En Tunisie, la situation sociale est de plus en plus instable. Un manifestant est mort, ce lundi 22 mai, à El-Kamour, dans le Sud du pays. Selon le gouvernement, le jeune serait mort écrasé accidentellement par un véhicule de gendarmerie. S’en est suivie une manifestation de soutien, à Tataouine, qui a dégénéré en heurts avec les forces de l’ordre. Au moins une cinquantaine de personnes ont été blessées. Ces affrontements font suite à une vague de contestation en faveur d’une meilleure répartition des richesses et des recrutements prioritaires dans les sociétés pétrolières.
La Tunisie est présentée comme un rescapé du Printemps arabe, avec une transition politique réussie mais une économie en berne. La croissance stagne à 1%, le déficit public se creuse et le chômage dépasse les 15%. Or, à l’intérieur du pays, les habitants se sentent marginalisés par rapport aux zones du littoral et cela se traduit par des manifestations en hausse.
En mars par exemple, le Forum des droits économiques et sociaux en avait compté plus d’un millier. Des mouvements le plus souvent sous forme de sit-in pour bloquer l’accès à certains sites de production de pétrole, gaz ou phosphate. Pour protéger ces installations stratégiques, le gouvernement a joué la fermeté. Le 10 mai, le président Essebsi a annoncé que l’armée protégerait désormais les infrastructures.
A el-Kamour, des habitants bloquaient, depuis plusieurs semaines, les camions allant vers les champs pétroliers et gaziers de Tataouine. Samedi, certains ont tenté de pénétrer dans le complexe. Les forces de l’ordre ont tiré en l’air avant de se résoudre à laisser passer la foule qui a fermé l’installation. Dimanche soir, le ministère de la Défense avait menacé les protestataires de poursuites judiciaires et prévenu que l’armée pourrait utiliser la force. La situation a finalement dérapé ce lundi. Et plusieurs rassemblements ont été organisés ensuite dans le pays.
« Vive Tataouine »
A Tunis, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans la rue. « Vive Tataouine », « On ne lâche rien » : voici quelques-uns des slogans scandés par les manifestants sur l’avenue Bourguiba dans deux rassemblements successifs. Parmi eux, Fethi, il milite pour le Front populaire, l’opposition de gauche au gouvernement actuel. Il vient de la région de Tataouine : « Nous sommes ici pour condamner la répression policière et les slogans scandés par les manifestants nous concernent tous, en l’occurrence la nationalisation des ressources naturelles. C’est une revendication levée par le Front populaire de gauche ».
A quelques mètres de lui, un étudiant en anglais de 22 ans. Il n’est pas engagé politiquement, mais il a été touché par ce qui s’est produit ce lundi : « Je suis de la région de Tataouine. Mais je vis ici. Aujourd’hui, un homme de 25 ans a été heurté par une voiture de police. Et il est mort avant d’arriver à l’hôpital. C’est ce qui a poussé les gens à se réunir ici aujourd’hui ». Il déplore aussi le manque de services publics et d’emplois dans la région. Dans le sud-est tunisien, le chômage dépasse les 25%, soit 10 points de plus que la moyenne nationale.
L’incident risque encore d’aggraver les choses. En janvier 2016, la mort d’un jeune lors d’une manifestation à Kasserine avait entraîné la plus importante contestation sociale du pays depuis la révolution de 2011.