C’est un peu le grand rush. Depuis le tirage au sort de la phase finale de la Coupe du monde 2018, effectué le 1er décembre 2017 à Moscou, les 32 pays qualifiés n’ont qu’une obsession : se préparer de la meilleure des façons. Pour cela, il y a les stages, mais aussi les matchs amicaux.
Pour la plupart des joueurs africains évoluant en Europe, les matchs de préparation des sélections nationales africaines ont généralement lieu en France, en Belgique ou en Angleterre. Mais certains sont également organisés sur le continent, principalement au Maghreb et en Afrique du Sud.
L’organisation des matchs amicaux est confiée à des agents détenteurs d’une licence de la Fifa, qui peuvent travailler selon deux schémas : soit l’agent prend en charge la totalité du dispositif et en assume les frais – à charge, pour lui, de se rembourser et de se rémunérer grâce aux bénéfices, un pari qui peut être aussi lucratif que risqué – soit il se voit confier un budget comprenant l’organisation et sa propre rétribution.
De la sécurité au marketing
Ils ne sont qu’une centaine dans le monde et doivent respecter plusieurs critères afin de pouvoir travailler avec les fédérations, mais aussi les clubs : « Pour obtenir sa licence, il faut notamment apporter la preuve que les événements que nous allons organiser et tous ceux qui y participent seront couverts par des assurances », explique Youssef Haijoub, de l’agence McSport, basée à Paris. Budget : de 3 000 à 5 000 euros par an, selon nos informations.
Cet agent d’origine marocaine, qui travaille avec de nombreuses fédérations africaines, a une mission simple depuis le tirage au sort. « Prenons l’exemple du Sénégal, qui va affronter la Colombie, la Pologne et le Japon lors de la phase de groupe. L’agent qui collabore avec la fédération sénégalaise va devoir proposer des adversaires qui ont un profil similaire à chacune de ces trois équipes. Et prendre contact avec eux pour tout organiser. »
Trouver un adversaire, une ville, un stade, s’occuper des questions de sécurité – il faut un stadier pour 100 spectateurs (pour un coût moyen de 100 euros) –, de la promotion de l’événement, des éventuels droits télévisuels et du marketing… Telles sont les tâches qui peuvent notamment être dévolues à l’agent.
5 à 6 000 euros pour retransmettre un match sur une chaîne africaine
Joe Kamga, spécialiste en finance et management, est à la tête de OneGoalPro, un cabinet d’affaires en matière sportive basé à Bruxelles. « Nous intervenons comme promoteur de match. C’est-à-dire qu’au-delà du rôle d’agent de match à proprement parler, nous effectuons également des investissements financiers afin de donner au match l’impact espéré le jour J », explique-t-il.
Les droits de retransmission du match sont 5 à 6 fois plus chers en Europe
Cet agent d’origine camerounaise précise que plusieurs formules peuvent être appliquées pour l’organisation d’une rencontre amicale : « Cette mise en place doit évidemment respecter le cahier des charges dessiné avec les clients, fédérations ou clubs. Certains vont, par exemple, souhaiter que le match se déroule dans un stade neutre, plutôt que sur celui d’une des deux équipes concernées. Certains préfèrent un match à huis clos, non retransmis, ou encore sans communication, ce qui suppose une organisation plutôt légère, tandis que d’autres vont souhaiter que la rencontre soit retransmise en direct à la télévision, et disposer des dernières technologies pour la publicité de leurs sponsors. L’organisateur aura alors davantage de travail. »
Certaines fédérations ont négocié leurs droits télévisuels avec un diffuseur pour plusieurs années. « C’est le cas de la France avec TF1. Mais d’autres, et particulièrement en Afrique, négocient au coup par coup. Les chaînes nationales vont alors devoir payer pour acquérir des droits de retransmission du match – une somme qui varie fortement suivant les pays, mais tourne généralement autour de 5 000 € pour les chaînes africaines – et 5 à 6 fois plus en Europe. Si le match a lieu sur un terrain neutre, dans un pays étranger, l’organisateur va aussi essayer de vendre le match à une chaîne sportive, qui peut être BeIN Sports ou SuperSport, à des tarifs nettement plus élevés », détaille un agent qui exerce notamment en Afrique francophone et souhaite garder l’anonymat.
