Yékini à la retraite, Baboye et Tyson frappés par la limite d’âge : Le crépuscule d’une génération dorée

Yékini à la retraite, Baboye et Tyson frappés par la limite d’âge : Le crépuscule d’une génération dorée

Après deux décennies de carrière bien remplie dans l’arène, Yékini a annoncé sa retraite tandis que Tyson et Balla Bèye 2 seront frappés, cette année, par la limite d’âge pour lutter (45 ans). C’est la fin d’une génération dorée dont le grand mérite a été de mettre fin au règne des dinosaures Manga 2 et Cie. Seul rescapé, Bombardier n’entend pas encore dire son dernier mot. Mais pour combien de temps tiendra-t-il encore ?

Yékini à la retraite, Baboye et Tyson frappés par la limite d’âge : Le crépuscule d’une génération dorée

Yékini, l’inamovible empereur
Le chef de file de l’écurie Ndakaru aurait bien voulu poursuivre encore sa carrière jusqu’à la limite d’âge (45 ans), sans doute, pour sortir par la grande porte après son revers historique en 2012 devant Balla Gaye 2. Mais son retour manqué la saison dernière avec sa défaite face à Lac de Guiers 2, sa deuxième d’affilée, a été la défaite de trop, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Et ce qui devait arriver, arriva. En octobre dernier, Yékini a fini par lâcher le morceau, en annonçant ce que tout le monde attendait depuis quelques temps, à savoir son départ définitif de l’arène, après plus de 20 ans de présence dans la lutte. Cette décision, outre cette deuxième défaite intervenue lors de son face à face contre « le puncheur du Walo », a été accélérée par une blessure qu’il traînait depuis plusieurs années comme un boulet. Avec son départ de l’arène, Yékini laisse aux amateurs l’image d’un monstre sacré de la lutte qu’il a éclaboussée de tout son talent.
La saga de l’enfant de Bassoul a commencé au début des années 1990. En 1996, il met à profit le drapeau du chef de l’Etat à Fatick pour étaler tout son savoir-faire en lutte simple. Il rate de peu le sacre, en échouant en finale devant le très technique et célèbre Zale Lô. Sa bonne prestation séduit le coach de son tombeur en finale, Amadou Katy Diop qui le convainc de rejoindre son écurie, Ndakaru. Une nouvelle page s’ouvre pour lui. C’est le début d’une carrière fulgurante, à la fois, en lutte africaine et en lutte avec frappe. Avec Mohamed Ndao dit Tyson, il symbolise le renouveau dans l’arène et accélère le départ à la retraite, au début des années 2000, des papys, Mor Fadam, Mohamed Aly, Manga 2, Nguey Loum et autres Toubabou Dior. En 2006, Yékini prend définitivement le pouvoir dans l’arène, en disposant de Bombardier, couronné roi après son éclatante victoire contre Tyson en décembre 2002. Pendant six ans, il règne sans partage, balayant tout sur son passage. Parallèlement, il est appelé en équipe nationale pour défendre les couleurs du Sénégal dans la sous-région, le continent et au niveau international. Il est, plusieurs fois, champion de la Cedeao et champion en lutte africaine.
De ses nombreuses sorties, les amateurs se souviendront, sans doute, toujours de son combat contre Baboye en 2007 où ceinturé par le « mbarodi de Pikine », il sortit le grand jeu pour inverser la tendance et échapper de peu à sa première défaite. A la grande surprise des inconditionnels qui le croyaient définitivement « cuit ». En 2008, il se joue de Gris Bordeaux comme à l’entraînement, dispose à nouveau de Tyson en 2010 pour le combat qui était censé sceller le grand retour de l’enfant de Ndangane, après une longue période de disette. L’année suivante, il inflige à Bombardier une troisième défaite après celles de 2001 et 2006. Yékini a ainsi été invincible pendant 15 longues années. Un record.
