Erosion côtière : le littoral sénégalais face à un péril écologique

Cet écosystème est en effet dégradé par l’érosion côtière, et ce phénomène naturel colle avec l’histoire de la mer dont l’avancée sur le continent a été davantage remarquée grâce à une photo satellite, indique-t-on.

« Dakar reste coupée par de petites rivières et marigots qui débouchent à la mer, surtout pendant la saison des pluies », indique le professeur Pape Goumbo Lô, géologue, environnementaliste et expert en aménagement côtier et prévention des risques.

Le directeur général du Centre expérimental de recherches et d’études pour l’équipement (CEREEQ) fait remarquer que la station balnéaire de Saly, le littoral mbourois, les cimetières de Rufisque et les quartiers de Mérina, Keuri Kaw, Diokoul et Tiawlène (Rufisque) sont en train de subir la furie de la mer

« Le plus fataliste invoque Dieu, là où le spécialiste retiendra parmi les causes, l’action de l’homme sur la nature », fait observer l’environnementaliste, à propos des origines de ce phénomène. Pape Goumbo Lô, qui préside le comité scientifique de l’aménagement côtier pour le littoral de l’UEMOA, déplore « les actions sectorielles, parcellaires et individuelles » entreprises dans ce cadre.

Appelant à des solutions intégrées et durables, M. Lô soutient que l’érosion côtière a toujours existé et continue d’exister, notamment dans des zones habitées comme Saly-Portudal, Saint-Louis, Rufisque et tant d’autres villes au Sénégal.

« L’érosion côtière est dramatique et entraîne diverses conséquences. Les plages s’érodent tout le temps. Le phénomène a changé la ligne de rivage », constate-t-il.

D’après lui, si il y a longtemps « Gorée et les îles de la Madeleine étaient rattachées à Dakar’’, force est de constater aujourd’hui que l’érosion côtière les a en séparées ». Et, il y a quelques années, rapporte encore l’expert, « on a trouvé des traces qui montrent que les gens allaient de Dakar aux îles de la Madeleine à pied ».

La directrice de l’environnement et des établissements classés du Sénégal, Marilyne Diarra, a même porté la problématique à la tribune de la 21 Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies, tenue à Paris, en décembre 2015.

« La mer avance et grignote les côtes sénégalaises », avait-elle alors lancé.
« La mer avance de 1 à 1,3 mètres par an sur les côtes qui s’étendent sur plus de 700 km et qui sont à 90% basses » avait-elle indiqué, expliquant que « nos côtes sont impactées par l’avancée de la mer parce qu’elles sont essentiellement basses ».

Ce phénomène est dû non seulement aux changements climatiques mais aussi à l’action de l’homme avec les ‘’constructions anarchiques’’ sur le littoral sénégalais, avait-t-elle avancé, ajoutant que les villes les plus touchées sont Saint-Louis, Mbour, Saly, Gandiole, les îles du Saloum et la Casamance.

« Dans les îles du Saloum, précise-t-elle, la rupture de la pointe de Sangomar avec Djiffer est l’aboutissement d’un processus naturel de quelques millénaires, plusieurs campements et bâtiments ont été détruits. »

La pointe de Sangomar a été décrite depuis longtemps par les navigateurs et les ingénieurs hydrographes en raison de sa position stratégique, en aval du port de Kaolack.

La ville de Saint-Louis n’est pas non plus épargnée, surtout depuis l’ouverture de sa fameuse brèche.

C’est en octobre 2003 que fut menée cette action d’apparence anodine, mais qui a produit de grandes conséquences. En effet, c’est suite à un risque important d’inondations de Saint -Louis que les autorités décident d’ouvrir un canal de délestage, pour faciliter l’écoulement du fleuve vers la mer, à 7 km au sud de la ville.

De 4 mètres de large au moment de l’ouverture, le canal a atteint 7 km. L’ouverture de la brèche a complètement modifié le milieu estuarien, et certains spécialistes craignent désormais que la ville soit plus sensible qu’auparavant à une augmentation même minimum du niveau de la mer.

De plus, une nouvelle brèche a été ouverte par la mer en octobre 2012, un peu au nord de Gandiole, à 500 mètres de la première. Au départ, limitée à quelques vagues, elle est devenue aujourd’hui une ouverture d’un kilomètre de large et coupe la Langue de Barbarie, menaçant notamment un campement tout proche. La rive continentale du fleuve reçoit aujourd’hui directement les vagues sur ses berges.

Pour Pape Goumba Lo, « beaucoup de facteurs entrent en jeu pour expliquer ce phénomène, mais, aujourd’hui, force est de constater qu’il est en tain de remettre en cause, le développement socio-économique du littoral ».

« Cela n’est pas propre au Sénégal. Ça va du Maroc jusqu’en Afrique du Sud », a-t-il précisé, expliquant la particularité des zones les plus menacées du Sénégal (Rufisque, Bargny, Joal et Saly) par les houles du Sud « qui sont très intenses à certains moments de la nuit ».

« La non maîtrise de ces houles du sud mais aussi la vulnérabilité de ces sites non aménagés font que l’érosion est fortement intense à quelques points où on extrait le sable marin », prévient Pape Goumbo Lo.

Selon lui, cela entraîne « la destruction des habitats, des pertes économiques, la disparition de sites culturels et cultuels, une augmentation de la vulnérabilité des populations ».

« Dans le domaine du tourisme, c’est l’inquiétude qui gagne les agents du secteur. A la station balnéaire très convoitée de Saly-Portudal, la mer occupe pratiquement tout l’espace », déplore l’aménagiste côtier. Il appelle à réfléchir sur des solutions durables car, dit-il, « nous avons suffisamment parlé des causes et des conséquences ».

 

Auteur: Aps – APS

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