Entre les chauffeurs et leurs patrons, les relations sont spéciales ! En effet, depuis toujours, il est dit que ces conducteurs sont les gardiens des secrets de leurs patrons. Des secrets que certains ont accepté de partager avec Seneweb, pour nous expliquer les rapports assez particuliers qui unissent patrons et chauffeurs.
11 heures à la Place de l’indépendance. Avec l’absence de parkings, les lieux sont devenus un garage pour les voitures particulières. Sous le soleil, des jeunes chauffeurs sont assis en petits groupes. Certains, dans leurs véhicules, discutent et rigolent, ignorant la chaleur qui sévit au dehors. L’ambiance est bon enfant.
A bord d’un véhicule 4X4 bleu, cigarette à la main, vêtu d’un T-shirt et d’un pantalon de couleur bleue, Pape Dia est un chauffeur. Et ses rapports avec ses patrons, il les juge sains : «D’habitude, j’ai de bons patrons. J’entretiens avec eux de bonnes relations vraiment. Je n’ai jamais eu de problème avec eux. Ma nouvelle patronne m’aide sur tous les plans. Dieu m’a donné la chance de travailler avec une merveilleuse personne. Je n’ai jamais vécu le calvaire que me décrivent les autres chauffeurs. Je sors rarement avec ma patronne. On sort seulement si elle a des chantiers dans les régions. Elle a son agence immobilière. Elle ne croit qu’au travail et à ce qu’elle fait. Elle ne rentre pas sur ce qui détruit son image. Je l’ai juste, une fois, accompagné voir un marabout à Mbour. D’ailleurs, comme tout sénégalais, le mystique est inhérent à notre culture. A part ce jour-là, toutes les sorties qu’on effectue, c’est dans le cadre professionnel», martèle le jeune banlieusard.
«J’amène ma patronne voir ses amants»
Contrairement à Pape Dia, Salif Mbaye, lui, a eu une patronne assez particulière. Debout sur son 1,70 m, âgé de près d’une trentaine d’années, il nous raconte: «Ma patronne et moi nous entretenons avant tout, une relation amicale et de confiance. Je sais vraiment des choses sur elle. Et on a tendance à dire que “si les chauffeurs et les secrétaires faisaient part de ce que leurs patrons faisaient, le monde serait à l’envers”. Donc cela veut tout dire ‘’Soutoura quoi’’», nous souffle-t-il, non sans éclater de rire. Notre jeune chauffeur de nous souffler qu’il lui arrivait d’amener sa patronne, pourtant mariée, passer le week-end avec son amant sur la petite Côte. «Avant de m’embaucher, elle m’avait parlé de ses principes, me disant qu’elle veut un homme de confiance. Un chauffeur qui saura garder toutes sortes de secrets. Des fois, elle fait de ces choses (il coupe). Mais c’est sa vie privée. Un jour,…(il hésite à lâcher les mots), elle m’a dit qu’on devait partir à Mbour où elle a des poulaillers. En réalité, elle voulait aller faire des choses à Mbour. Elle est mariée et a des enfants. Et c’est en cours de route qu’elle m’a annoncé qu’elle devait aller voir son amant. Elle me dit :‘‘n’est-ce pas tu sais où est ce qu’on part?’’. Je lui réponds : “ Oui !” Elle y rajoute ‘‘donc tu sais ce qui s’ensuit, c’est de garder le secret. ‘’Na nga Mandu’’. Je lui ai répondu : ‘‘Ce n’est pas la première fois que je t’amène chez tes amants. Je m’en fiche royalement. Donc ne me le redis plus jamais». Et c’est finalement dans un hôtel de Saly qu’ils atterrirent. Là, attendait l’amant de sa patronne. «Après, on a continué notre route je l’ai amené dans un hôtel à Saly et elle devait rencontrer son amant, alors qu’elle a laissé son époux et ses enfants chez elle. Ce qui me fait le plus mal, c’est qu’elle ne sort même pas avec un homme respectable. Elle était avec un jeune garçon qui n’est même pas capable d’acheter un caleçon pour lui-même», confie le jeune homme.
