Exclusif: Les témoignages terrifiants sur le crash du Fokker 27 de l’armée sénégalaise au Mali

8 mois après le crash du Fokker 27 de l’armée sénégalaise, à Koussana, en territoire malien, le dernier blessé vient de quitter l’hôpital parisien où il était en convalescence. Le lieutenant colonel Apollinaire Manga est sorti de l’hôpital des Invalides, après plusieurs semaines de coma, passées en soins intensifs. Et s’apprête à renter, au Sénégal, reprendre service. Si, pour le moment, les résultats de l’enquête officielle, promise par l’armée sénégalaise, tardent à être connus, Senenews.com a décidé de publier les siens. Récit d’un épisode dont la tragédie a été évitée, de justesse, grâce au sens élevé du devoir d’hommes ordinaires dont l’héroïsme mérite d’être connu.

 

Lundi 2 novembre 2015. Il est 8 heures 30 minutes. Après quelques minutes de salamalecs avec le personnel de l’aérodrome de Nioro, au Mali, le Fokker 27 de l’armée sénégalaise prend les airs en direction de Dakar.

A son bord, en plus de l’homme d’affaires sénégalo-malien-gabonais, Seydou Kane, il y avait le ministre conseiller Abdoulaye Saly Sall, le maire de Nabadji, le chauffeur de Seydou Kane, Thiobo Dia, l’oncle parisien du président Macky Sall et un autre accompagnateur sénégalais non identifié par notre enquête. Comme eux, 5 membres de l’équipage avaient pris place dans l’avion.

Soudain, après 30 minutes de vol, alors que le Fokker 27 était en vitesse de croisière, les moteurs de l’avion se sont arrêtés. Net. Soucieux de sa responsabilité, le commandant de bord, Apollinaire Manga informe, aussitôt, son équipage et procède, automatiquement, au rallumage des moteurs de secours.

«Les moteurs de secours ont répondu. Mais, à peine allumés, ils se sont éteints. Ce doit être au bout d’une, voire 3 minutes pas plus.» Soutient une source ayant participé au voyage et qui, vu la sensibilité du sujet, a préféré rester anonyme,

Face à cette situation et après avoir informé les passagers, le commandant décide de poser son avion. Mais, l’aérogare le plus proche se trouve être Kayes. «Et nous étions à 70 kilomètres de ce lieu.» A soutenu une de nos sources ayant participé au voyage. Conscient de l’impossibilité de rebrousser chemin, le commandant demande à tout le monde de se préparer à un atterrissage d’urgence.

Mais, contrairement à la version de la Direction des relations publique de l’armée (DIRPA), «on n’a pas fait d’atterrissage d’urgence, on a fait un crash. Pour qu’il y ait un atterrissage d’urgence, il faut que l’avion se pose avec ses roues.

 

Dans le cas de notre avion, il s’est posé sur ses carlingues et a glissé sur plusieurs kilomètres à travers champ avant de s’arrêter.» Comme en témoignent les photos sur lesquelles, on voit des roues éparpillées sur plusieurs kilomètres de l’avion.

 

Un équipage qui a bravé la mort

Face à ce danger, un passager prend la responsabilité de parler à ses compagnons et à leur prodiguer les procédures adéquates de sauvetage. Cette personne, c’est Thiobo Dia, l’oncle parisien de Macky Sall.

Interpellé pour avoir sa version de cet accident, l’homme a refusé de nous parler et nous a renvoyé «vers le commandement militaire, désormais seule habilitée à se prononcer sur cette question».

Mais, à Senenews.com, nous avons la conviction que l’armée veut gérer cette affaire en interne; au détriment du droit du public à être informé.

Dans l’antre de cet avion fou, la peur se lit sur tous les visages. Mais, conscient de sa mission, le commandant comme son copilote, le lieutenant Tombon Correa, restent maîtres à bord.

Après avoir compris l’impossibilité de rejoindre la première aérogare, pour faire un atterrissage d’urgence, l’équipage découvre qu’il coure vers un danger inévitable que seul leur professionnalisme pouvait éviter.

«Et après avoir été secoué dans tous les sens, on s’est rendu compte qu’aucun terrain vague n’était disponible à perte de vue. Il n’y avait que des montagnes et des arbres devant nous.» A déclaré une source militaire.

Entre la végétation et les montagnes, le choix de l’équipage est vite fait. «C’est ainsi qu’on a filé droit sur les arbres, l’avion cognant brutalement, à droite et à gauche, des branches sur presque 5 kilomètres avant de finir sa course au sol, perdant ses ailes et ses roues lors des chocs avec les arbres.» Témoigne notre source malienne.

De braves civils au secours des militaires bloqués dans leur cockpit

Aussitôt au sol, les passagers civils, bien que secoués, sont presque tous indemnes sauf Abdoulaye Saly Sall. «Quand on est sorti de l’avion, on a remarqué que les membres de l’équipage, en dehors de l’Adjudant Elimane Ndoye, étaient bloqués à l’intérieur de la carlingue fumante.» A soutenu notre source.

Eloigné de l’épave, Abdoulaye Saly Sall est au sol. Il est légèrement blessé. De son côté Seydou Kane est indemne, sans la moindre égratignure. De leur côté, sous le cockpit, étaient bloqués le lieutenant colonel Manga, son copilote, Tombon Corréa et les deux autres militaires.

Conscients du danger encouru par ces hommes qui ont risqué leur vie pour sauver les leurs, Thiobo Dia, accompagné de l’Adjudant Elimane Ndoye, le moins blessé des militaires, Seydou Kane et de son chauffeur, prennent les choses en main. Sans la moindre hésitation qui pourrait naître du risque élevé d’explosion de l’avion.

