Le président de la République, Macky Sall, a saisi le Conseil constitutionnel « sur la possibilité que les électeurs n’ayant pu retirer leur carte d’électeur puissent voter aux élections législatives du 30 juillet 2017 » avec d’autres documents, dont la carte d’identité nationale numérisée. Une saisine qui a fini de faire couler beaucoup d’encre. L’annonce de la nouvelle a soulevé un gros tollé dans le landerneau politique sénégalais. En effet, beaucoup de questions ont été soulevées par les acteurs. Pourquoi avoir saisi le Conseil Constitutionnel? A quelles fins? Ce dernier est-il compétent? Peut-il valider la demande du Conseil constitutionnel?
Le constitutionnaliste, le Pr Mamadou Aliou Diallo explique que c’est une demande que le président a adressé au Conseil constitutionnel. « Dans la mesure où il y a une urgence et que, il y a des électeurs qui risquent d’être frustrés de leur droit constitutionnel, c’est-à-dire de participer aux élections, compte tenu du fait qu’il y a des cartes qui ne sont pas encore disponible; donc cette raison là pourrait certainement amener le Conseil constitutionnel à statuer sur la question », a-t-il indiqué. Car, selon lui, « si aujourd’hui toutes les cartes d’identité nationales numérisées étaient disponibles, le président ne serait pas dans la situation où il demanderait à se soustraire aux dispositions de cette loi. Donc d’un point de vue purement formel, ce serait contraire à la disposition de cette loi qui précise les pièces qu’il faut présenter pour pouvoir participer aux élections. Je crois que c’est pour cette raison que le Conseil constitutionnel a été saisi pour voir s’il est possible de contourner la loi.
Sur la même lancée, l’enseignant à la Faculté de droit de l’Ucad, Abdoulaye Dièye, d’ajouter: « si c’est un avis qu’il lui (Conseil constitutionnel) demande, il peut bien le faire. Ce, parce que depuis le Référendum, le président est habilité à demander au Conseil constitutionnel des avis. Le Conseil constitutionnel va dire ce qu’il pense de ce que le président veut ».
Selon lui, si le Conseil constitutionnel est saisi afin de permettre que l’on vote avec les pièces indiquées, il n’a pas à autoriser le vote avec lesdites pièces. « Parce que », dit-il, « c’est la loi qui prévoit ce avec quoi on doit voter. C’est la loi qui dit, à l’article L78: « L’électeur qui entre dans un bureau de vote doit disposer d’une carte d’électeur combinée à la carte d’identité Cedeao ». Le Conseil constitutionnel ne peut pas changer la loi ». Mais compte tenu de l’urgence qu’il y a et la nécessité impérieuse de permettre à chaque citoyen de participer au vote, le Pr Aliou Diallo pense que « c’est un élément qui penche en la faveur de l’appréciation positive de la lettre du président. Il y a possibilité que le Conseil constitutionnel valide la demande du chef de l’Etat ».
Une demande que l’opposition sénégalaise n’est pas prête à accepter. La tête de liste nationale de la Coalition gagnante Wattu Senegaal, Abdoulaye Wade, par ailleurs ancien chef de l’Etat du Sénégal, a manifesté son désaccord. Pour le Secrétaire général du Parti Démocratique Sénégalais (Pds), pas question de recourir à un autre document que la nouvelle carte d’électeur biométrique. Me Wade a tout simplement rejeté l’idée. Depuis Koumpentoum (Tambacounda), il a rejeté « tout vote par l’utilisation de document ne pouvant permettre d’identifier un électeur ou prouver son inscription sur les listes électorales ».
Me El Hadji Diouf, tête de liste de la Coalition Leeral, lui y voit un cafouillage total du gouvernement à moins de 5 jours des Législatives. « Le président vient de confirmer l’échec de son gouvernement par rapport à l’organisation des Législatives. Gouverner, c’est prévoir. Il devait savoir que les cartes ne pouvaient pas être disponibles avant le scrutin. Les sénégalais doivent tirer toutes les conséquences de cet échec du gouvernement », a-t-il déclaré.