Il y a eu de nombreux commentaires sur le choix du titre « Addùna » que Ndongo Lô a choisi pour son dernier album à presque dix jours de sa mort. Il a pris de dos la photo apposée sur la jaquette comme s’il voulait montrer qu’il tournait le dos à la vie.
« La veste bleue, de style western, qu’il a portée était encore en confection. C’est une femme de la Médina qui l’a trouvé, un jour vers 21 H, près du siège de la Cour de Cassation, alors qu’on mangeait des poissons grillés, pour lui proposer d’acheter la tenue qui n’avait pas encore de bouton. Quand il a accepté de l’acheter, la femme, qui lui a fait remarquer que ce n’était qu’un échantillon, lui a proposé de la lui laisser le temps d’en chercher une autre plus commode. Ndongo Lô, qui trouvait la veste à sa mesure, n’a pas eu la patience d’attendre la commerçante. Le soir même, il est monté sur scène avec. Le lendemain, il est allé avec au Studio 2000. La photo apposée sur la jaquette de « Addùna » a été prise au seuil de la porte du Studio 2000 », relate Ndiambé.
Selon le frère de Ndongo Lô, Mbaye Ndiaye, El Hadj Ndiaye a proposé au chanteur de prendre la photo de face. Mais l’intéressé n’a pas accepté, préférant, comme par une sorte de prémonition, la prendre de dos : comme pour dire adieu à la vie sur terre.
« Est-ce que tu sais comment va s’appeler ma cassette », demanda-t-il à Ndiambé. Et il se dépêche de répondre lui-même : « Addùna ». « Pourquoi Addùna ?», interrogea Ndiambé. « Addùna luné da ca nék », philosopha Ndongo Lô.
Selon Djily Niang, le titre « Addùna » a été inspiré à Ndongo Lô au moment où ils regardaient ensemble le clip de « Seven Second » de Youssou Ndour. Dans ledit clip, on voit des images parlant de la complexité du cosmos. « Ndongo Lô répétait le morceau en disant Addùna à la place de « Seven Second », informe Djily Niang.
« Avant d’aller au studio, j’ai listé sur un papier les titres de tous les morceaux et le titre de l’album. Il m’a demandé ce que j’avais écrit. Je lui ai montré le contenu de la liste. Il a fait appeler son frère Baye Zale, comme il ne savait pas lire, pour vérifier. C’est ensuite qu’il a dicté la formule introductive : « jëfe ju bax moy seede boroom ëlëk ca baamèl » (Tout bienfait témoignera sur son auteur à l’au-delà), raconte Djily Niang.
Nous devons à la vérité de rappeler que l’album terminé, les promoteurs rechignent à le produire. La maladie de Ndongo Lô, qui s’est aggravée, n’est pas pour arranger les choses. Les supposés bienfaiteurs de l’artiste le fuient comme la peste.
« Effectivement personne ne voulait le produire. Certains de ses soutiens ne le prenaient même plus au téléphone », se désole Papis Konaté. L’homme par qui viendra le miracle. Comment ? Nous y reviendrons.
Habib Faye, au corps défendant de Petit Mbaye, décharge : « Si Petit Mbaye avait refusé de produire son 3e album, c’est parce qu’il n’avait pas ma caution artistique. Qui plus est, il avait, à l’époque, de petits problèmes avec Ndongo qui est venu nous dire qu’il voulait sortir un 3e album. Je lui ai demandé d’être plus patient. On lui a signalé que le 2e album n’était pas encore entièrement consommé. Comme il éprouvait de la pudeur à mon endroit, il est revenu à la charge pour me faire part d’une proposition qu’il aurait reçue de El Hadj Ndiaye de Studio 2 000 pour un album en live. Qu’à cela ne tienne, j’ai fini par comprendre que son entêtement à mettre sur le marché cet opus, intitulé Addùna, était le signe d’une mort pressentie ».
Comme dit l’adage, « À cœur vaillant rien d’impossible ».
La détermination de Papis Konaté convaincra le promoteur El Hadj Ndiaye de produire Ndongo Lô. « C’est moi qui ai effectué les démarches pour la sortie du 3e album. J’ai dit à El Hadj Ndiaye : si tu produis l’album de Ndongo Lô, tu vas t’en tirer avec pas moins de 50 millions de francs Cfa. Il n’y croyait pas au début. N’empêche, j’ai fait, à sa demande, une étude technique pour 8 titres. Il devait payer un million pour chaque titre.
Ce qui devait faire la bagatelle de 8 millions au profit du groupe Jàmm. Quant à moi, je devais empocher 3 millions de francs Cfa comme “consultant”. Quand il avait lu ma proposition, Il m’avait répondu, sèchement, qu’il n’allait pas payer cette somme même à Youssou Ndour. J’ai répété que si, avec la sortie de cet album, il ne vendait pas 50 000 exemplaires en une semaine, j’allais abandonner la musique. “Dans ce cas abandonne la musique, car ce que tu proposes est impossible à réaliser avec Ndongo Lô. Il veut m’utiliser”, a-t-il argué. Il soupçonnait qu’il s’agissait d’un coup monté et que le chanteur roulait, en catimini, pour Petit Mbaye. Ndongo Lô l’a rassuré en lui disant qu’il était libre de signer avec qui il voulait. Je suis revenu à la charge en lui faisant comprendre que tous les frais ne peuvent pas excéder 30 millions. Finalement, il a déboursé 10 millions de francs Cfa. Ndongo Lô est parti avec les 7 millions de francs Cfa. J’ai touché 3 millions », décortique le technicien.
« Nous n’étions pas prêts pour sortir l’album. Un jour, j’ai appelé Papis Konaté. Il était au Studio 2000 avec El Hadj Ndiaye. Il m’a proposé de faire part au patron d’Origines S.A de nos pépins. C’est après que je l’ai rejoint au bureau de Mme Ndiaye. Au bout des échanges, El Hadj Ndiaye (qui nous a rejoints) a accepté de produire l’album pour un montant de 7 millions de francs Cfa. C’est pourquoi je continue à répéter que si ledit album devait générer plus de 10 milliards au profit de El Hadj Ndiaye, Ndongo Lô, de sa tombe, le lui souhaiterait. Car il nous a vraiment sauvé la face », se félicite Djily Niang.
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