par des par le Juge Ibrahima Deme, démissionnaire de la magistrature, le magistrat Yaya Dia ou encore l’ex procureur spécial de la Crei Alioune Ndao… Autant de magistrats qui ont pris le contrepied des tenants du pouvoir quant aux affaires judiciaires qui secouent la République.
Finalement la question qui s’impose est de savoir si les praticiens du droit sont tous sortis de la même école de droit. En atteste la polémique soulevée dans l’affaire Khalifa Sall où il est question de violations flagrantes de ses droits. A savoir le refus qu’on lui a opposé quant à son droit d’être assisté par un conseil des les premières heures de son interpellation ou encore la non reconnaissance puis la reconnaissance de son immunité parlementaire par le pouvoir etc.
Autant de failles laissées béantes par l’Etat et dans lesquelles les défenseurs du Maire de Dakar se sont engouffrées pour mettre en doute la partialité de la Justice. Ce discrédit jeté sur ces Institutions fait peser de lourdes menaces sur la paix et la stabilité et risque de leur être fatal. Etant entendu que quand les différentes institutions qui sont les pivots de la démocratie ne fonctionnent plus ou sont manipulées, le danger n’est pas loin. Car à la longue ce sont les populations qui risquent de ne plus avoir confiance en ces Institutions et bonjour l’anarchie.