22 avril 2012 : sa carrière prend un tournant. Pour la première fois, le poulain de Katy Diop mord la poussière au profit de Balla Gaye 2 qui lui ravit ainsi le fauteuil de roi des arènes. Après deux décennies de carrière bien remplie, l’heure de la retraite s’approche à grands pas. Mais, l’enfant de Bassoul veut encore croire à une renaissance. Après quatre ans d’année blanche, il tente un retour gagnant en 2016 mais se heurte à l’opposition de Lac de Guiers 2 qui lui fait subir un deuxième revers. Suffisant pour le convaincre de décrocher.
Mohamed Ndao Tyson, l’homme à la main de fer
Il n’a pas encore officiellement annoncé sa retraite mais cela ne devrait tarder. Et pour cause, Mohamed Ndao dit Tyson soufflera ses 45 bougies en 2017, cette année même. Et la présente saison ne s’annonce pas sous de bons auspices pour le chef de file de l’écurie « Boul Faalé » qui est en passe de connaître une deuxième année blanche d’affilée. Avec Tapha Tine, il est, en effet, le seul ténor en activité qui n’a pas encore trouvé chaussures à ses pieds.
Tyson est connu pour avoir révolutionné le milieu de la lutte avec frappe grâce à un style moderne, sa chorégraphie, le drapeau américain en bandoulière, son slogan sport-business, sa communication innovante etc. C’est sous son règne que les cachets ont commencé à prendre une pente vertigineuse. En 1999, lui et Manga 2 émargent à 35 millions de FCfa, chacun, lors de leur combat monté par Petit Mbaye. Un record. De Tyson, les amateurs garderont toujours en mémoire le retentissant Ko qu’il a infligé à Mohamed Aly en 1998, le hancher dévastateur qui eut raison de Moustapha Guèye cette même saison, la chute historique qu’il a fait subir au roi des arènes Manga 2 en 1999 mais également l’autre Ko qui fit perdre à Mor Fadam une dent en 2001.
Mais Tyson, ce n’est pas que des hauts faits. L’homme a aussi connu des soirées noires. En 2002, c’est l’arroseur arrosé. Il est battu par Ko par Serigne Ousmane Dia dit Bombardier, le nouveau seigneur de la lutte qui lui ravit, ipso facto, la couronne. Deux ans après, Tyson scelle son retour triomphal dans l’arène en disposant de Moustapha Guèye, sa deuxième victoire en autant de confrontations sur « le deuxième tigre ». Mais ce fut sa toute dernière victoire. Depuis, c’est la traversée du désert pour le leader de la Génération « Boul Faalé ». Toutes ses cinq dernières sorties se sont soldées par de cinglantes défaites. Sa sortie manquée en 2015 devant Gris Bordeaux pourrait signer son tout dernier combat dans l’arène. Et comme son double tombeur Yékini, Tyson pourrait quitter sans renouer avec le succès.
Balla Bèye 2, le téméraire
La lutte sénégalaise a connu des champions adoubés, chéris, aimés mais ne connaîtra, sans doute, jamais un champion de la trempe de Balla Bèye 2.
Un modèle de constance, d’endurance, de professionnalisme et de dévotion. Il s’est, en outre, forgé une réputation de dur à cuir, un teigneux qui ne recule devant aucun obstacle.
Sa fougue démesurée et son légendaire courage qui frise la témérité lui ont fait surmonter des obstacles d’ordinaire insurmontables et en a indisposé plus d’un lutteur. Sa témérité lui a, d’ailleurs, valu le surnom de » Mbarodi » (Ndlr : lion en pular). Baboye est, en effet, un sportif qui aura marqué d’une pierre indélébile sa discipline. Une discipline qu’il a intégrée dès son plus jeune âge et qu’il n’aura quittée qu’à la retraite (45ans) ; tant il avait des choses à démontrer, des combats chocs à livrer, des amateurs à combler, de la puissance à revendre. Pourtant, le destin a bien failli lui jouer des tours à cause de son manque d’expérience. En effet, après des tours de passe-passe plus ou moins réussis, la terreur de l’époque, Moustapha Guèye, se dressa sur sa route et le contraignant à mordre la poussière. Cette défaite arrivait, certes, dans un moment où le lion de Pikine enchaînait de belles performances mais qui, au final, s’avérait bénéfique pour lui car le deuxième tigre de Fass a, à cette occasion, mis à nue ses faiblesses. Une bonne baffe après le coup de sifflet de l’arbitre en reculant pour donner l’impression de fuir et un sublime hanché ont eu raison de Balla Bèye 2.
