La situation est calme en Gambie où les troupes de l’Ecomog ont réussi à sécuriser le pays, avec la complicité des forces armées et de sécurité gambiennes. Le Sénégal en a d’ailleurs profité pour solder ses comptes avec certaines franges de la rébellion casamançaise qui s’est éparpillées à l’arrivée des troupes de la Cedeao.
Tout compte fait, le nouveau président Adama Barrow ne souhaite nullement laisser impuni son prédécesseur.
Hier, lundi, le Ministre de la Justice gambienne, Abubacar Tambadou, a tenu une conférence de presse pour annoncer le gel, par ses services, de tous les avoirs de Yahya Jammeh.
Devront entrer dans la liste de ses biens non transférés à Malabo en Guinée Equatoriale, des voitures, des terres, son petit Palais de Kanilaï, son vrai quartier général à partir duquel nombre de ses activités étaient menées, même si le Ministre n’a pas fait état des biens incriminés.
La Justice gambienne reproche en effet à Yahya Jammeh d’avoir réussi, directement ou indirectement, à retirer de colossales sommes d’argent estimées à 50 millions de dollars, selon la Chancellerie.
Le nouveau Ministre de la Justice qui estime ces sommes appartenir à l’Etat gambien, rappelle qu’elles ont été retirées avant le départ en exil de l’ancien président.
Cette mesure fait suite, la semaine dernière, de l’arrestation de trois frères de Yahya. Il s’agit de Jalamang Jammeh, de Sainey Jammeh et Araba Jammeh. L’un d’eux a d’ailleurs été libéré pour raison de santé.
C’est dire que le nouvel homme fort de Banjul est décidé à traquer Jammeh. L’arrestation et l’interrogation de ses frères dans les locaux de la Police procède d’une volonté de tirer le maximum d’informations sur la gestion de Yahya, notamment s’agissant de la disparition de personnes, de biens, mais aussi des connections avec des personnalités gambiennes et étrangères.
Pour des raisons de sécurité et pour parer à toute éventualité, les autorités gambiennes souhaitent aussi tout savoir sur l’existence d’éventuelles caches d’armes et toutes autres informations utiles.
C’est vrai que, pour le moment, rien ne peut être tenté contre Jammeh en personne car la Guinée Equatoriale n’a pas signé le traité de Rome instaurant la Cour pénale internationale (CPI) et n’a pas d’accord d’extradition avec la Gambie.
Mais, du côté de Banjul, rien n’est négligé pour convaincre davantage la communauté internationale de la culpabilité de l’ancien Président.
Pourtant, ses partisans en Gambie ne se laissent pas faire. Son parti, l’Alliance patriotique pour la réorientation et la reconstruction (APR) s’est réuni avant-hier pour ses fêter les cinq sièges de député obtenus lors des dernières législatives et dégager les perspectives d’avenir.
En tout état de cause, on peut se demander si les nouvelles autorités gambiennes ne sont pas en train de violer le pacte qui a été signé dans un communiqué conjoint CEDEAO-UA-ONU.
En effet, même si le Sénégal et la Gambie ont nié l’existence de garanties, un communiqué signé par ces organismes internationaux a été rendu public. Un document qui comporte 14 points et qui a été signé à Banjul, le 21 janvier 2017, ce qui avait permis à Yahya de partir, croyant avoir couvert ses arrières.
Car, dans le protocole, au point 8, il a été stipulé que : « La CEDEAO, l’UA et l’ONU s’engagent à collaborer avec le Gouvernement gambien pour empêcher la saisie des biens et propriétés appartenant légalement à l’ancien président Jammeh ou à sa famille et à ceux de ses membres du Cabinet, de ses fonctionnaires et de ses partisans garantis, en vertu de la Constitution et d’autres lois de la Gambie ».
Le point 7 dudit protocole donne aussi des garanties quant à la protection de ses proches. En voici le contenu : « La CEDEAO, l’UA et les Nations unies exhortent le Gouvernement de la Gambie à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer et faire assurer qu’il n’y aura pas d’intimidation, de harcèlement et/ou de chasse aux sorcières des anciens membres du régime et des partisans, conformément à la Constitution et aux autres lois De la Gambie ».
Mais comme on le voit bien, il ne s’est nullement agi d’engagements fermes qui lient les co-signataires selon le droit international. La CEDEAO, l’UNION AFRICAINE et l’ONU n’ont fait que « s’engager à collaborer avec le Gouvernement gambien pour… » ou « exhorter le Gouvernement gambien à prendre toutes les mesures nécessaires pour… ».
En réalité, comme l’ont précisé le Sénégal et Adama Barrow, Yahya Jammeh n’avait pas vraiment obtenu de garanties. Il était parti à la va-vite, contraint. La preuve, certaines de ses voitures qui devraient être embarquées dans un avion-cargo tchadien n’ont pu l’être car les autorités gambiennes avaient refusé un second vol de l’avion après qu’un premier voyage eut lieu.
Comme quoi, Barrow n’attend qu’à pouvoir mettre la main sur Yahya. Ce qui est pour le moment peu probable.
Assane Samb