La grande coalition s’est fracassée. Et c’est parce que pour certains, les plaies étaient nombreuses et béantes avec le Pds. Pour d’autres, ces Législatives sont une Présidentielle anticipée.
Le rassemblement de l’ancienne Manko taxawu senegaal le19 mai dernier avait pourtant annoncé la couleur de la dispersion des leaders. Lorsque des pro-Khalifa Sall et pro-Karim Wade rivalisaient de pancartes, d’effigies et de slogans, il y avait un parfum de bataille d’opinion qui se jouait.
Le Quotidien avait d’ailleurs parlé de «K de rivalités» dans Manko. Et cette manifestation pour la libération du maire de Dakar, en prison pour le dossier de la caisse d’avance, était devenue le théâtre d’un duel à distance sur la scène du Boulevard de Gaulle. Si les responsables du Pds et Pape Diop réclamaient le retour de Karim Wade qui se trouve au Qatar après avoir bénéficié d’une grâce présidentielle, les autres leaders de Mts comme Idrissa Seck et Gakou n’avaient pas voulu les suivre dans cette ligne. Un membre de Manko a fait le constat suivant : «Si vous avez bien fait attention, le Pds avait voulu saboter l’ordre du jour, c’est-à-dire la libération de Khalifa Sall.
Nous ne sommes pas ses défenseurs, mais c’est ce que nous avions retenu. Même s’il y avait d’autres points comme le pétrole et le gaz, il n’avait jamais été question de Karim Wade ou de son retour. Parce que nous avons toujours estimé que Karim Wade a accepté un deal qui l’arrangeait.» Nul doute que dans cette vaste coalition qui a échoué au large du choix de sa tête de liste nationale, en dépit des vœux pieux chantés et couchés sur des communiqués, il y avait au fond une Présidentielle anticipée qui se jouait dans ces Législatives.
Wade, tête de liste par procuration ?
En réalité, la nature a pesé les forces de chacune des composantes. Idrissa Seck poursuit son «humilité» que lui a imposée son score de la dernière Présidentielle et ses résultats qui le confinent à son fief, Thiès. Encore qu’aux Locales, Rewmi s’était ligué avec Taxawu Dakar dans la quasi-totalité des collectivités de la capitale. Sous ce rapport, son choix pour Khalifa Sall, et non pour le Pds avec qui il n’a pas fini de régler ses comptes, ne peut être une grosse surprise. En bon élève de son maître, il n’a pas oublié le «don» de Wade de surprendre et d’éliminer ses adversaires. Et ceux de son fils. Peu rassuré qu’il est de la finalité d’une tête de liste âgée et peut- être par procuration, car d’aucuns voient la main de Karim Wade derrière le choix de Oumar Sarr comme tête de liste. «Le Pds, étant la principale formation politique, reste encore disposé à sauver cette initiative de Manko qui a été lancée par le Président Abdoulaye Wade. (…) C’est ce qui justifie d’ailleurs l’implication personnelle du coordonnateur Oumar Sarr et du candidat Karim Wade à la suite de Me Abdoulaye Wade, ‘’parrain’’ de cette initiative», lit-on dans un communiqué du Pds, précisant les raisons de l’éclatement de Manko taxawu senegaal dimanche dernier. Cette «implication personnelle» de Wade-fils était-elle connue des autres leaders ?
Gakou et Idy contre Oumar Sarr
Quid de Gakou ? Il a accompagné le maire de Dakar dans certains de ses meetings aux Locales, par moments dans la campagne pour le «Non» au référendum et dernièrement dans les manifestations pour sa libération. Un ancien Socialiste, ancien Progressiste qui s’allie avec l’(encore) chargé de la Vie politique du Ps. Pas trop bizarre comme choix d’être derrière Khalifa Sall. Mais peut-être au nom de son long compagnonnage avec le Pds dans l’opposition, ses va-et-vient chez Wade, il pouvait jeter son dévolu sur la tête de liste du Pds. Pas forcément Oumar Sarr, car il se dit que Idy aurait pouffé de rire en pensant que le fade coordonnateur du Pds, rejeté même par ses «frères» pour son manque de charisme, était le cheval des Libéraux. Ce n’est pour rien qu’au moment de choisir la tête de liste, Idy et Gakou ont tout de suite voté Khalifa Sall. Sauf qu’avec Manko wattu senegaal, puis Manko taxawu senegaal, le leader du Grand parti a été coordonnateur de ces deux coalitions, et d’ailleurs le plus remarquable. Et c’était encore au moment où le maire de Dakar n’avait pas pensé à ses déboires judiciaires qui l’ont poussé dans les bras de l’opposition «traditionnelle».
Fada et le Pds : la plaie était encore ouverte
Modou Diagne Fada avec ses ex-frères de parti, c’était moins évident. L’enveloppe avec Initiative2017, le Grand parti, Rewmi et les autres lui permettait d’oublier ses divergences avec Oumar Sarr et la direction du Parti démocratique sénégalais. Et dans un entretien avec Le Quotidien, en février dernier, il avait bien souligné ceci : «Ldr/Yessal ne peut pas aller aux Législatives avec le Pds seulement. Ce n’est pas possible. Parce que quand même la plaie est encore béante.» C’est une allusion à sa rébellion avec d’autres Libéraux qui se font appeler les Réformateurs. S’il n’a pas choisi la liste de Khalifa Sall, il est évident qu’il serait plus à l’étroit avec le Pds à qui il a privé la présidence du Groupe parlementaire pendant une année.
Pape Diop et le rapprochement avec Wade
Bien avant Fada, Pape Diop avait choisi son chemin au lendemain de la défaite de Wade et son régime. Aux Législatives de 2012, avec Abdoulaye Baldé, Moustapha Guirassy, Bécaye Diop, Thierno Lô, l’ancien maire de Dakar cornaquait cette coalition qui avait, entre autres missions, de se mesurer au secrétaire général du Pds, Oumar Sarr et Cie. Au final, leurs quatre députés se sont inclinés au 12 du Pds. L’affront a été lavé. Mais entretemps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts puisque le parti de Wade a été déplumé et ne pouvait plus ignorer ses rebelles. De ce qui était Bokk gis gis, il n’en reste que Pape Diop. Et le rapprochement avec Wade a été facilité par la faiblesse des deux camps. D’abord dans Manko wattu senegaal, puis dans Manko taxawu senegaal. Les déplacements de l’ancien président du Sénat à Versailles ont dû huiler les relations.