Grotesque, terrifiant, imprévisible : tel a été Yahya Jammeh, président déchu de la Gambie

Le plus petit pays d’Afrique a éconduit son dictateur. Mais la peur rôde encore dans les rues de Banjul. Le nouveau président devra faire oublier ce régime brutal et excentrique.

Tout s’est joué sur une partie de billes. Résultat final de l’élection présidentielle gambienne du 1er décembre 2016 : 227 708 voix pour Adama Barrow, alias « Mister Nobody », contre 208 487 pour « Son Excellence Cheikh Professeur Alhaji Dr Yahya AJJ Jammeh Nasirul Deen Babili Mansa », alias « le roi qui défie les rivières ».

Fine langue de terre plantée en plein cœur du Sénégal, la Gambie n’existait aux yeux du monde, avant ce mois de décembre, que sur les dépliants des tour-opérateurs d’Europe du Nord et dans les rapports des organisations de défense des droits de l’homme.

Sable fin et barreaux d’acier
Pendant que des touristes se prélassaient sur les plages, que des femmes d’âge mûr venaient rechercher de jeunes conquêtes masculines contre quelques dalasis – la devise nationale –, opposants, récalcitrants, journalistes et simples citoyens étaient embastillés, bastonnés, assassinés, et la jeunesse bravait la mort pour s’aventurer sur les routes de l’exode.

Puis, contre toute attente, la démocratie, taquine, est venue déchirer cette carte postale faite de sable fin et de barreaux d’acier.

La Gambie n’est plus à une originalité près. La dernière présidentielle s’y est en effet déroulée selon un procédé nulle part observé : chaque électeur devait glisser une bille plutôt qu’un bulletin dans un bidon aux couleurs de chacun des prétendants.

Aucun bookmaker n’aurait envisagé l’issue de ce match à armes inégales : la défaite, puis le départ en exil, le 21 janvier, du satrape Yahya Jammeh. Ce dernier, après avoir d’abord reconnu, au lendemain du vote, la victoire d’Adama Barrow, candidat sans charisme d’une coalition de l’opposition, avait opéré une volte-face, menaçant de transformer un imbroglio postélectoral en conflit armé avec les pays de la région. En premier lieu avec le Sénégal, où le vainqueur avait trouvé refuge et prêté serment avant d’être officiellement investi à Banjul, la capitale, le 18 février.

Le nouveau président aura notamment pour mission d’exorciser vingt-deux ans d’une dictature aussi brutale qu’excentrique dans le plus petit pays du continent africain.

Une immense fortune
Yahya Jammeh fut un comédien tout à la fois grotesque, terrifiant et imprévisible. Ainsi de cet entretien accordé à l’hebdomadaire Jeune Afrique en juin 2016, où il déclara que « Ban Ki-moon et Amnesty International peuvent aller en enfer ! (…) Des gens qui meurent en détention…

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