Au Ghana, les singes assurent l’économie touristique

Dans la région de la Volta, au Ghana, les villageois de Tafi Atome ont grandi au son d’histoires contant leurs liens spirituels avec les mones, des singes peuplant la luxuriante forêt alentour et devenus aujourd’hui une attraction éco-touristique.

Depuis 1996, le village a fait sa mue vers l’éco-tourisme.Des milliers de visiteurs viennent désormais chaque année rencontrer ces primates effrontés d’une cinquantaine de centimètres dans le sanctuaire de Tafi Atome, qui longe la frontière avec le Togo.

Certains touristes restent ensuite au village pour y découvrir la vie rurale, et leur venue profite tant aux animaux qu’à la population locale.

L’argent ainsi gagné a permis de construire une clinique, de creuser des puits et de rénover les bâtiments de l’école, explique Francis Acquaye, le manager du Tafi Atome Monkey Sanctuary and Cultural Village.

Les mones et la forêt ont longtemps été considérés comme sacrés, jusqu’à ce que l’expansion du christianisme mette à mal les croyances traditionnelles, dans les années 80. Les singes au pelage roux, brun et blanc, que l’on trouve du Ghana au Cameroun, sont alors devenus la cible des chasseurs.

Jusqu’à ce que le village décide de passer à l’éco-tourisme en 1996.

Aujourd’hui, « les membres de la communauté se montrent très amicaux envers les singes grâce aux bénéfices qu’ils retirent du tourisme », explique M. Acquaye. « Tout le monde soutient ce que nous faisons ici. » « Les singes sont nos amis, ils sont nos frères et soeurs. »

Dans le sanctuaire, les singes perchés dans les arbres regardent passer un groupe de jeunes visiteurs. Ils bondissent quand l’un d’eux exhibe une banane, criant au moment de venir rafler la nourriture, pour la plus grande joie des touristes.

M. Acquaye met en garde ceux qui transportent de la nourriture sur leur tête, surtout s’il s’agit de bananes ou de maïs : « Vous devez en céder une partie aux singes, sinon vous allez vous retrouver à porter des singes… »

Pour Lydia Osei, une marchande du village qui vend des boissons et des en-cas sur le bord de la route, partager la nourriture avec les singes fait partie du quotidien.

« Quand nous en avons, nous leur donnons des bananes, du maïs et d’autres choses.Et ils n’ont plus peur de nous », dit-elle. »Même si ce sont des animaux et que nous sommes des humains, nous vivons tous ensemble. »

Les villageois assurent n’avoir jamais subi ni vu une attaque de singes.

Le sanctuaire de Tafi Atome fait partie des quelques projets d’éco-tourisme à succès au Ghana, qui visent à protéger la culture et l’environnement régionaux tout en fournissant des revenus aux populations locales.

On trouve aussi un sanctuaire d’hippopotames dans le nord du Ghana et des randonnées guidées pour admirer des cascades dans l’Est.Et sur la côte, des excursions sont organisées pour observer les tortues, afin de préserver les espèces menacées.

Un rapport récent de l’Oxford Business Group, spécialisé dans les études de marché, estime que l’éco-tourisme au Ghana a un « potentiel considérable », alors que les touristes étrangers se font plus nombreux dans le pays.

D’après la Banque mondiale, 897.000 touristes étrangers ont visité le Ghana en 2015. Mais ce chiffre pourrait grimper à 1,3 million en 2017 et dépasser les 2 millions en 2027, selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme (WTTC), qui réunit les dirigeants de 150 entreprises touristiques dans le monde.

Le secteur touristique au Ghana a généré 288.000 emplois directs en 2016 et devrait croître de 4,7% en 2017, pour atteindre 301.500 emplois, selon le WTTC.En 2027, il pourrait fournir 366.000 emplois directs, d’après ces prévisions.

Les experts ghanéens du tourisme espèrent voir se développer davantage de projets d’éco-tourisme comme celui de Tafi Atome.

Mais pour l’instant, les touristes au Ghana préfèrent visiter les anciens forts négriers de la côte ou assister aux festivals culturels, relève la cofondatrice du tour-opérateur Sunset African Tours, Naa Oyoe Ofei-Aryeh.

Un coup de pouce du gouvernement pourrait inciter davantage de monde à se lancer dans l’éco-tourisme, estime-t-elle.

Pour Apollo Panou, fondateur de Jolinaiko Eco Tours, l’éco-tourisme peut aider les Ghanéens à raconter leur propre histoire, en plus de leur apporter des ressources.

L’éco-tourisme, c’est simple, dit M. Panou : cela consiste à « être fier de notre culture, protéger ce que l’on a et le valoriser, plutôt que de détruire ce que l’on a pour créer des choses nouvelles. »

Il faut le promouvoir, poursuit-il. »Les communautés doivent comprendre vraiment ce qu’elles ont, ce qu’elles vendent, pourquoi elles le font, et être fières de ce qu’elles sont. »

challenges.fr

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