Ravitailler mon boss en jolies filles
Le jeune chauffeur, assis juste à coté de lui, ne put s’empêcher de participer à la conversation. Il ajoute, en riant : «Moi, j’avais une patronne. Elle habitait aux Almadies et d’ailleurs elle est bien connue au Sénégal. C’est une femme d’affaires. Elle voyage partout dans le monde. A l’époque, elle avait à peu près 45 ans. Mais elle n’avait pas d’époux. Beaucoup d’autorités venaient la voir et à des heures tardives. Je peux en citer des ministres, des promoteurs de lutte, des politiciens et des hommes d’affaires. Je restais dans la maison jusqu’à une heure tardive, vers 1 heure ou 2 heures du matin des fois. J’étais son bras droit. Elle ne me cachait rien. Elle me disait tout. Des fois, on allait même jusqu’à avoir des rapports sexuels (il se mord les lèvres se rappelant de ces moments de jouissance)», raconte Massamba Sall. Aujourd’hui, ayant un nouveau patron, il n’hésite pas à trouver des filles à son boss. «Mon nouveau patron, c’est plus un frère qu’autre chose. Des fois les samedis, on sort ensemble, on part en boite avec des filles ou au restaurant. On est tous les deux célibataires, donc on croque la vie à belles dents. Quand je vois une fille belle, je la lui présente. Je peux dire même que c’est moi qui lui cherche des copines. C’est un grand commerçant ici à Sandaga. Des fois, même quand je suis à sa boutique et qu’une belle fille vient en son absence, je récupère son numéro pour le lui donner après. Je suis son ‘’maquereau’’ en quelques sortes», lâche-t-il, tout en éclatant de rires.Cependant, Massamba n’est pas complètement désintéressé. Car, s’il est aussi attentionné, c’est que son patron casque fort. «Il est hyper généraux et gentil. Il me donne beaucoup d’argent hormis ma paie. Il va même jusqu’à me prêter sa voiture pour que je vaque à mes occupations», ajoute le chauffeur.
Entre D. Séne et son patron, il est aussi question d’histoires de filles. Lui aussi, ravitaille son patron en copines. «Mon patron m’envoie chez ses copines. S’il a quelques choses à leur donner, c’est moi qui achemine le courrier. C’est un directeur d’entreprise de la place, mais il a même un appartement dans un quartier où il donne des rendez-vous à ses copines. Je peux dire que c’est là-bas sa deuxième maison. S’il veut se relaxer, c’est là-bas qu’il part. Dès fois, il peut même dire à sa femme qu’il part en mission, alors que ce n’est pas vrai. Souvent, il me demande d’aller prendre une de ses copines, pour la conduire à l’appartement. Donc, il y a tant de choses de ce genre qu’on ne peut révéler. On ne peut pas tout dire sinon ce sera la fin du monde», dit le jeune Saloum Saloum.
Quand les chauffeurs deviennent briseurs de ménage
Cependant, les rapports entre chauffeur et employeurs peuvent être mis à rude épreuve, quand l’épouse ou le mari du patron, estime que c’est le conducteur qui brise leur couple. Une situation qu’a vécue Cheikh F. «Il me considère comme son fils. Mais sa famille n’arrivait pas à me digérer depuis qu’il a eu sa deuxième femme. Parce qu’elle disait que j’ai participé à ce mariage. Elle disait que j’étais au courant de sa relation avec cette femme. Bien sûr que j’étais au courant, mais ce n’est pas à moi de le dire. Elle pense que le chauffeur doit être une taupe, révéler tous les secrets du patron. Tu vois même des femmes qui payent les chauffeurs pour que tout ce que leurs époux font, ils viennent leur dire alors qu’entre le conducteur et celui qu’il conduit, il faut le minimum de discrétion», crache le jeune chauffeur.
Il est 13h aux alentours du Ministère de l’Intérieur. Sous l’ombre d’un arbre, le jeune M. Gaye, dans sa voiture, écoute de la musique tout en attendant son patron. Il nous explique: «Je conduis pour un homme religieux. Il est avant tout mon Papa, je suis son bras droit. Il m’envoie même des fois lui faire ses courses. Il me fait assez confiance, et il me donne chaque jour des conseils. Il ne fait pas partie de ces patrons qui font du n’importe quoi. Je l’estime bien», dit-il. Son patron, dénommé El Hadji Samba Diao, ancien Commandant, Président de l’Association Nationale Pour le Bien être du Pèlerin à la Mecque, nous fait part de sa relation avec son chauffeur : «Il est comme mon propre fils, je ne le considère même pas comme mon employé. Je lui donne des conseils. Donc on a de bonnes relations. Des fois même c’est lui qui part faire mes courses. Parce qu’avant tout, ils ne sont pas des esclaves, ils font partie de nous, on doit les aider et les respecter. Je suis dans les affaires du pèlerinage comme ça, et c’est lui qui fait pratiquement toutes mes autres courses». Explique le vieux mouride.
La relation entre chauffeurs et patrons sont parfois complexes. Mais une chose est sure, les conducteurs sont bien les gardiens des secrets de leurs boss.
Auteur: Yaye Aissata Sam – Seneweb.com