A quand la fin de l’instabilité à la tête de la Direction générale de la Police nationale? A la suite du « limogeage » du directeur général de la Police nationale, Mme Anna Sémou Faye, le mercredi 14 octobre 2015 en conseil des ministres, je voudrais apporter les observations suivantes : La défénestration de Mme Anna Sémou Faye était prévisible dès sa nomination à la tête de la Direction générale de la Police nationale. En effet, l’histoire récente de la police nationale est jalonnée de faits similaires qui ne surprennent que les personnes non averties.
Car, tous les directeurs généraux policiers qui ont un tant soit peu assumé des responsabilités à ce niveau ont tous subi le même sort. C’est à se demander si cette « station » sur laquelle tous les commissaires de police rêvent de trôner un jour ne porte pas la poisse. Malgré tout, hélas !, certains sont prêts à tout pour décrocher la sainte appellation : Dgpn ! Le poste est-il à ce point juteux que les commissaires de police acceptent toutes les compromissions pour diriger cette sinécure ?
C’est à l’instant même où un directeur général accède à ce poste qu’il signe son arrêt de mort. Ses collègues ne lui laisseront de répit que lorsqu’ils auront sa peau. Tous les coups sont alors permis, les crocs en jambe, les peaux de banane, les manipulations par presse interposée, la délation etc… sont monnaie courante et même… « main courante » au sein de cette institution.
A la Police, la loyauté fait défaut !
A ce jour, aucun directeur général de la Police n’a réussi sa mission à cause de nombreux obstacles placés sur son chemin par ses propres collègues trop pressés de le remplacer. Qu’ils s’appellent Amadou Moustapha Sarr Toto, Antoine Mendy, Leopold Diouf, Assane Ndoye, Saliou Diallo, Codé Mbengue, Abdoulaye Niang et Anna Sémou Faye, tous sont passés à la trappe dans les mêmes formes, très souvent victimes d’un manque de solidarité et de loyauté de la part des collègues gradés.
Les mots « loyauté » et « solidarité » sont absents du vocabulaire de ce corps si prestigieux. Un état de fait trop gênant face à nos cousins gendarmes qui nous observent. La police nationale qui aurait dû être une famille unie et solidaire est finalement devenue une jungle où ceux qui pensent être les plus forts écrasent sans état d’âme ceux qui sont supposés être les plus faibles. Pire, les plus forts les écrasent sans aucune forme de procès lorsqu’ils sont soutenus par des bras longs et armés.
Cela constitue une grande faiblesse que ne manquent pas d’exploiter les autorités étatiques. Un service comme la division des investigations criminelles (Dic) est dévoyé et détourné de son objectif principal. Non seulement la Dic a perdu son lustre d’antan mais elle s’illustre dans la traque, la débusquation et la neutralisation d’adversaires politiques ; ceci n’est pas son rôle. Ce service jadis fleuron et fierté de la police nationale est maintenant réduit à sa plus simple expression.
Qui ne souvient de l’arrestation musclée de M. Jean Paul Dias au sein même de la Cathédrale de Dakar qui a été à l’époque profanée ? Pourtant, ceux qui avaient commis ce sacrilège ont été promus. Il en est de même lorsqu’une grenade avait été balancée à l’intérieur même de la Zawiya de Seydi El Hadji Malick Sy. Les policiers sont transformés en « meurtriers » oubliant leur mission principale qui est d’assurer la sécurité des personnes et leurs biens. Les meurtres de Balla Gaye, Mamadou Diop et Bassirou Faye sont encore présents dans nos mémoires.
Ces jours-là, les policiers ont envahi l’espace universitaire foulant aux pieds les franchises universitaires, violentant les paisibles étudiants dont le seul tort est de vouloir un enseignement de qualité dans des conditions acceptables. La place du policier n’est pas à l’université mais dans les endroits criminogènes bien identifiés et connus de tous pour traquer et mettre hors d’état de nuire les nombreux délinquants qui hantent le sommeil des citoyens qui ne savent plus à quel saint se vouer.
Contrairement à une idée largement répandue mais fausse, la police sénégalaise a une organisation obsolète et désuète qui ne répond plus aux normes standards. Depuis belle lurette, on assiste à un pilotage à vue, les principaux dirigeants de la police n’étant préoccupés que par leur carrière et leur promotion personnelle oubliant de satisfaire l’intérêt général qui est de servir d’abord les citoyens qui payent leurs impôts pour assurer leur existence, leur entretien et leur existence.
