Le temps d’une journée, la police de Thiaroye qui a hérité l’enquête sur la mort d’Aïcha Diallo, s’est rendue à Niagues, au domicile de la défunte, en compagnie d’un représentant du parquet pour constater la configuration du bâtiment sur la terrasse où feue Aïcha a chuté lourdement. En plus des prises de vues des limiers, la mère et la sœur de la défunte, témoins-clés dans cette affaire, ont déroulé devant les enquêteurs le film de la chute.
Arrivée de l’équipe d’enquêteurs– C’était inéluctable pour la manifestation de la vérité dans la mort controversée d’Aïcha Diallo, la fille de 12 ans qui a chuté de la terrasse de sa maison familiale et perdu la vie trois jours plus tard à l’hôpital de Pikine. A Niagues située dans la grande banlieue de Dakar, tout le monde guettait l’arrivée quasi-certaine des enquêteurs. Mais personne ne se doutait que la police de Thiaroye et le parquet allaient profiter du départ de nombre de Sénégalais à Touba pour procéder sereinement à la reconstitution des faits. En effet, mardi 07 novembre 2017, Niagues avait déjà commencé à se vider de ses habitants, lorsqu’un véhicule Pick-up de couleur blanche, à bord duquel avaient pris place, Albert Ndior l’adjoint au commissaire de Pikine, le représentant du parquet, un photographe et un caméraman, s’est immobilisé devant chez les Diallo, à la cité Tawfekh. A leur descente, ils s’engouffrent vite dans la maison. Au terme d’une brève séance de discussions avec Faty Kaba, la mère de la défunte Aïcha Diallo à qui, ils ont expliqué le but de leur visite, la reconstitution des faits pouvait enfin démarrer.
La reconstitution – Moment douloureux pour la famille qui a dû se faire violence pour se remémorer dans les moindres détails, cette journée du 19 octobre où la vie d’Aïcha Diallo a basculé. C’est d’abord Maïmouna Diallo, sœur de la défunte et témoin-clé dans cette affaire qui, devant les policiers-enquêteurs et sous le crépitement de l’appareil-photo, a déroulé le premier acte de la reconstitution. Vêtue d’une robe perlée et un bas noir, elle est visiblement toujours traumatisée par la chute mortelle de sa «jumelle», d’où toute l’attention dont elle a fait montre pour ne pas subir le même sort que sa sœur. D’un geste assuré, la frêle Maïmouna, habituée à cet exercice depuis plusieurs années, n’eut aucune difficulté à monter sur le bas mur de clôture, avant de monter d’un geste vif, sur la terrasse. Aussitôt après, elle imita la chute qui a occasionné les blessures fatales à Aïcha. Elle resta couchée sur le sol. Puis s’empressa d’aller se blottir dans les bras de sa mère. Les yeux embués de larmes, sa mère la serre fortement contre elle comme pour exorciser la peur qui l’habitait. Des voisines, venues apporter un réconfort moral à la famille d’Aïcha, n’ont pu retenir leurs larmes.
Les enquêteurs semblaient n’en avoir cure. Impassibles, ils ont noté les moindres détails dans leur calepin, donnant des directives au photographe et au caméraman, pour immortaliser tous les temps forts de la reconstitution.
Ce fut ensuite le tour de Faty Kaba, mère de la défunte, de répondre aux questions d’Albert Ndior, l’adjoint au commissaire de Thiaroye. De même, la maison des Diallo a été fouillée de fond en comble. C’est en début d’après-midi que l’équipe des enquêteurs s’est à nouveau engouffrée dans le Pick-up pour quitter Niagues.
FATY KABA, MERE D’AÏCHA DIALLO : «Ce que j’ai dit aux enquêteurs»
«J’ai expliqué aux enquêteurs que je savais pertinemment qu’il était plus ou moins risqué de faire évacuer, par mes deux filles, les eaux stagnantes de la terrasse qui, à la longue, pourrait engendrer un effondrement de la dalle faute d’étanchéité, mais je n’avais pas le choix. Je leur ai également dit avoir hérité de mon mari une grande et belle maison à Yeumbeul sur la route de Boune, mais, elle avait été détériorée par les inondations. Ce qui m’a poussé à venir habiter à la cité Tawfex. Depuis la mort de leur papa, il y a 10 ans, je me débrouille seule, pour pouvoir nourrir mes enfants, en vendant des produits cosmétiques et en faisant des poses ongles pour les femmes. Pour ne pas exposer mes deux enfants à un danger perpétuel, j’ai fini par adhérer à une tontine pour pouvoir ériger un escalier par lequel, elles passeraient pour aller à la terrasse. Celle qui assurait la garde de la tontine a pris du temps pour me remettre le million qui constituait ma part. Ce n’est qu’à l’annonce du décès d’Aïcha qu’elle s’est empressée de me la faire parvenir, mais c’était trop tard, le mal étant déjà fait. J’avais même pris langue avec un ouvrier qui m’avait fait le devis à 250 000 FCfa, mais il était écrit qu’Aïcha ne devrait vivre au delà de son heure. Elle me manque énormément et je prie le Seigneur de me pardonner de passer des nuits blanches à lui demander, pourquoi Il m’a pris ma meilleure amie.»
L’OBS