Numéro 2 du Parti de la Lampe, respecté par tous, El Othmani a été choisi pour succéder à Abdelilah Benkirane et devenir le nouveau chef de gouvernement. Mais, qui est-il vraiment ? La réponse en cinq points.
Hommes de sciences et de lettres
Dans le Souss, une région située au sud du Maroc, on a coutume de dire que chez les Othmani, illustre famille amazighe, la science est un savoir qui se transmet depuis plus de mille ans. Saâdeddine, né en 1956 à Inezgane, ne fait pas exception à la règle. En 1986, il obtient un doctorat en médecine générale à l’université Hassan II de Casablanca, puis, en 1994, un diplôme de spécialité en psychiatrie. Homme de sciences mais aussi de lettres, il décroche également une licence en droit musulman ainsi qu’un magistère en loi islamique. Depuis, El Othmani est un psychiatre reconnu et un auteur prolifique. Son credo ? La psychiatrie, bien sur, mâtinée de références islamiques.
Membre du « clan des frères »
El Othmani, au même titre que Abdelilah Benkirane, Mustapha Ramid et feu Abdellah Baha, fait partie du noyau dur du PJD. En 2004, le fondateur du parti, Abdelkrim El Khatib décide d’ailleurs de passer le témoin à El Othmani, qui devient secrétaire général du parti jusqu’en 2008. Il usera, selon ses propres termes « de douceur et de sagesse » pour se débarrasser des trublions trop moralistes et peaufiner la nouvelle image du parti : intègre, pragmatique et moderniste. Son exemple ? L’AKP turc ou la CDU, le parti chrétien-démocrate allemand. Son tact a permis à sa formation politique de négocier la délicate période politique qui a suivi les attentats de Casablanca en 2003, au cours de laquelle « la responsabilité morale du parti » a été pointée du doigt et où l’idée de dissoudre le parti islamiste flottait dans l’air…
Homme de consensus
Chez les « conservateurs » comme chez les « progressistes », El Othmani fait consensus. Contrairement à Abdelilah Benkirane, à la fois rival et véritable camarade, Saâdeddine El Othmani tourne sept fois la langue dans sa bouche avant de parler, il est plus diplomate et tout en rondeur. Mais surtout, un peu plus ouvert. Il a été l’un des rares « islamistes » à s’exprimer en faveur d’une évolution sur la législation autour de l’avortement et du cannabis, et se montre assez réceptif quant à la reconnaissance de l’identité amazighe (qui est aussi la sienne). El Othmani n’est certes pas une star comme Benkirane, mais il est respecté.
Réfléchi, mais pas lisse
Son passage éclair au ministère des Affaires Etrangères (de 2012 à 2013) l’a démontré, El Othmani est réfléchi mais pas lisse. On pourrait même dire qu’il s’est montré audacieux, voire imprévisible. Un mois après sa nomination, il se rend en Algérie pour rencontrer Abdelaziz Bouteflika, ce qui n’était plus arrivé depuis longtemps. Lors d’une visite au Koweït en 2013, il n’a pas hésité non plus à rencontrer l’opposition. Ce qui a hérissé le poil des pétromonarchies et, sans doute, de la monarchie marocaine. Il a finalement été remercié au profit d’un technocrate (lors de la formation du gouvernement Benkirane II après le départ de l’Istiqlal), et l’a vécu comme une humiliation. Depuis sa nomination, certains de ses tweets sont remontés à la surface : on sait dorénavant qu’il est fan de l’humoriste Dieudonné. Bon …
Libéral assumé
En 2007, année électorale au Maroc, El Othmani (alors SG du parti) a suscité l’intérêt de nombreuses chancelleries, notamment occidentales. Le PJD avait déjà le vent en poupe. Rassurant, El Othmani s’est montré plutôt libéral économiquement et légaliste. Certains parient déjà qu’il adoptera exactement la même ligne politique que son prédécesseur, Benkirane. En tout cas, il fera face aux mêmes défis, notamment celui de former une majorité gouvernementale, mais lui aussi est opposé à une entente avec le PAM et l’USFP. En revanche, contrairement à Benkirane, le nouveau chef du gouvernement n’est pas vraiment soutenu par le Mouvement unicité et réforme (MUR), la matrice du PJD. D’où viendra la première estocade ?
Jeune Afrique