Moustapha Diakhaté : « Cheikh Bamba Dièye va répondre devant la Justice. Khalifa Sall et Abdoul Mbaye devraient se retirer de l’espace publique.»

Responsable éminent du parti au pouvoir et Président du Groupe parlementaire de la majorité, Moustapha Diakhaté s’exprime, dans cet entretien accordé à Seneweb, sur les questions brûlantes de l’actualité. De l’affaire Khalifa Sall à celle d’Abdoul Mbaye, en passant par les brûlots en préparation, Moustapha Diakhaté a répondu, sans langue de bois, sur toutes ces questions, avec le franc-parler qu’on lui connait. Interview…

Khalifa Sall, dans l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, est aujourd’hui emprisonné. Certains disent qu’il y a une main politique derrière. Quel est votre avis sur la question ?

Nous sommes dans une démocratie et les gens peuvent exprimer leur opinion. Je crois que les mains qui sont derrière l’arrestation de Khalifa Sall ce sont les fausses commandes, les fausses réceptions, les fausses livraisons, les achats fictifs de riz et de mil. Voilà ce qui vaut aujourd’hui à Khalifa Sall d’être en prison. S’il y a une main politique, ce sont les faussetés utilisées pour pomper les deniers municipaux en vue de remplir les poches du maire. C’est trop facile de désigner le politique ou la politique pour maquiller et camoufler ses propres turpitudes. C’est une pratique très sénégalaise. C’est ce qu’on appelle la stratégie victimaire. Tous les discours de Khalifa Sall, il y a un mois, trouvent leur explication dans ce qui lui est arrivé aujourd’hui. Son opposition à Tanor dans un premier temps, en filigrane à Macky Sall, c’était pour préparer cette situation et se présenter comme victime à l’égard des populations sénégalaises. Il nous a parlé d’une caisse d’avance qui daterait de 1920, ce qui est faux.

Pourquoi ?

La première caisse d’avance à Dakar a été créée au cours des années 1990 par le maire Mamadou Diop. C’était environ 40 millions et l’Ige avait demandé à ce que le montant soit abaissé à 30 millions. Pape Diop a reconduit la même caisse. Mais ni Pape Diop, ni Mamadou Diop n’ont été arrêtés. Si Khalifa a été arrêté, ce n’est pas à cause de la caisse. Mais à cause du modus operandi utilisé pour pomper les deniers municipaux. Donc ce n’est pas une affaire politique, c’est une affaire de délinquance financière. Ce qui peut lui être utile, ce n’est pas un marabout, ce n’est pas d’accuser le politique, mais c’est d’avoir de bons avocats.

Mais lui, il affirme qu’il s’agit plutôt de fonds politiques, pas d’une caisse d’avance…

Cela n’existe pas. Il y a plus de 557 collectivités locales au Sénégal. Mais c’est la même nomenclature budgétaire qui leur est appliquée. Il n’y a pas de fonds politiques pour le maire, c’est du faux. D’ailleurs les fonds politiques même n’existent pas. Ce qui existe, ce sont des comptes spéciaux. Et c’est pour le Président de la République, pour certaines institutions et certains grands ministères. Mais il n’y a pas de fonds politiques pour un maire.

Khalifa Sall a aussi un solide bouclier, en la personne de Serigne Moustapha Sy…

Mais c’est un bouclier fragile. Parce que Serigne Moustapha Sy a commencé par  agresser Khalifa Sall quand il s’est permis, devant Khalifa Sall, et des militants essentiellement socialistes, d’accuser le Président Abdou Diouf d’être derrière les déboires du maire de Dakar. Je crois que Serigne Moustapha Sy est un allié  encombrant et inutile. Et je crois que plus tôt Khalifa s’en débarrassera, mieux ce sera pour lui.

Pourquoi ?

Khalifa fait un point de presse. Lui (Moustapha Sy), au lieu de parler de ce pourquoi Khalifa est poursuivi, il accuse le Président Diouf qui est une référence pour Khalifa. Cela prouve que Khalifa, tout comme son marabout, Serigne Moustapha Sy, n’ont pas d’arguments. Ils font de l’esquive et du camouflage pour cacher ce qui s’est réellement passé. Et ce qui s’est réellement passé, c’est que Khalifa a fait du faux.

