En 2002 à cause de la guerre en Côte d’Ivoire, j’ai quitté le pays sans épargner le championnat en cours. En ce temps milieu de terrain au RFC de Daoukro, force de la situation belligérante du pays, je me jette à l’aventure au Burkina Faso. Ma mère m’avait remis 20.000 frs, une fortune à l’époque, pour me défendre avec pendant mon installation dans une famille qui m’avait accueilli dans sa grande cour située au quartier Zangouétin.
Croyant que tous les gens de la cour avait un esprit de solidarité, je dépensai mon argent avec mon entourage immédiat, leur achetant à manger au même titre que moi. Mais dès que je n’avais plus rien, ils disparurent tous, me laissant dans la faim et dans la galère. Certains, me faisant croire qu’ils allaient en ballade, allaient en réalité se cacher pour manger. Rassasiés, ils revenaient me trouver dans la cour en feignant d’avoir faim comme moi. Pourtant, ils étaient bourrés d’argent. Au Burkina, tu peux être ami à quelqu’un et avoir faim pendant qu’il est assis sur 100.000 frs en te faisant croire qu’il n’a même pas 5 frs sur lui. Si tu as 500 frs sur toi, il serait capable même de les diviser avec toi alors qu’il a cent fois plus dans la poche. C’était ma première fois de découvrir autant d’égoïsme et de mesquinerie puisqu’à Williamsville, les amitiés étaient carrément différentes.
Traînant la bosse de ma galère sur l’avenue Kwamé N’krumah en fredonnant des chansons zouglous, j’y fis la connaissance d’une prostituée. D’origine Sénégalaise, elle aimait m’écouter chanter. Cette fille-là me remettait régulièrement des sommes d’argent : 1000 frs et quelques fois 500 frs. Nous bavardions en toute amitié. Puis quand les grosses voitures se pointaient, elle partait avec elles, ses clients étant venus la chercher. Je m’en retournais, enthousiaste, puisque les petits billets de banque qu’elle me laissait étaient une fortune qui me donnait droit à un bon « bengua » libérateur.
Voyez-vous ? Je n’avais pas besoin de grand chose. Juste de ces petits soutiens, de ces petits gestes aimables. Mais là où des proches m’ont rejeté, une prostituée m’a aidé, m’a secouru.
On peut porter une belle veste, une longue aube blanche, être le plus joliment et décemment vêtu, mais tant qu’on est méchant et mauvais, jamais on ne sera mieux qu’une prostituée dénudée dont le cœur est rempli d’amour, de compassion et de bonté.
Le Christ dit dans Mathieu 21 verset 31 : 《 Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu.》
Cette parabole ne nous montre-t-elle pas clairement que ce que Dieu regarde, c’est le cœur et non les apparences ?
Depuis que je suis devenu international, revenu à Kwamé Nkrumah, j’ai cherché cette prostituée, en vain. Pas l’ombre d’elle jusqu’à présent. La douleur de l’avoir perdue de vue est si insupportable !
« Si jamais tu lis ce message, tu te reconnaitras. Où que tu sois, n’hésite pas à rentrer en contact avec moi. Sache que c’est à moi, Aristide Bancé, que hier, tu donnais les 500 ou 1000 frs pour me sauver de la faim. Aujourd’hui, c’est à mon tour de te tendre la main. »
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