A l’aide d’une hache, décrochée par l’Adjudant Ndoye, ils s’attaquent à la carlingue du Fokker 27 pour extraire les blessés. Après quelques minutes de labeur, les deux militaires, le commandant et son copilote, sont éloignés de l’épave d’où fuit le kérosène.

Ayant vu de loin le crash de l’avion, des maliens rejoignent les lieux et proposent leur aide. «C’est ainsi que les blessés graves, dont le Lt colonel Manga qui a perdu connaissance, ont été évacués sur charrettes vers le premier village, pour être acheminés vers Kayes, la première grande ville malienne«.

Après avoir confié les blessés aux premiers venus, l’Adjudant Ndoye demande au chauffeur de Seydou Kane et à Thiobo Dia de l’aider à retrouver les boites noires du Fokker. «A coup de hache, ils ont cassé l’épave et récupéré des boites de couleur rouge.» A témoigné une source qui a eu accès au dossier d’enquête.

Après les premiers arrivés sur les lieux, d’autres, plus informés sur l’identité des personnes à bord, sont venus. Cette fois ci, armés de fusils et des ceintures de munitions visibles autour du cou, ils ont exigé à ce que les blessés leur soient remis en vue de leur évacuation. 

Des secouristes trop bien renseignés sur les passagers

Plus précis, «ils ont demandé où était Seydou Kane, parce qu’ils ont appris que Seydou était dans l’avion. Mais, on était, avec Seydou, caché derrière des arbres et nous leur avons dit qu’on ne connaissait pas de Seydou Kane

«Conscient de l’importance de son ami et du précieux qu’il pouvait représenter s’il venait à tomber entre les mains de djihado-mafieux qui foisonnent dans la zone, Thiobo Dia avait confié la garde de Seydou à son chauffeur et à un autre accompagnateur. Et l’Adjudant Elimane Ndoye leur a ordonné de ne se séparer de lui sous aucun prétexte

Auparavant, Thiobo Dia, vêtu de la tenue tachée de sang du Lt colonel Manga, s’est muni d’une hache pour parer à toute éventuelle attaque de brigands. Avec l’Adjudant Ndoye, seul rescapé militaire sorti du crash avec de légères blessures, ils sont allés à la rencontre des visiteurs, à plus de 50 mètres de l’épave et les ont dissuadés d’aller vers la carlingue qui risque d’exploser à tout moment.

A en croire une source ayant participé aux premiers débriefings, «Thiobo et Elimane Ndoye se sont présentés comme des militaires sénégalais en mission au Mali et ne pouvaient laisser des civils étrangers s’approcher de l’avion pour ne pas compromettre des indices susceptibles d’intéresser l’enquête».

Confrontés à ce refus des Sénégalais de les laisser s’approcher de l’avion, les hommes armés contactent leur responsable au téléphone. «Ce dernier explique que l’avion étant tombé dans sa circonscription, c’est à Koussana que les blessés devaient être soignés et non à Kayes. C’est, en quelque sorte, un problème de juridiction administrative que nous posait l’interlocuteur qui dit être le président de la communauté rurale de Koussana.» A déclaré notre source militaire.

 

Un sabotage probable de l’avion

Poursuivant, il déclare : «aussi, lorsque on leur a dit que les blessés ont été acheminés vers Kayes, ils nous ont demandé la direction qu’ont pris les charrettes pour les intercepter et conduire les blessés vers Koussana. Mais, nous leur avons indiqué le sens contraire. Et ils se sont lancés à la recherche des charrettes en vain.»

Dans les minutes qui ont suivies, le palais de Dakar a été averti de la situation. Et aussitôt, Dakar a contacté le palais de Koulouba, au Mali. 3 heures plus tard, le premier militaire malien s’est présenté, sans arme, sur les lieux du crash.

A sa suite, un convoi de 4X4 des pompiers maliens est venu récupérer  les rescapés pour les conduire à Kayes. De Kayes, un Falcon est venu chercher les rescapés vers Dakar tandis que l’armée a envoyé un hélicoptère récupérer les blessés pour les acheminer sur Dakar.

«En temps normal, pour perdre deux moteurs sur ce type d’avion, il faut au moins une heure de vol à 10 puissance moins 6. Or, le Fokker 27 a perdu ses deux moteurs en moins d’une minute. Tout cela est louche, il faut qu’une enquête sérieuse soit initiée pour tirer cette affaire au clair.» A déclaré un expert de l’aviation contacté par Senenews.com

Pour cet expert, «cet avion est très vieux et de nombreux pilotes ayant volé avec cet appareil avaient attiré l’attention de la hiérarchie sur l’état inquiétant de ce Fokker. Mais, le lieutenant colonel Manga est le seul qui a continué à croire que l’avion revenant d’un récente révision est apte au service

Aujourd’hui, avec le recul, une de nos sources pense que «l’avion a dû être saboté au sol, la veille du départ.» Par qui et pourquoi? Mystère! A en croire son récit des faits, ils sont arrivés la veille sans problème et ont fait une escale à Kayes avant de rejoindre Nioro.

«Mais, comme cette ville n’est pas sécurisée et que des rivalités fortes existent entre les natifs de cette région, il se peut que des individus mal intentionnés aient tenté d’attenter à la vie de Seydou Kane. C’est un homme très généreux qui fait de bonnes œuvres pour ses semblables et construit des mosquées, des collèges, des centres de santé partout où il passe. Cela a dû déranger beaucoup de personnes»

En attendant que des responsabilités soient situées, c’est un officier supérieur de l’armée de l’Air, marqué à vie qui rejoint son pays.

Senenews

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