Nous sommes le Vendredi 2 décembre 2016 et la Gambie est en pleine renaissance. Les élections du 1er décembre, ont livré finalement leurs résultats. Adama Barrow, un illustre inconnu il y a encore un mois, discret et sorti de nulle part, a été élu à la tête de la Gambie. Un séisme politique qui signe la fin de l’ère Yahya Jammeh.
Le nouveau chef de l’Etat quasi novice en politique est déjà au travail. Adama Barrow souhaite au plus vite former son gouvernement, un gouvernement d’ouverture qui devrait réunir toutes les franges de ceux qui luttaient contre le dictateur puisqu’il a été élu au nom d’une alliance de l’opposition.
Dans une déclaration télévisée, Yahya Jammeh dénonce une erreur de comptabilisation de la Commission électorale indépendante. Nous sommes le vendredi 9 décembre, Jammeh annonce qu’il ne reconnaissait pas les résultats de l’élection présidentielle du 1er décembre et réclame la tenue d’un nouveau scrutin. Une déclaration qui survient une semaine après qu’il a publiquement reconnu sa défaite face à Adama Barrow. Une attitude qui prend au dépourvu aussi bien les Gambiens que la communauté internationale.
Les menaces de poursuites judiciaires brandies par les nouveaux maîtres de Banjul auraient motivé sa volte-face. La Gambie venait de basculer dans la crainte. Le Sénégal voisin bande ses muscles et entre en jeu. Le chef de l’État par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye invite Yayah Jammeh à partir pendant qu’il est encore temps. Pour Macky Sall, le dictateur gambien n’a aucune autre issue que de céder le pouvoir au Président élu Barrow. Le bras de fer venait d’être lancé entre le dictateur gambien et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Sous l’impulsion du Sénégal, l’institution sous régionale décide d’employer la méthode forte pour déloger le natif de Kanilaï. Mais n’en privilégie pas moins la voie pacifique. Ainsi, la présidente libérienne, par ailleurs présidente en exercice de la CEDEAO, Ellen Jonhson Sirleaf, et son homologue nigérian Muhamadu Buhari, sont envoyés en éclaireurs en Gambie. Sauf que leur jet privé n’atterrira jamais à l’aéroport international de Banjul. Mais ce n’est que partie remise. Pendant ce temps, Jammeh multiplie les actes de défiance envers la communauté internationale. Soutenu par une armée à la solde du lieutenant-général Ousmane Bargie, le président de la République islamique gambienne n’entend pas reculer d’un pouce. Craignant pour leur vie, des Gambiens prennent le chemin de l’exil. En un rien de temps, les villes sénégalaises frontalières de la Gambie sont submergées. L’une d’elles, Karang accueille 15 000 déplacés dont des Gambiens, des Sénégalais, des Libériens, des Sierras léonais et des Mauritaniens. La situation est préoccupante, car ces réfugiés constitués essentiellement de femmes et d’enfants manquent de tout. Et la plupart des élèves sont des laissés pour compte.
Le maire de Karang, Dioguine Gomis lance un cri de détresse à l’endroit des autorités étatiques. Pendant ce temps, Jammeh continue de tenir tête. N’ayant plus le choix, la CEDEAO opte pour la solution militaire. Une mission de dernière chance est envoyée à Banjul pour raisonner Yahya Jammeh, en vain. Adama Barrow est exfiltré pour participer à un mini-sommet sur la Gambie à Bamako. Le sort de son prédécesseur scellé, le tombeur de l’homme fort de la State house atterrit à Dakar où il prête serment le 19 janvier à l’ambassade de la Gambie. Les choses s’accélèrent. Munies d’un mandat de la CEDEAO et de l’Onu et habillées sous les habits de la Micega, des troupes sénégalaises et nigérianes cernent Jammeh et les siens. À Karang, c’est le stade de la ville qui accueille un déploiement de l’armée de terre sénégalaise. Après une deuxième rencontre avec les présidents mauritanien et Guinéen, Jammeh revient à de meilleurs sentiments. Dans une déclaration diffusée par la GRTS, il fait part de son intention de quitter le pouvoir. La Guinée Conakry est évoquée comme sa prochaine terre d’asile. Finalement, c’est Mongomo. Dans la nuit du 21 janvier, l’intraitable Abdoul Aziz Jammeh monte dans un jet privé affrété par son ami Alpha Condé. Ses partisans pleurent. Ses détracteurs n’en croient pas leurs yeux et leurs oreilles. A Karang, ça jubile. L’espoir de revoir la couleur de leur école renaît chez des élèves.
