Depuis plusieurs années, Grand Médine, Grand Yoff et les Parcelles assainies, pour ne citer que ces quartiers, connaissent de récurrents problèmes d’assainissement. Les premières pluies de cet hivernage n’ont fait que les accentuer. Ces écoulements d’eaux usées s’accompagnent de questions sanitaires et soulèvent la notion de civisme, trop souvent absente du quotidien des Sénégalais.
La grande rue séparant le quartier Grand Médine des Unités 25 et 26 des Parcelles assainies, communément appelée « Route 26 », regorge d’eau. Pourtant, la pluie n’était pas au rendez-vous. Un liquide, de couleur noire, ruisselle du point le plus haut vers celui le plus bas, et ce, tous les jours de l’année. Sur toute l’étendue de la voie, ces eaux sales, chargées d’ordures ménagères, se mélangent au sable et créent une boue qui offre un spectacle peu reluisant à cette artère pourtant très fréquentée. « C’est un problème qui dure depuis belle lurette. Il est aussi présent sur la ruelle menant au stade Léopold Sédar Senghor. Il s’agit de la gestion des eaux usées. En période de pluie, la situation s’aggrave, car les eaux de pluie viennent se mélanger aux eaux usées », explique le maire de la commune de la Patte d’Oie, Banda Diop, qui a fait construire un mur, il y a un an, pour éviter l’entrée des eaux de cette rue dans les maisons.
L’odeur nauséabonde des eaux d’égout est, dans cette partie de Dakar, devenue « une habitude » pour ces populations qui passent toutes leurs journées dans cette pollution depuis des années. Le vieux Ndiaye, debout devant son atelier de menuiserie, écarte les orteils et montre les plaies causées par ces eaux d’égout. Pantalon retroussé, il cherche du regard un espace moins glissant pour pouvoir traverser. « C’est toujours pareil. Traverser cette route est une véritable équation, on patauge dans cette eau sale tout le temps. Beaucoup d’enfants glissent ici. Et c’est dangereux, car les voitures passent à tout moment », explique-t-il sur les nerfs, avant de se lancer rapidement dans la traversée.
La forte pluie de vendredi dernier (ndlr 18 août 2017) a fait empirer les choses. « Personne ne pouvait passer par là. C’était comme un lac. Ceux chargés de réguler la circulation ont été obligés de barrer la route pour éviter des accidents. Vous pensez que c’est normal ? », fustige Ibrahima Diop, un jeune habitant de Grand Médine.
Des populations exposées et impuissantes
Les bus « Tata », taxis, « Ndiaga Ndiaye » et véhicules particuliers, dans leur course, éclaboussent de boue tous ceux se trouvant aux abords. Le mauvais état de la route, constituée de gros creux, complique tout. Ces « trous » favorisent de larges flaques d’eau noire. Dans cette insalubrité notoire sont installés, sur chaque côté de la route, des menuisiers, des vendeuses d’arachides, plusieurs gargotes et un petit marché de légumes. « Avons-nous le choix ? Nous vivons de cette activité. C’est vrai et nous sommes conscients des risques sanitaires, mais c’est le seul moyen que nous avons pour subvenir aux besoins de nos familles », lance Aïssatou Fall, vendeuse de petit-déjeuner au bord de cette route.
Sur la voie, cinq regards ont été construits pour évacuer les eaux usées des ménages. Cependant les couvercles de deux d’entre eux ont partiellement volé en éclat. Selon les habitants, le plus grand canal, situé devant le Centre socio-éducatif de l’Unité 25 et reliant plusieurs autres regards du quartier, serait la source du problème. Il est bourré d’ordures. Du couvercle gicle une eau noire et puante. Les habitants ont même creusé un chemin dans la terre sableuse pour permettre son évacuation. L’endroit a été transformé en un dépotoir d’ordures. « Comme si on n’avait pas assez de problèmes, les femmes viennent, clandestinement, déverser ici le contenu de leurs poubelles », explique, dépité, un jeune menuisier.
Dans les petites allées séparant les maisons du quartier, le décor est insoutenable. Presque tous les regards sont défectueux, certains sont à ciel ouvert. L’eau noire coule abondamment ou s’accumule par endroits en de grosses mares près desquelles des enfants, insouciants, jouent. Chaque maisonnée a pris l’initiative de creuser un passage pour le ruissellement de ses eaux ou freiner son écoulement avec des pneus, des pierres ou des sacs de sable.
Le Soleil