Le Chef de l’Etat ne compte pas donner plus de 10% à l’opposition lors des prochaines joutes électorales. Seriez-vous plus généreux que lui ?

Au vu de l’apport des uns et des autres par rapport à la marche du pays, ce serait excessif de donner 10% à l’opposition. Depuis 2012 que nous sommes au pouvoir, l’opposition n’a formulé aucune proposition sur la marche du pays. C’est une opposition nihiliste, qui n’a qu’une colonne vertébrale : sa haine envers le Président Macky Sall. Et on ne peut pas mobiliser un pays autour de cela. Ils ont le droit de haïr le Président Macky Sall, mais ils ne peuvent pas mobiliser les sénégalais pour que Macky Sall abandonne les bourses de sécurité familiale. Ils ne peuvent pas mobiliser les sénégalais pour que Macky Sall abandonne la couverture maladie universelle ou son projet de permettre à tous les sénégalais qui disposent de titres précaires d’avoir un titre foncier. Ils ne peuvent pas mobiliser les sénégalais pour empêcher la construction de l’autoroute “Ila Touba”. En somme, c’est pour dire que tout ce que nous faisons correspond aux attentes des populations. Donc compte tenu du bilan du pouvoir comme de l’opposition, je crois que ce serait même excessif de leur donner 10%. Ils ne le méritent pas.

Vos opposants disent que le pouvoir leur colle des procès pour les bloquer à Dakar alors que le chef de l’Etat fait ses tournées. N’est-ce pas vrai ?

Pour le cas de Khalifa Sall, il est poursuivi pour faux et usage de faux en écritures publiques. Il est poursuivi pour avoir pompé dans les deniers publics municipaux à travers un modus operandi de faux, de fausses commandes, fausses livraisons, fausses réceptions, fausses factures, d’achats fictifs de riz et de mil. C’est pour cela qu’il est jugé. Abdoul Mbaye, c’est son ex-femme qui a porté plainte contre lui pour falsification des documents de mariage. Et dans ces deux cas où est la responsabilité du Président Macky Sall ?

Ils parlent de complot…

Vous, vous êtes journaliste. Et chez vous, les faits sont sacrés. La sacralité de ces faits-là est telle que vous pouvez même dire que ce n’est pas Macky Sall qui est derrière. Pour Khalifa Sall, il n’est pas le seul maire, mais probablement le seul maire à avoir fait du faux pour pomper les deniers de sa commune. Et c’est pour cela qu’il est poursuivi. Pour Abdoul Mbaye, que Macky Sall a sorti du néant politique, en faisant de lui son Premier ministre, c’est sa femme qui l’a poursuivi pour falsification de documents de mariage. Autrement dit, ces deux leaders que vous avez cités, sont disqualifiés pour prétendre à occuper une quelconque fonction publique dans ce pays. On ne peut pas confier un pays à des faussaires. Sinon demain ils vont nous présenter de faux budgets, de faux bilans, de fausses lois et de faux décrets. Et le Sénégal va devenir un faux pays. Pour leur propre honneur et pour leur respect au pays, ils devaient présenter des excuses aux Sénégalais et se retirer de l’espace publique. Ce n’est pas leur place.

Des membres de l’opposition, notamment Ousmane Sonko et Cheikh Bamba Dièye, préparent des Brûlots. Du côté du pouvoir, cela vous préoccupe-t-il ?

Ce qu’on doit attendre d’une opposition, ce sont des propositions qui puissent faire avancer un pays plutôt que des livres incendiaires. Pour ce qui concerne Cheikh Bamba Dièye, je crois qu’il peut attendre de régler ses contradictions avec la Justice. Parce que lui aussi il est épinglé par des audits et certainement il devra répondre devant la justice.

Quels audits ?

Les derniers audits. Vous savez, il n’y a pas que Khalifa. Il y a d’autres. Toujours le rapport de l’Ige. Il y a d’autres qui seront certainement bientôt convoqués au niveau de la Cour des comptes à la chambre de discipline financière. Parce qu’il y a des manquements. Je crois que s’il a des arguments, il peut attendre de régler ce problème-là avant de nous sortir des livres incendiaires. En plus, ce ne sont pas les livres incendiaires que le pays mange. Le pays veut progresser, veut des réformes, veut entendre de ses élites politiques des propositions et non des invectives. Ce n’est pas pour cela que Macky Sall va avoir des difficultés. En la matière, Wade était allé plus loin qu’eux et cela n’a pas empêché le président Macky Sall d’accéder où il est aujourd’hui et de faire un travail apprécié des sénégalais, sauf de l’opposition nihiliste. Quand des gens comme ça vous critiquent, c’est un compliment. Maintenant s’ils veulent sortir des livres incendiaires, moi j’en achèterai et je les lirai avec plaisir (rires).

