Jamais des législatives n’ont cristallisé autant d’enjeux que celles du 30 juillet prochain. Cinq ans après l’arrivée de Macky Sall au pouvoir et à deux ans du terme de son 1er mandat, elles interviennent à une période charnière et verront l’échiquier se recomposer, des destins se briser et des espoirs s’envoler.
6- Mouhammad Dionne, réussira-t-il son Pse (Premier Saut Electoral) ?
Originaire de Gossas qui est loin d’être un grand théâtre de joutes politiques, voilà le Premier ministre, Mahammad Dionne, propulsé au-devant d’une bataille nationale sans avoir fourbi ses armes. Mais, investi de la confiance de Macky Sall pour sa fidélité exemplaire, c’est à croire qu’il est appelé à jouer à chaque fois les premiers rôles à ses côtés.
Après avoir été son directeur de cabinet à la Primature, c’est à lui que le Président fera appel pour lui confier le suivi de son projet phare, le Pse. Attaché à la réussite de ce plan dont il a décidé de faire le référentiel unique des politiques publiques, c’est dans un souci de continuité et pour permettre à Dionne de bien en tenir les manettes que Macky le portera à la tête du gouvernement après le départ de Mimi Touré. Depuis, le chef du gouvernement ne vit et ne respire que pour la réussite du Pse.
Aussi, son choix comme tête de liste de Benno est-il comme un clin d’œil de l’histoire. Car le voilà obligé de réussir son Pse à lui, ce Premier Saut Electoral par la réussite duquel, passera celle du vrai Pse. Comment imaginer en effet la poursuite et le parachèvement de ce plan en cours d’exécution, sans une majorité Benno dans la future Assemblée.
Aussi, Dionne s’est-il montré très juste sur le choix des mots en appelant à « une majorité renouvelée » et en en faisant son slogan de campagne. Il lui faut à présent convaincre sur le bilan à mi-parcours du Pse pour passer cette épreuve. Mimi Touré qu’il a remplacée au poste était passée à la trappe pour avoir échoué à empêcher la reconquête de Dakar par Khalifa Sall en juin 2014. Et ça, Dionne l’a sûrement en mémoire au moment d’engager cette bataille cruciale des législatives.
7- Amadou Bâ, ça passe ou ça casse ?
Le Président Macky Sall lui-même l’a déjà averti, non sans maladresse. « Je ne pourrai pas admettre que l’on ne gagne pas à Dakar alors que notre principal adversaire est en prison », a menacé le président de Benno Bokk Yaakaar, faisant ainsi allusion à Khalifa Sall.
Avouant « ne pas sentir » ses troupes engagées dans la bataille de la capitale, il envisage de changer d’équipe si ses hommes venaient à récolter la bérézina à Dakar. La cause est donc entendue. Ou ça passe ou ça casse. Et, naturellement, le premier visé est le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan qui, pour son baptême du feu, se voit soumis à un test grandeur nature.
Impliqué aux Parcelles Assainies lors du référendum de mars 2016, il avait été à vrai dire pour beaucoup dans la victoire du » oui « . Mais, faut-il le rappeler, il n’était question « que » d’une consultation populaire. Donc, pas un bon baromètre pour jauger sa popularité en tant que néophyte. En revanche, au soir du 30 juillet prochain, on saura réellement ce qu’il pèse. D’autant qu’il a accepté de plonger dans une zone comme les Parcelles Assainies qui est, avec Grand-Yoff, fief de Khalifa Sall, les deux localités qu’il faut absolument remporter pour gagner Dakar. Autant dire qu’il a un double challenge : devenir le nouveau maître des Parcelles Assainies et détrôner Khalifa Sall à Dakar.
Réputé pour la puissance financière qu’il aime déployer, elle pourrait toutefois ne pas suffire pour compenser son déficit en coefficient personnel, encore et contrebalancer le regain de sympathie en faveur de Khalifa Sall depuis son emprisonnement. Il se susurre même que Macky qui ne se ferait pas d’illusion sur Dakar pourrait l’avoir envoyé au casse-pipe pour briser son élan. Et pour cause, son ministre de l’Economie serait très regardant à ses yeux sur sa succession, nanti de son impressionnant trésor de guerre et de la densité du réseau qu’il se serait constitué à tous les niveaux. Assurément, Amadou Bâ marche sur un fil. Gare donc à la chute.
8- Abdoul Mbaye, réussira-t-il son baptême du feu ?
