Ainsi parlait la première femme africaine Prix Nobel de la Paix Wangari Muta Maathai (1940 – 2011), Biologiste, Écologiste, et personnalité politique kenyane:
» Tous les Africains sans exception doivent changer cet état d’esprit caractéristique de nombreux peuples colonisés. Ils doivent retrouver foi en eux-mêmes ; savoir qu’ils sont capables de retracer leur propre voie et de façonner leur propre identité; qu’ils ont le droit d’être gouvernés selon des critères de justice, de transparence et d’honnêteté, qu’ils peuvent être fiers de leur culture, la pratiquer et l’adapter à leurs besoins actuels, et qu’ils ne sont plus obligés de s’endetter, financièrement, intellectuellement et spirituellement, auprès de ceux qui les ont autrefois gouvernés. Un seul mot d’ordre pour tous les Africains : lève-toi et marche ! »
Rien à ajouter sinon à se demander pourquoi les africains tardent à prendre leur destin en mains? Pourquoi n’entendent-t’ils pas les voix nombreuses et diverses qui, du nord au sud et d’est en ouest du Continent, crient leur passion pour l’Afrique et leur espérance incompressible en un avenir digne de son statut incontestable de berceau de l’Humanité ? Pourquoi la voix Africaine est-elle inaudible, en terme d’alternatives, au désarroi qui se fait jour chaque jour un peu plus dans notre humanité?
Wangari Maathai ne s’était pas contentée que de théoriser. Ses efforts pratiques et son leadership local lui ont valu la reconnaissance et le respect de la communauté internationale au point de lui décerner le Prix Nobel « pour sa contribution au développement durable, à la démocratie et à la paix ». Trop tôt rappelée à Dieu, elle aura donné du sens à sa vie. N’est-ce pas cela l’essentiel? Elle aura, par ses travaux scientifiques et son engagement pour le développement durable comme on dit maintenant, inscrit dans les gènes de plusieurs kenyans, et bien au-delà, le devoir d’exigence sur soi et sur ses gouvernants.
Laissons Wangari Maatahi au ciel et confions la à la Bienfaisance Divine. Elle reconnaît les justes…
Revenons sur terre:
Après les Panama papers, les Paradise papers révèlent au monde ce que les initiés savaient déjà: les paradis fiscaux sont une modalité, pour les gens très, pour ne pas dire trop riches, de soustraire leurs énormes bénéfices, ou leurs richesses trop mal acquises, à la sagacité fiscale. Or, la fiscalité « se résume aux pratiques utilisées par un État ou une collectivité pour percevoir des impôts et autres prélèvements obligatoires. » C’est l’une des modalités de mise en œuvre de la solidarité entre les citoyens d’une même nation. On prélève, plus ou moins, des revenus de chacun pour assurer à l’Etat des ressources. A charge pour celui-ci de les redistribuer à la Nation, sous des formes diverses allant de la construction des hôpitaux au financement de l’éducation pour tous. De la sécurité publique aux Grands Travaux.
Il paraît pour le moins indécent que des entreprises et personnes physiques, déjà outrageusement dotées et bien delà de leurs besoins, cherchent à soustraire leur surplus à l’impératif de solidarité avec leurs semblables. Et, en cela, ils se croient malins! Le pire c’est que ce mécanisme est l’une des mamelles de l’ultra-libéralisme! Les paradis fiscaux ne sont pas clandestins. N’importe qui y a accès en principe. Mais n’importe qui n’y pénètre pas. Une discrimination financière de fait exclut du système tous ceux qui n’ont pas de sommes importantes à planquer. En résumé, ceux qui gagnent juste de quoi vivre sont pris dans la nasse des prélèvements obligatoires et ceux qui auraient dû s’acquitter de bon cœur de leurs obligations sociales ont mis au point un système pour s’en affranchir. Tout cela sous le regard bienveillant, pour ne pas dire la complicité agissante, des États les plus puissants du Monde. Sacré nom de nom! Dans quel monde vivons-nous donc? Les vrais voleurs et les orfèvres de la tricherie paradent dans les palaces et les bateaux de plaisance. Ils sont entre deux avions, volant (?) de paradis fiscal en îles vierges ou caïmans. Cette dernière destination les illustrant mieux! Alors qu’ils n’ont de différence, avec le voleur de poules, que les moyens de corrompre le système en vue de s’assurer une impunité, ils poussent l’outrecuidance jusqu’à nous éclabousser de leur superbe dans les colonnes des journaux dits « people ». Encore heureux que des scandales intermittents jettent la lumière sur les coulisses sordides de ces crimes organisés. Car, pendant ce temps, ailleurs sur la planète, des êtres humains meurent de faim ou par l’occurrence de guerres qui font le bonheur des trafiquants d’armes. D’autres meurent de l’usage de stupéfiants qui transforment leurs rêves en cauchemars. Et devinez quoi ? Les masses d’argent issues de ces deux malédictions rejoignent aux paradis… fiscaux (!) les autres masses d’argent illicites et les fécondent. Pour boucler la boucle, des avocats ont fait de leur métier l’art de contourner les lois et règlements des États et s’occupent de donner à toute cette embrouille des garanties d’impunité.
A ce qu’il paraîtrait des africains seraient familiers des paradis fiscaux. En laissant leurs populations en enfer. Issus d’un Continent où tout est à construire et où la pauvreté est quasi endémique, on peut se demander: d’où tirent-ils les sommes qu’ils planquent?
Je ne sais pas pourquoi, en ce moment précis, je pense au Maréchal-President Mobutu, Ancien Chef de l’Etat du Zaïre et exécuteur, ne fût-ce qu’intentionnel, de Patrice Lumumba. Mobutu, riche à milliards, mort appauvri et seul, mis en terre en pays étranger… Je pense à l’Empereur de triste mémoire Bokassa 1er ainsi qu’à ses pots remplis de diamants… Je pense à tous ces milliardaires tropicaux, au prix de l’asphyxie de leurs peuples, et dont personne ne parle même plus.
Ah! si parler voulait dire quelque chose! Comprenne qui pourra.
Amadou Tidiane WONE