Une équipe en déplacement : 10 000 euros de frais par jour
Quant aux frais de production, avancés par l’organisateur, notre agent les estime à 5 000 € ou 6 000 € et évoque un bénéfice avant impôt de 4 000 à 5 000 €. Mais le budget peut également prendre des proportions plus importantes, et atteindre plusieurs millions d’euros quand sont invitées les équipes nationales brésilienne, argentine, française ou allemande.
Les sélections nationales vont dans des hôtels 4 ou 5 étoiles, il faut donc compter 250 € par personne, soit 10 000 € par jour, pour la chambre, les repas, etc.
Le transport des équipes invitées est le plus souvent à la charge des fédérations. « Concernant l’hébergement, cela dépend des accords conclus. Il arrive qu’il soit pris en charge par l’agent. Une délégation d’une sélection nationale représente quarante personnes, en comptant les joueurs, le staff technique, le staff médical et les dirigeants. Et comme elles vont dans des hôtels 4 ou 5 étoiles, il faut compter 250 € par personne, soit 10 000 € par jour, pour la chambre, les repas, la mise à disposition d’une salle de conférences, etc. On négocie des tarifs avec les hôteliers, qui nous accordent généralement des remises de 10 à 15 % par rapport aux tarifs affichés, ainsi qu’un pourcentage », explique l’agent.
Certaines sélections se montrent aussi très gourmandes et demandent des cachets élevés pour aller se produire à l’étranger. Ainsi, le Brésil, qui s’était rendu au Gabon en novembre 2011, aurait touché près de 2 millions d’euros, directement versés par l’État gabonais. Et le Portugal, qui s’était déplacé à Libreville un an plus tard (2-2) était reparti avec un chèque de 800 000 euros. « Sur de telles opérations, un agent peut empocher une très belle somme. Surtout si, comme dans le cas des deux matchs du Gabon, c’est l’État qui prend tout en charge », explique un dirigeant d’une fédération africaine.
Afrique du Sud-Égypte : un flop à 400 000 dollars
Outre les éventuelles aides de l’État, les recettes viennent principalement des sponsors, car pour des matchs amicaux, le prix des billets est rarement excessif, sauf lorsque l’affiche est prestigieuse.
« Il faut compter de 10 à 20 € en moyenne pour un match en Europe. Comme la plupart du temps ils sont vendus sur Internet, l’organisme qui en est chargé en récupère 20 %. Il faut aussi déduire la TVA [5,5 % en France, ndlr], les frais d’impression des billets, les frais de guichets… Il va rester entre 5 et 6 € à l’organisateur », explique un agent français.
On ne peut pas savoir à l’avance si on va gagner ou perdre de l’argent sur un match
Si le business peut rapporter gros, un flop peut coûter aussi très cher – à l’agent ou à la fédération, selon le type d’organisation choisi. Ainsi, le 6 septembre 2017, l’Afrique du Sud organisait son traditionnel Nelson-Mandela Challenge à Johannesburg, avec l’Égypte en invitée. La fédération paye alors le déplacement, l’hôtel et les autres frais, mais ne parvient pas à vendre les droits télévisuels ni à SuperSport, la chaîne sportive sud-africaine, ni à BeIN Sports. Les panneaux publicitaires se vendent mal et le stade ne se remplit pas : selon nos informations, la fédération sud-africaine aurait perdu 400 000 dollars (321 000 euros) sur cette seule journée.
« On ne peut pas savoir à l’avance si on va gagner ou perdre de l’argent sur un match. Parfois, dans le cadre d’un tournoi avec plusieurs matchs, on peut perdre beaucoup et rentabiliser in extremis avec la dernière affiche », note Joe Kamga.
Dans une profession très réglementée par la Fifa – qui touche un pourcentage sur chaque match organisé sous son égide – la réputation joue beaucoup. « Plus un agent est sérieux, plus ça se saura, et les fédérations lui feront confiance », glisse Youssef Haijoub.
JEUNE AFRIQUE