Trois mois ferme. C’est la peine prononcée par le Tribunal des flagrants délits de Dakar à l’encontre de H. Cissé. Il a été jugé hier pour charlatanisme et escroquerie portant sur la somme de 7 millions.
Cueilli le 21 août par la gendarmerie nationale et mis en détention préventive, Habib Cissé, qui espérait une relaxe lors de sa comparution hier devant les juges, a finalement prolongé son séjour carcéral. Il va passer les trois prochains mois derrière les barreaux. Marié à deux épouses et père de cinq enfants, ce commerçant de 38 ans, domicilié à Ouakam, a été jugé et condamné pour escroquerie et charlatanisme au préjudice de deux frères jumeaux commerçants. Les trois auraient fait connaissance dans un marché sis à Ouakam, où ils tiennent tous leur boutique.
Les jumeaux lougatois, Ousseynou et Assane, voulant faire fructifier leurs affaires et augmenter ainsi leurs bénéfices, disent avoir sollicité les services de Cissé. Celui-ci s’est présenté à eux sous le nom de Seydina Aliou Cissé. Il disait être en mesure de faire des pratiques mystiques afin que leurs activités commerciales soient couronnées de succès.
‘‘C’est un certain Ameth qui nous a mis en rapport avec Seydina’’, informe Assane, plus petit que son frère resté debout à ses côtés pendant tout l’interrogatoire du président du tribunal. C’est dans ce sillage, poursuit-il, que le sieur Seydina Aliou Cissé leur a demandé le montant de 7 millions qu’il devait multiplier pour atteindre la somme de 400 millions. ‘‘Nous lui avons donné 2 millions, au départ’’. Au total, ils lui ont remis 7 millions. Le marabout leur a demandé un délai de trois jours, le temps que ‘‘ses prières soient exaucées’’. Le délai des trois jours imparti, Assane et Ousseynou n’ont pu encaisser la somme promise, ni revu les traces de leur ‘’mécène’’.
Le charlatan avait, selon eux, pris la tangente pour aller se réfugier en Casamance. ‘‘Depuis qu’il a reçu les 7 millions des mains d’Ousseynou, on n’a plus eu de ses nouvelles. Quand on a essayé de le joindre sur ses numéros, on tombait constamment sur sa messagerie vocale’’, ont entonné les deux frères célibataires. Désemparés et las d’attendre une promesse qui tardait à venir, les jumeaux se sont alors résolus à porter l’affaire devant la justice.
C’est ainsi qu’ils ont saisi, le 20 août dernier, la Section de recherches de la gendarmerie nationale. Les limiers n’ont pas tardé à mettre la main sur le ‘‘marabout-charlatan’’, lequel a été arrêté à Ouakam et mis en garde-à-vue le lendemain.
‘‘Je ne suis pas un marabout, je suis un simple commerçant’’
H. Cissé alias ‘’Seydina Aliou Cissé’’ a réfuté les allégations des plaignants. Invité par le juge sur le prétoire à donner sa version des faits, l’homme, enveloppé dans un gros tee-shirt banc qui lui arrivait jusqu’aux genoux, a catégoriquement nié connaitre les sieurs Assane et Ousseynou. ‘‘C’est la première fois que je vois ces deux-là’’, a martelé le ‘‘marabout’’. Mais, manifestement, le public n’en croyait pas un mot. Les chuchotements venant à couvrir la voix du prévenu, le président a dû exiger le silence. Puis, il a invité le ‘‘marabout’’ à poursuivre son propos. ‘‘Je ne suis pas un marabout. Je ne suis qu’un simple commerçant’’, a-t-il tenu à préciser. Les accusations de la partie civile sont, selon lui, ‘‘une histoire montée de toutes pièces’’. ‘‘Ce sont des affirmations fausses. Le sieur Hameth, dont ils font mention dans leurs propos, n’était qu’un client qui passait, de temps à autre, dans ma boutique. Je ne les ai jamais mis en rapport’’, s’est-il défendu.
‘‘La partie civile est également responsable…’’
Cependant, le réquisitoire du parquet a battu en brèche ses déclarations. Le procès-verbal de l’enquête préliminaire menée par les hommes de la caserne Samba Diéry Diallo de Dakar sur lequel le représentant du ministère public s’est appuyé, a décelé beaucoup de contradictions dans les propos d’Habib Cissé alias ‘’Seydina Aliou Cissé’’. ‘‘Le prévenu a nié devant votre haute juridiction avoir des liens avec Ameth. Ce qui est faux, car l’enquête a permis d’établir que les deux sont cousins et partagent un groupe WathsApp’’, a révélé le procureur. Le ministère public a requis 6 mois d’emprisonnement contre le mis en cause.
Pour Me Fall, avocat de la défense, ‘‘il y a deux poids, deux mesures’’. Si on doit condamner, c’est le prévenu et la partie civile qui doivent tous recevoir une peine. Car, souligne la défense, ‘‘le lavage ou la multiplication d’argent’’ est puni par le Code de procédure pénale sénégalais. La partie civile est également, d’après l’avocat, ‘‘responsable’’ dans cette affaire de ‘‘blanchiment de capitaux’’ et doit, au nom de la justice, ‘‘répondre de ses actes’’.
Le juge a finalement prononcé une peine de 3 mois contre le polygame qui va rembourser, après sa peine, le montant de 7 millions à la partie civile.
LAMINE DIAGNE (STAGIAIRE)
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