Le « muhajir » Oumar Yaffa alias Abou Hafsa retrace le trajet qui l’a mené dans le fief de Boko Haram

Rejoindre les bastions du groupe djihadiste Boko Haram dans le nord-est du Nigeria n’est pas chose aisée. Pourtant, des Sénégalais l’ont fait. Oumar Yaffa qui se fait appeler Abou Hafsa l’a fait et il comparait devant la chambre criminelle à formation spéciale pour actes de terrorisme par menace, actes de terrorisme par association de malfaiteurs, apologie du terrorisme, financement du terrorisme et blanchiment de capitaux. Face au juge, l’accusé a accepté de retracer le trajet qui l’a mené au fief de Boko Haram.
A l’en croire, le départ est pris à Kaolack, à bord des bus Sonef qui passent par Bamako, Ouagadougou (Burkina Faso), Niamey (Niger), Zinder (Niger) pour terminer leur course à Diffa. De cette ville nigérienne, Oumar Yaffa dont le voyage est financé par un mauritanien du nom d’Abdou Aziz, rejoint la ville frontalière d’Abadam. Des hommes à bord de motos sont venus le chercher pour le conduire à la partie nigériane d’Abadam où il a trouvé Moussa Mbaye et Abou Zar. Après deux mois à Abadam, l’accusé affirme avoir été conduit en compagnie de Mouhamed Ndiaye Abou Youssouf à Gwoza ou Fathul Mubin, une ville controlée par Boko Haram de juin 2014 à Mars 2015. « A Fathul Mubin, nous sommes accueillis par Malam Omar. Nous sommes allés dans cette ville parce que tout ce que nous étions venus chercher s’y trouvait », argue Oumar Yaffa qui avait l’ambition de faire sa « hijra » (hégire) pour voir ses péchés pardonnés, apprendre le Coran et trouver du travail. Mais le « muhajir » sénégalais fait savoir au tribunal qu’il a pensé à rentrer au pays après avoir entendu des rumeurs comme quoi l’école occidentale et la carte d’identité nationale snt proscrites.
Mais ce retour ne sera pas une promenade de santé car le Cheikh Abubakar Shekau n’a pas aimé que sa façon de voir l’Islam soit remise en cause. Il a fait convoquer les Sénégalais qui étaient déjà déplacés dans la forêt de Sambissa à la faveur de l’intervention de l’armée nigériane appuyée par le Tchad et le Cameroun. Grâce à l’intervention de Matar Diokhané, ils ont eu le « bon de sortie » de Shekau qui, par la même occasion leur a remis de l’argent pour leur sortie. Selon l’ordonnance de renvoi, ce n’est pas moins de 6 millions de nairas qui leur ont été offerts par l’émir de Boko Haram, la moitié revenant à Makhtar Diokhané.
Sur le chemin du retour, Omar Yaffa confie au tribunal que les Sénégalais ont formé trois groupes mais le second a été intercepté au Niger, plus précisément à Zinder pour détention de faux billets. D’après Omar Yaffa qui fait partie de ce groupe arrêté au Niger, c’est un agent de la société de transport Sonef qui les a dénoncés auprès des policiers nigériens. C’est au bureau du juge d’instruction nigérien que l’un des leurs, Moussa Aw a appelé Makhtar Diokhané qui était déja rentré au Sénégal pour lui demander de l’aide. Une aide qui ne viendra jamais puisque leur « sauveteur » a lui-même été alpagué et jeté en prison.
Le calvaire commence pour ses compatriotes Ibrahima Ba, Ibrahima Mballo et Moussa Aw. Leurs conditions de détention se durcissent et les répercussions sur leur santé ne vont pas tarder. Moussa Aw et Ibrahima Mballo tombent malade et le premier y passe, rapporte Oumar Yaffa selon qui, le reste du groupe n’a été transféré à Niamey qu’après 46 jours de détention à Zinder. Confiés à la cellule anti-terroriste, ils ne rentreront au Sénégal qu’au bout de cinq mois. Seulement, leur retour au « bled » n’est pas celui qu’ils auraient souhaité puisqu’ils ont juste quitté une prison pour une autre. « Que retenez vous de votre périple », demande le juge à l’accusé. « J’étais exténué et je puis vous assurer que j’ai appris de mes erreurs », prétend le professeur de français.

Dakaractu

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