Un SMS prêté à la directrice de la communication de l’Elysée n’a peut-être jamais existé, il pose néanmoins la question de ces petits messages, mails ou textos, envoyés plus vite que nos doigts ne l’auraient voulu.
«Yes la meuf est dead» Cette petite phrase désormais anthologique sur Twitter comme d’autres avant elles. On peut ainsi penser à : «Non mais allô quoi !» ou «Si à 50 ans, on n’a pas une Rolex, on a raté sa vie !» (mais il y en a tant…).
Des phrases qui sont reprises ad libitum car elles nous accrochent ! Tous autant que nous sommes ! Elles sont dans l’air du temps, elles perturbent nos croyances, elles soulèvent nos indignations, elles nous parlent et résonnent en nous, sans que nous sachions bien pourquoi.
En ce qui concerne «Yes, la meuf est dead !» j’ai mon hypothèse que je livre sans prétendre à détenir la clé de l’énigme de cet engouement pour ce SMS (dont je m’empresse de dire qu’il n’a peut-être jamais existé).
Cette idée s’ajoute à tout ce qui a été dit en abondance : occasion d’en rajouter dans le Macron-bashing, mise en cause d’une personne qui dérange (certains) par sa personnalité, par sa couleur de peau, problème du mélange conversations privées-conversations pro etc etc.
Mon hypothèse est qu’en lisant cette phrase (peut être inventée mais ce n’est pas la question ici), nous nous retrouvons tous dans un dérapage que nous avons commis ou subi un jour ou l’autre de la même façon à cause de ces maudits échanges instantanés…
Depuis que l’oral est écrit, c’est-à-dire depuis que les mails, textos et autres forums sont devenus la norme de nos échanges, nous avons tous connu une situation de ce type : la petite phrase qui tue et qui part plus vite que nos doigts ne l’auraient voulu, le truc assassin complètement inutile qui nous échappe mais qui est irrécupérable, l’idiotie qui sera à jamais gravée dans le marbre virtuel et qui nous poursuivra (peut-être) toute notre vie.
«Qui n’a jamais pêché jette la première pierre», dit l’évangile à propos de la femme adultère vouée à la lapidation. Au XXIe siècle, c’est : «Qui n’a jamais fourché dans un texto, envoie le premier troll !»
Je prends quelques situations vécues personnellement ou entendues de-ci de-là, à chacun de faire sa liste en son âme et conscience :
– L’erreur de destinataire
Un grand classique est l’envoi de messages ou de photos à un contact de son répertoire qui n’est pas le bon ! Dont la seule faute est d’avoir le même prénom, ou d’avoir été le dernier interlocuteur… Souvent, rien de compromettant ! Mais gênant tout de même… Surtout quand nos contacts pros et nos contacts perso sont dans le même annuaire.
– Le «copie à tous»
Pour rester dans l’univers professionnel, je viens d’avoir le témoignage d’une entreprise où le tableau Excel de tous les salaires a été envoyé «à tous» à cause d’une fausse manœuvre (ou pas ?) du responsable RH. Le problème est que le niveau de certains de ces salaires n’avait rien à voir avec la politique affichée… Règlements de comptes assurés !
– Les atrocités du correcteur orthographique
Quand vous recevez un texto qui vous dit «Elle a sorti sa chatte direct !» et que vous êtes horriblement inquiet pour la femme en question, alors que le pauvre émetteur voulait simplement vous dire : «Elle a sorti sa carte direct !»… Beaucoup de ces «ortho-gaffes» circulent sur le Net.
– Le message pas compris par le récepteur mais qui semblait pourtant clair à l’envoyeur
Récemment, j’avais écrit dans un mail à propos de demandes de corrections sur un dossier à envoyer en urgence : «Tu suis bien la demande telle qu’elle est formulée», ce qui signifiait pour moi : «Tu te contentes des quelques corrections demandées» et n’impliquait que quelques minutes de travail, et mon interlocuteur a compris «Tu reviens au règlement», ce qui l’a amené à tout réécrire dans la nuit.
Problème de tournure de phrase, de ponctuations, d’état d’esprit du moment qui nous égarent dans l’interprétation.
– L’humour… qui n’en est pas
Qui n’est pas tombé complètement à plat en voulant faire de l’humour par écrit ? C’est là où les émojis nous aident bien ! En plaquant un LOL ou un smiley juste après une phrase qui pourrait être tendancieuse, tout va mieux ! L’humour décalé n’est pas toujours aisé à manier.
«Mon pauvre !» ne veut pas dire la même chose que «Mon pauvre 🙂 !», comme «C’est terrible !» et «C’est terrible 🙂 !» n’ont pas le même sens du tout !
– Le «j’écris plus vite que je ne pense»
Les moments où l’on se laisse aller à dire… eh non ! A écrire des choses qu’on aurait mieux fait de garder pour soi. Parce qu’on est mal, parce qu’on a un peu bu, parce qu’il est tard… Oui, mais, à froid, lues sur écran, dans un tout autre contexte, lesdites pensées peuvent faire très mal.
– La machine qui vous trahit
J’ai ainsi reçu il y a quelques mois une série de mails où un collègue me disait le fond de sa pensée sur mes positions lors de réunions de travail. Ecrits «à chaud», ces mails avaient certainement comme but de «se défouler». Il avait d’ailleurs eu la sagesse de ne pas les envoyer et de les stocker dans ses brouillons. Le problème est que, suite à un changement du système, tous les brouillons sont partis… et ont bien été reçus… avec l’effet dévastateur qu’ils pouvaient produire.
Il y a sans doute encore bien des situations où nous avons été bourreaux ou victimes de cette damnation de l’«oral écrit»… et c’est pour cela que le «Yes, la meuf est dead» nous parle autant ! Cette petite phrase et son auteure (si cela est avéré) deviennent alors les «chèvres émissaires» de tous nos pêchés textuels virtuels.
Libération