Alors que notre alimentation n’a jamais été aussi riche en sucre, le Dr Robert Lustig, auteur de l’ouvrage « Sucre, l’amère vérité », pointe les dangers d’une surconsommation de sucre pour la santé…
Si vous deviez évaluer votre consommation quotidienne de sucre, il y a fort à parier que vous seriez largement en dessous de la réalité. « Un petit morceau dans le café, éventuellement un soda pour le déjeuner, une douceur à 16 heures et peut-être un carré de chocolat le soir devant la télé », répondriez-vous sans doute. C’est sans compter les sucres cachés, ceux qui sont injectés en quantités faramineuses par l’industrie agroalimentaire dans les produits garnissant les rayons des supermarchés.
Omniprésent dans notre alimentation, le sucre occupe aujourd’hui une grande part de notre assiette : en un siècle seulement, la consommation française de sucre est passée d’un kilo à 35 kilos par an et par personne. Une surdose de sucre qui grignote (pas très) lentement mais sûrement notre espérance de vie en bonne santé et notre espérance de vie tout court, et que le Dr Robert Lustig, pédiatre et endocrinologue à l’université de Californie, dénonce dans Sucre, l’amère vérité* (éd. Thierry Souccar).
Le sucre et les mécanismes de l’addiction
Manger, on le fait autant par nécessité que par plaisir. « Notre cerveau est programmé pour la récompense », note le Dr Robert Lustig dans son ouvrage. Qui ne s’est d’ailleurs pas déjà offert une douceur bien sucrée pour se récompenser après une séance de sport, un dossier enfin bouclé ou simplement parce que la journée a été pénible ? Et dans les aliments plaisirs, ceux qui sont riches en sucre tiennent le haut du pavé. « Ce qui vous « harponne » pour ne plus vous lâcher, c’est le sucre », assure ainsi le Dr Lustig, pointant notamment les sodas du doigt, ainsi que de nombreux produits de l’industrie agroalimentaire.
En cause selon lui, le fructose, qui donne leur saveur suave et sucrée aux aliments. « De nombreuses études scientifiques ont mis en évidence le lien entre une consommation élevée de sodas et autres jus industriels et les troubles du comportement chez les enfants », confirme le Dr Laurent Chevallier, médecin nutritionniste en maternité et auteur de Maigrir sans lutter (éd. Fayard).
Le sirop de glucose-fructose, « de fabrication entièrement industrielle et à mille lieues du fructose naturellement contenu dans les fruits, a un pouvoir sucrant élevé, coûte moins cher que le sucre de table et donne un goût de « reviens-y » aux produits qui en contiennent, au point d’entraîner une forme d’addiction alimentaire », indique le Dr Anthony Fardet, chargé de recherche en alimentation préventive et holistique, auteur de Mangeons vrai, Halte aux aliments ultra-transformés ! (éd. Thierry Souccar) et de la préface de l’ouvrage du Dr Lustig.
Comment ? D’une part parce que « l’être humain est naturellement porté vers le sucré », poursuit le Dr Fardet. Ensuite parce que le sucre active le circuit de la récompense ainsi que « les récepteurs à la dopamine [communément nommée hormone du plaisir]. Donc plus on en mange, et plus il faut à chaque fois en manger davantage pour obtenir le même degré de plaisir : c’est le même mécanisme que l’addiction à la drogue », décrypte le Dr Chevallier. Et parmi les aliments hautement addictifs, on retrouve à peu près tout ce qu’il est possible de trouver au menu des fast-foods et qui fait chavirer les papilles des enfants : burgers, frites, nuggets, poisson pané, sodas et autres glaces, tous ultra-transformés, ultra-caloriques, blindés d’additifs alimentaires et sur-saturés en sucre, graisse et sel.
Toutes les calories ne se valent pas
Résultat : le nombre d’enfants (et d’adultes) obèses a explosé et a été multiplié par dix ces quarante dernières années. Aujourd’hui, ce sont ainsi 124 millions d’enfants à travers le monde qui souffrent d’obésité. Un phénomène qui s’accompagne d’une hausse alarmante des cas de diabète de type 2 chez les enfants et adolescents. Pour beaucoup, la solution a ce problème de santé publique mondial est simple : selon un tableau basique d’entrée et de sortie, il suffirait de brûler, en faisant de l’exercice, les calories que l’on ingère. Mais il est un paramètre que beaucoup, particuliers et pouvoirs publics, ne prennent pas en compte, à savoir « que toutes les calories ne se valent pas », insiste le Dr Lustig au fil des pages. « La balance énergétique n’explique pas tout, abonde le Dr Anthony Fardet. Ainsi, une calorie d’un aliment transformé ne vaut pas celle d’un produit naturel ».
Les « mauvaises » calories, ce sont les calories vides, celles qui ne rassasient pas et qui poussent à manger toujours plus, et que l’on retrouve dans les produits ultra-transformés : plats préparés, goûters et jus industriels. Il n’est pas pour autant question de préconiser la suppression de tous les sucres de son alimentation. « Attention au « sucre-bashing », avertit le Dr Laurent Chevallier, médecin nutritionniste en maternité et auteur de Maigrir sans lutter (éd. Fayard). Le sucre est indispensable au bon fonctionnement du cerveau, mais il y a sucre et sucre. Celui contenu dans les fruits, sources de fibres, de fructose naturel et de vitamines, est un besoin pour l’organisme ».
Se déshabituer du sucre
Mais les ravages du sucre ne sont pas une fatalité. Même lorsque le sucre a déjà fait peser ses effets sur notre santé, il est toujours possible de rectifier le tir. Selon la forme sous laquelle on mange un aliment, il n’aura pas le même impact sur l’organisme. « Si l’on prend un fruit en jus, il conservera certes ses vitamines, mais si on le mange entier, on bénéficie aussi de ses fibres, essentielles à la bonne digestion, rappelle le Dr Fardet. Selon le degré de transformation d’un aliment, la vitesse de libération des calories qu’il contient ne sera pas la même et son pouvoir rassasiant ne sera pas le même ».
Les fibres, contenues dans les légumineuses, les fruits et légumes frais et entiers, participent au bon équilibre alimentaire. « La matrice des aliments est déterminante », souligne le Dr Fardet, qui préconise «une alimentation faite de produits les moins transformés possible ».
Pour ce qui est des tout-petits, « il faut autant que possible retarder leur exposition aux produits très sucrés, prescrit le Dr Chevallier : éviter de donner des jus de fruits aux bébés, ou alors en les coupant aux deux tiers d’eau », cite-t-il en exemple. Et pour inverser la tendance chez les enfants déjà habitués aux saveurs sucrées, « il faut progressivement déshabituer leur palais au sucre, conseille-t-il. Plutôt que de servir à ses enfants le matin des céréales ou de la brioche recouverte de pâte à tartiner, privilégier un petit-déjeuner salé fait de pain complet et de fromage frais est une bonne option ». Une alternative valable aussi pour le goûter et qui, insiste le Dr Chevallier, a l’avantage « d’éviter un pic de glycémie, qui entraîne la libération d’insuline et entraîne des fringales ».
Source : Autre Presse