Le 22 juin dernier, la Cour suprême du Ghana a jugé la présence d’anciens détenus de Guantanamo « inconstitutionnelle ». Dans la foulée, l’ambassade des États-Unis à Accra a suspendu les avantages de délivrance des visas accordés aux hautes personnalités politiques du pays, renseigne Jeune Afrique.
Chose promise, chose due. Le Nouveau parti patriotique (NPP) du président ghanéen Nana Akufo-Addo, élu en décembre dernier, tient parole et décide de revenir sur la présence dans le pays de deux ex-prisonniers de Guantanamo, le célèbre camp de détention américain de Cuba conçu pour la guerre contre le terrorisme menée par l’ancien président Georges W. Bush. Le 22 juin, la Cour suprême du Ghana a estimé que la décision de l’ancien gouvernement d’accueillir les détenus de Gitmo (le surnom donné à la prison géante, NDLR) ne respecte pas la Constitution. D’après la Cour, cette décision devait se faire en accord avec le Parlement, qui n’a pas été consulté à l’époque. La juge Sophia Akuffo explique que « si le gouvernement ne soumet pas une demande au Parlement, qui approuvera ou non leur présence dans les trois mois, les deux détenus devront retourner aux États-Unis ».
Débarqués dans le pays ouest-africain en janvier 2016, les Yéménites Khalid Muhammad Salih Al-Dhuby et Mahmud Umar Muhammad Bin Atef sont les premiers captifs du centre de détention américain à avoir été transférés en Afrique subsaharienne. Respectivement membre présumé d’Al-Qaïda et combattant dans la 55e brigade d’élite d’Oussama Ben Laden, ils ont été arrêtés par l’armée américaine en Afghanistan en 2001.
Succédant à Bush à la Maison Blanche, Barack Obama, qui souhaite fermer Guantanamo, préfère expulser les détenus dans leur pays d’origine ou vers des pays alliés des États-Unis. Une décision approuvée par le John Dramani Mahama, président du Ghana à l’époque, mais qui divise fortement l’opinion publique pour des raisons de sécurité. Dans l’opposition au moment des faits, le NPP en fait un argument durant la campagne présidentielle. Aujourd’hui au pouvoir, Margaret Bamful et Henry Nana Boakye, deux membres du parti, ont saisi la Cour suprême qui leur a donné raison.
Les visas en représailles ?
Dans la foulée du jugement de la Cour, l’ambassadeur des États-Unis au Ghana, Robert Jackson, a clarifié devant la commission des Affaires étrangères du Parlement la politique d’obtention des visas. Avec une précision de taille : « Lorsqu’un diplomate ou une personnalité officielle demande un visa pour un voyage d’ordre personnel, le demandeur doit se présenter en personne pour un entretien. »
Traduction : les membres du gouvernement et les députés devront se plier à la procédure classique et faire la queue comme tout le monde si l’objet du voyage n’a rien d’officiel. Si l’ambassade rappelle que cela n’a rien d’une politique nouvelle, elle précise que les anciens présidents pourront bénéficier des procédures existantes accordant les privilèges dus à leur rang.
Rien ne dit explicitement que ce rappel de la loi américaine est lié à la décision de la Cour suprême, mais la presse nationale s’interroge sur la concomitance des événements. Le vice-ministre de l’Information, Kojo Oppong Nkrumah, a déclaré que le gouvernement n’était pas satisfait de cette mesure et a demandé au ministre des Affaires étrangères d’obtenir plus de détails et de clarté auprès des États-Unis. Dans une dépêche de l’AFP, les avocats de l’un des ex-prisonniers de Gitmo affirment avoir prévenu le Conseil d’État américain sur le « climat politique intense qui entoure [leurs] clients depuis la victoire de l’opposition aux dernières élections [de décembre 2016] ». L’avocat de Bin Atef ajoute : « De tous les pays ayant accueilli des anciens prisonniers de Guantanamo, le Ghana est sûrement le seul où ce transfèrement a été si politisé, rendant l’intégration de notre client particulièrement difficile ».
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