Alors, M. Diakhaté, pour vous, le citoyen peut-il porter des critiques à l’endroit de la Justice de son pays ?

Certains ont dit qu’il ne faut pas critiquer la Justice. Je crois que c’est une tour d’ivoire qu’il faut brûler. Le Sénégal est un pays démocratique. Le Président de la République est la clé de voute des institutions et il fait l’objet de critiques. L’Assemblée nationale est la deuxième institution et elle fait l’objet de critiques. La presse aussi fait l’objet de critiques. Et je ne vois pas en quoi le pouvoir judiciaire devrait être épargné des critiques. De mon point de vue, c’est sain de critiquer la justice parce que cela fait avancer la Justice et cela lui permet de voir ses faiblesses et ses insuffisances. C’est mon point de vue. Par conséquent, c’est donc sain que les sénégalais puissent apprécier le pouvoir judiciaire et son action. Maintenant, ce que nous devons combattre, c’est ce que j’appelle l’apologie de la détestation du pouvoir judiciaire. L’apologie tendant à affaiblir l’autorité du pouvoir judiciaire. Parce qu’une justice faible, c’est une République qui perd sa crédibilité et son autorité et c’est dangereux pour tout le monde. Donc il faut qu’on fasse la part des choses. Une critique citoyenne par rapport à la Justice et son action, mais éviter qu’on dérape vers des activités qui puissent discréditer la justice, cela il faut l’éviter. Autrement dit, dans une République, il ne peut pas y avoir d’intouchables, de bois sacré notamment institutionnel. Nous faisons de la politique, nous sommes critiqués, la presse est critiquée, mais pourquoi pas la Justice?

Donc vous ne partagez pas la même opinion que le procureur de la République ?

Je ne suis pas obligé d’adopter sa position. Lui, il est le Procureur. Maintenant là où lui et moi nous sommes d’accord, c’est qu’il ne faut pas, parce qu’ils ont fauté, qu’ils insultent la justice en disant qu’elle est instrumentalisée et qu’elle est soumise au pouvoir exécutif. Ce n’est pas juste. Ce que ces gens ont fait, n’importe quel sénégalais l’aurait fait, il serait arrêté. On ne peut pas laisser les gens faire du faux parce que ce sont des politiques et on dit qu’il faut les laisser. Cela, le pays ne l’acceptera pas. Quiconque, qu’il soit politique, journaliste, magistrat ou marabout, qui commet des fautes par rapport à la loi, de mon point de vue, il doit être sanctionné. Il y va de la poursuite de notre volonté de vivre ensemble sénégalais.

Mais des rapports qui ont épinglé des membres du régime dorment dans les tiroirs

Cela on le dit, mais ce n’est pas tout à fait exact. Et je pense que dans les tout prochains jours vous en saurez davantage. Personne ne sera protégé. Toute gestion épinglée par l’Ige sera traitée par les canaux prévus par la République. Soit au niveau du tribunal ou à la Cour des comptes. Mais personne ne sera protégé. Même pour les rapports de l’Ofnac. Toutes les personnes qui ont été incriminées seront entendues et s’il doit y avoir des sanctions elles seront sanctionnées. C’est clair. Il ne saurait y avoir de poursuites sélectives. Le pays ne l’accepte pas et ça ne correspond pas à l’ambition que le Président Macky Sall a.

Votre dernier mot ?

J’appelle les gens à la raison. Cette tendance à vouloir politiser le jeu politique, à vouloir accuser le Président Macky Sall et créer un délit politique, une volonté d’acteurs politiques de se soustraire de la loi, d’être des citoyens spéciaux intouchables du point de vue de la loi, cela ne se fera pas sous le règne de Macky Sall. En ce qui concerne la majorité, je lui demande de faire davantage preuve de dignité, de solidarité, de se mobiliser autour du Président Macky Sall et de son action pour le progrès de notre pays

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