La police sénégalaise est l’une des rares au monde à n’avoir pas de généraux alors que même la France et tous les autres pays africains octroient ce grade à leurs cadres policiers les plus méritants. Il faut arrêter la folklorisation de la police et se pencher sur les grands chantiers qui ont pour noms la modernisation et l’organisation de la police, la formation permanente des agents, la lutte contre la corruption,la concussion en son sein, la lutte contre la délinquance sous toutes ses formes etc.
La guerre des chefs existe bel et bien…
Le limogeage de Mme Anna Sémou Faye est un épiphénomène au regard de l’immense travail qui attend les policiers. Les multiples dysfonctionnements constatés çà et là doivent être rapidement corrigés. II s’agit de faire un recrutement de qualité, de mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut nonobstant les raisons subjectives et affectives.
Nous aurions pu révéler au grand jour les nombreux manquements qui ont cours à la police et qui plombent son envol, les injustices et les tares qui la discréditent, et qui ont fini de saper le moral des personnels, mais pour des raisons personnelles, nous nous abstiendrons de le faire pour le moment en espérant que les réglages appropriés seront apportés pour trouver des solutions heureuses pour l’avènement d’une police républicaine, réconciliée avec elle-même et, surtout, avec les populations qui doivent être traitées avec le plus grand respect et le plus grande décence.
Le commissaire Oumar Maal est un excellent professionnel, très rigoureux et perfectionniste. Son expérience et son expertise peuvent l’aider à réussir sa mission d’autant plus qu’il a un large boulevard devant lui car n’ayant plus en face des concurrents susceptibles de lorgner son fauteuil. Lorgner ? Pas pour le moment, mais il subira le même sort que ses prédécesseurs parce que la police est ainsi faite. Même si le danger d’un limogeage tarde à être orchestré par l’adversité interne, chaque ministre de l’intérieur débarque avec son propre directeur de police.
Et ceux qui ne sont pas dans ses grâces n’ont qu’à circuler… On a pu constater récemment le maintien à leurs postes de six directeurs alors qu’ils sont admis à faire valoir leurs droits à la retraite comme moi ! Ce, depuis belle lurette. Pire, on a confié de grands services de police à des élèves sortants fraîchement de l’école nationale de police avec tout ce que cela entraîne dans l’irrégularité des procédures, l’arrestation ou la détention arbitraire de citoyens, la signature d’actes et autres.
Le nouveau commissariat de Jaxaay inauguré en grande pompe est dirigé par un lieutenant de police alors que ce commissariat qui est le plus grand, le plus beau et le plus fonctionnel du pays aurait dû être le commissariat central de la banlieue. Il en est de même pour le poste de police de Grand Yoff qu’on veut ériger en commissariat plein alors que ce service ne répond pas aux normes requises. Devant la pression des populations, on veut mettre la charrue avant les bœufs alors que l’érection d’un commissariat répond à des normes. La police n’est pas un jouet que l’on manipule à sa guise selon l’humeur des populations.
La sécurité nationale, c’est du sérieux et l’on n’a pas le droit de la sacrifier sous l’autel de considérations politiciennes. Par la faute d’une planification rigoureuse et d’un management approprié, on a assisté à la mise à la retraite massive et en même temps de presque tous les hauts cadres de la police nationale. Ces derniers laissent naturellement un vide difficile à combler. La guerre des chefs qu’avait signalée un ministre (Ndlr, le général Pathé Seck) existe bel et bien.
Elle a contribué à raviver les rancœurs et les divisions et porte un coup fatal à l’émergence de compétences qui ont été ignorées et muselées. Combien de cadres ont préféré abandonner le navire au milieu du guet pour aller monnayer leurs talents ailleurs parce que tout simplement ils avaient fini par ne plus se reconnaître dans un environnement devenu hostile et rébarbatif ?
Les hauts cadres de la police en activité ou à la retraite auraient pu servir encore leur pays à l’instar d’autres serviteurs de l’Etat se trouvant dans la même situation. Pourtant, plus que tout le monde, les policiers qui ont largement contribué à la stabilité et la paix dans ce pays méritaient mieux au regard des nombreux services rendus à la nation.
Au tout-nouveau patron de la Police, le commissaire Maal, nous lui souhaitons plein succès dans sa nouvelle mission. Quant au Dgpn sortant, Mme Anna Sémou Faye, je lui tire personnellement mon chapeau. Elle a toujours manifesté un profond respect et une attention spéciale à mon endroit. Elle n’a pas démérité et peut partir la tête haute.
El Hadj Bassamba Camara
Commissaire police divisionnaire de classe exceptionnelle à la retraite en 2014