Pour eux, leur calvaire vient de connaître son épilogue. Certains sont déjà sur le chemin du retour. Le lendemain, les soldats sénégalais pénètrent en territoire gambien sous les vivats des Karanghois et des…douaniers gambiens dont certains ne se sont pas empêchés d’immortaliser ce moment fort avec leurs téléphones portables.
Lorsque nous avons débarqué à Banjul le dimanche 22 janvier, toutes les boutiques étaient fermées. C’est à croire qu’il n’y a pas âme qui vit dans la ville. Tout le monde a fui, arguent quelques rares personnes rencontrées non loin du palais présidentiel. Il a fallu que les premiers soldats de la Mission de la Cedeao en Gambie (Micega) entrent dans la capitale pour que les populations sortent de leur cachette. Accueillis en héros, ces militaires sénégalais ultra-équipés se sont dirigés vers la « state house » pour en prendre la possession, après le départ de celui qui aura présidé aux destinées de la Gambie pendant 22 ans. Sur place, la garde présidentielle résiste, mais finit par courber l’échine face à un « ennemi » plus équipée et plus déterminée. À Dakar, le président élu de la Gambie peut préparer son retour.
Jeudi 26 janvier, Adama Barrow est reconduit chez lui par un avion de l’armée sénégalaise. Le peuple gambien déroule le tapis rouge à son présidant et l’accompagne jusqu’à sa résidence de Taf Brufut, en attendant le « déminage » de la state house. Dans ses habits de nouveau président de la Gambie, Adama Barrow fait face à la presse et décline les principaux axes de son magistère.
Près d’un mois après son retour triomphal chez lui, mister Barrow doit à nouveau prêter serment. Mais cette fois-ci, devant son peuple. Pour l’occasion, le président gambien reçoit un hôte de taille. Son sauveur. Nommons Macky Sall. Lorsqu’il a foulé le tarmac de l’aéroport international de Yundum le 17 février, il avait toutes les peines du monde pour rejoindre sa résidence. De Yundum à l’hôtel Coco Ocean situé à Senegambia, Macky Sall a été acclamé par un peuple qui rêvait de cette opportunité pour dire « thank » au président du Sénégal. Un accueil qui a ému l’hôte d’Adama Barrow. Les premiers mots qu’il a libérés après son arrivée peuvent en témoigner. Le jour tant attendu par toute la Gambie, le stade de l’indépendance de Bakau fait le plein. Par milliers, les Gambiens, venus de tous les coins du pays ont déjà occupé les gradins à la première heure. Certains ont dormi sur les lieux pour compter parmi les 25 000 spectateurs qui ne se feront pas raconter l’évènement. Et ce n’est pas la chaleur qui les découragera. Pour la première fois, le peuple gambien s’est senti associé à sa fête d’indépendance, pourtant 52e du genre. Tandis que les présidents mauritanien, ivoirien, burkinabè et libérien arrivent au stade l’un après l’autre, les accueils réservés aux uns et aux autres diffèrent. Macky Sall a encore eu droit à un standing ovation. Sa venue a annoncé l’entrée en scène du 3e président de la République gambienne. Dans sa rutilante voiture, Adama Barrow a fait une entrée rocambolesque au stade. Les choses sérieuses peuvent démarrer. Appelé à rejoindre le centre de la pelouse où est installé un podium habillé aux couleurs nationales, le tombeur de Yahya Jammeh a juré de mener à bon port la Gambie. S’ensuit une revue des troupes. La sobriété est de mise. Un bataillon de la mission de la CEDEAO en Gambie participe à la fête. Chef d’état-major des armées, Ousman Badji fait son show. Des dignitaires de l’ancien régime préfèrent se faire discrets. Invitée à dire quelques mots, Aissatou Njie Saidie, celle qui a fait office de vice-président de Jammeh pendant des années décline. Fort de la confiance de l’allégeance de son armée et de la confiance de son peuple, Adama Barrow promet de grands changements pour une Gambie nouvelle.
Le 21 janvier 2017, la Gambie tourne la page Jammeh. Le dictateur a tenté de défier la communauté internationale mais les bruits de botte des soldats de la Cedeao aux portes de la Gambie l’ont décidé à céder les rênes du pouvoir à Adama Barrow, un novice en politique. Au cœur des événements, Dakaractu vous propose un documentaire retraçant les dernières heures de Jammeh au pouvoir et l’installation de son successeur.
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