Premier chef de gouvernement du Président Macky Sall, il était parti de la Primature avec un goût d’inachevé. Pis, il aurait même eu le sentiment d’avoir été utilisé « comme un kleenex » avant d’être jeté sans état d’âme. Mais tout porte à croire qu’il avait apparemment pris goût à ses responsabilités publiques- lui qui n’avait travaillé auparavant que dans le Privé- et qui voulait juste continuer à… Servir. N’est-ce pas d’ailleurs l’intitulé de l’ouvrage qu’il produira dans la foulée de son limogeage et à travers lequel, il se préparait déjà à plonger dans le marigot politique. Il fera de toute façon son baptême à travers sa coalition « Joyyanti ». Une appellation qui en dit long sur la volonté et la détermination qui l’animent.
Partisan d’une gestion saine et transparente, il en a fait son credo et ne rate jamais l’occasion d’interpeller l’actuel régime, voire Macky Sall en personne, sur les dessous de certains de ses projets. A croire que c’est ce qui est même à l’origine de leur séparation avec ces désaccords qu’ils auraient eus, à l’époque où Abdoul Mbaye était Premier ministre, sur des dossiers comme la réfection du Building Administratif et les Phosphates de Matam. Seulement voilà : la cause défendue par l’ex-PM a beau être noble, il n’est pas sûr qu’elle remporte l’adhésion d’un grand nombre d’électeurs assez peu regardants sur la gestion des deniers publics et prompts à s’offrir aux plus généreux parmi les acteurs politiques.
Il s’y ajoute qu’à l’instar de Khalifa Sall et de Idrissa Seck, l’ancien Chef du gouvernement est une des cibles privilégiées du camp présidentiel. En témoignent ces investis de la coalition Joyyanti qui lui ont faussé compagnie après avoir été reçus en audience par le Premier ministre. Son baptême du feu s’annonce donc très compliqué face à un adversaire qui n’hésite pas à utiliser des armes non conventionnelles. Le voilà en tout cas en plein marigot politique avec son sol boueux, glissant et mouvant. Saura-t-il résister ? C’est toute la question !
9- Les « anti système » bousculeront-ils les politiques ?
L’équation d’Abdoul Mbaye est quasiment la même pour tous ces indépendants qui veulent bousculer les politiques, casser les codes et imposer une autre façon de faire la politique. Décidément, Macron fait des émules jusque sous nos tropiques !
Qu’ils se nomment « Entité indépendante Défar Sénégal », « Mouvement pour la Renaissance, la Liberté et le développement » ou encore « Citoyens pour l’Ethique et la transparence/Jerin Sama Reew », leur ambition est la même. Ils veulent tous renverser le système tel qu’il fonctionne depuis toujours et mettre fin au clientélisme politique pour lui substituer l’éthique et le partage des ressources selon le mérite. Tout un programme !
Surtout dans un pays où les appareils politiques ont encore la cote et où le choix d’une bonne partie de l’électorat se fait, non pas en fonction des programmes, mais selon d’autres critères tels que le charisme, la popularité ou encore l’affinité.
Toujours est-il que ces indépendants ont quand même le mérite de proposer autre chose que les politiciens professionnels. D’autant que nombre de Sénégalais ont soif d’exemplarité et éprouvent du dépit, voire du dégoût, vis-à-vis de politiciens qui n’en ont que peu ou prou. Hélas, ils ne constituent pas encore une masse critique pour permettre à ces anti système de gagner la bataille contre les professionnels de la politique.
10- Touba : Macky séduira-t-il enfin la cité religieuse ?
Il aura tout essayé. Mais rien n’y fait. Capitale du mouridisme, Touba s’est toujours refusée à Macky Sall. En tant que candidat, il y a été littéralement battu en 2012 par Wade, le Président-talibé. Devenu Président, la ville sainte lui a d’abord tourné le dos aux locales de juin 2014 et, plus sévèrement encore, au référendum de mars 2016.
Pourquoi diantre, autant de désamour entre l’électorat de la ville sainte et le successeur de Wade ? Pourquoi la grande opération séduction à travers l’autoroute Ila Touba et le projet de construction d’un hôpital ultra moderne, n’a-t-elle pas encore produit l’effet escompté ? La faute peut-être à Moustapha Cissé Lô dont l’arrogance n’était guère appréciée des populations de Touba et même de la hiérarchie mouride. On y verra en tout cas plus clair au soir du 30 juillet prochain. Car, non seulement Cissé Lô dont la présence gênait a migré vers la Patte d’Oie où il milite désormais, mais aussi Macky a fini de sortir de sa manche une nouvelle carte. Celle de Cheikh Abdou Gaïndé Fatma, tête de liste de Benno à Touba-Mbacké.
Chargé de la communication du Grand Magal de Touba, il est appelé à arrêter la spirale négative pour le compte du Président. Il en a sans doute le profil mais devra en découdre avec quatre autres Mbacké-Mbacké, candidats sur des listes concurrentes à celle de Benno. Décidément, quoiqu’il arrive, Macky aura tout tenté pour résoudre l’équation Touba.