Tout discours sur l’affaire Khalifa Sall doit commencer par admettre que le maire de Dakar a commis une faute. Une faute de gestion. Une faute morale. Une faute politique. Chacune de ces qualifications peut objectivement être défendue et argumentée. Une faute n’en est pas moins une parce que d’autres l’ont commise avant.
Dire ceci c’est se débarrasser des contingences partisanes qui, quelque part, empêchent de se poser la bonne question dans ce débat : Au nom de quoi Khalifa Sall est-il privé de liberté depuis près d’un an ?
Au nom du droit ? Pourquoi pas. Les textes de loi ont cette faculté d’être si désincarnés qu’on peut leur faire dire n’importe quoi. Au nom de la justice ? C’est autrement plus discutable, à moins qu’on en ait une idée très limitée.
La justice transcende le droit et les procédures. C’est une haute idée du maintien de l’ordre, de l’équité et de l’équilibre dans une société. Elle ne s’accommode pas d’exception et ne s’encombre pas de partialité. Elle ne peut pas non plus s’affranchir des règles, écrites ou non, de fonctionnement de la société dans laquelle elle sévit. Tout acte posé en son nom ne peut s’éloigner de ces principes. Lorsque la justice sélectionne les justiciables, elle cesse d’être tout bonnement.
Or il est constant que Khalifa Sall a été sélectionné, notamment pour ce qu’il représente politiquement. L’homme intéresse plus que les faits qui lui sont reprochés. Autrement, le cercle des inculpés serait beaucoup plus large, étant entendu que ce qu’on lui reproche outrepasse son magistère. Sans doute que le calendrier aurait été autre également.
On pourrait se demander quelle société est légitime pour réclamer des comptes à ses élus lorsqu’elle exige d’eux qu’ils financent baptêmes, funérailles et autres cérémonies religieuses qui n’apparaissent jamais dans aucune rubrique budgétaire. En effet cette affaire pose une question de société, celle du clientélisme politique alimenté par différent fonds de différents origines et mécanismes. On ne peut décemment pas laisser Khalifa Sall seul en répondre. Encore moins devant un tribunal. Et sans doute pas au nom de la justice.
L’affaire Khalifa Sall nous concerne tous. J’ai la certitude qu’avec les imperfections de notre système judiciaire, n’importe lequel d’entre nous, sous le prétexte du droit, peut être victime du même sort, pour peu qu’il en plaise aux tenants du pouvoir. C’est pour cela qu’il est important de dire que soutenir Khalifa Sall n’équivaut pas à soutenir le mécanisme de la caisse d’avance. De la même manière dénoncer cette caisse n’est en rien une incrimination du maire de Dakar. C’est plutôt d’une part dire les faiblesses de notre système administratif. D’autre part mettre la société en face de ses contradictions. Et enfin rappeler que le système politico-judiciaire que d’aucun dénonce depuis des années n’a pas disparu avec départ de Abdoulaye Wade.
Je souhaite sincèrement me tromper mais il est fort probable que Khalifa Sall sera condamné, au nom du droit. Il sera difficile cependant de faire croire aux sénégalais que justice leur a été ainsi rendu.
Balla Dièye