Une défaite qui le fera gagner en expérience, à bien des égards, puisque la suite sera beaucoup plus maîtrisée (comportement, communication).
L’année 2008 sera celle du renouveau avec, à l’époque, une victoire presque inattendue sur le colosse Bombardier à Thiès, région d’origine de ce dernier et une autre sur Gris Bordeaux le futur troisième tigre de Fass au stade Demba Diop. Ces victoires contre ces mastodontes, aussi improbables que méritées, lui avaient ouvert les portes du roi des arènes, Yékini. Presqu’une consécration pour lui. En 2007, il livre le plus grand combat de sa vie, réussit à secouer le baobab jusqu’à la dernière seconde de leur confrontation avant de perdre sur le fil. Un sentiment amer au goût d’inachevé ; car aucun lutteur n’avait réussi à faire vaciller la couronne de la sorte. Ses combats contre Lac de Guiers 2, Balla Gaye 2 et Bombardier ponctués respectivement d’un sans verdict et de deux défaites n’entachaient en rien sa détermination à revenir au sommet. On pensait pourtant qu’il ne pouvait plus rivaliser avec les ténors de l’arène à cette époque mais que nenni. Comme un phœnix, il a su renaître de ses cendres à l’occasion du combat qui fut, d’ailleurs son dernier, contre Baye Mandione. En outsider, l’enfant de Pikine a infligé au « fou de Thiaroye » une chute monumentale, laissant les plus sceptiques bouche bée.
Bombardier, le dernier des Mohicans
De cette génération du milieu des années 1990 qui mirent fin au règne de la mythique bande à Manga 2, Serigne Ousmane Dia alias Bombardier fait office de seul rescapé. Après près de deux décennies de présence ininterrompue dans la lutte, le B 52 n’entend pas dire son dernier mot. Il a l’avantage d’être plus jeune que ses pairs Tyson, Yékini et Baboye et peut s’autoriser à caresser encore les rêves les plus fous. D’autant plus que son expérience avérée peut bien le lui permettre. Roi des arènes depuis 2014, le colosse de Mbour est un lutteur persévérant qui ne baisse jamais les bras malgré les difficultés. A sa place, beaucoup auraient longtemps renoncé à se battre pour le fauteuil qui, après sa débâcle contre Tapha Tine en 2012, semblait définitivement lui tourner le dos.
Mais en homme qui ne renonce jamais, il est revenu de loin. Au point de dicter sa loi à Balla Gaye 2, tombeur de sa bête noire, Yékini. Une prouesse qui lui a permis de retrouver la couronne, 12 ans après l’avoir perdue. Autant dire que le chemin a été long et parsemé d’embûches pour lui. De 2002, année qui l’avait consacré roi des arènes pour la première fois, à 2013, l’homme a connu plusieurs revers, 5 au total contre deux maigres victoires aux dépens de Tyson (2006) dont il est la bête noire et Ibou Ndaffa, l’ancien lieutenant de Manga 2. Ce qui ne l’a pas empêché de se retrouver au sommet de lutte ; au nez et à la barbe de ses jeunes concurrents. Il faut dire que depuis 2013, Bombardier a ouvert une nouvelle ère, celle de la renaissance qui l’a vu aligner trois grosses victoires consécutives respectivement contre son ancien tombeur Balla Bèye 2, Balla Gaye 2 et Modou Lô. Le 4 avril, le roi des arènes ira à l’assaut d’Eumeu Sène. Un autre défi à relever. Jusqu’à quand continuera-t-il à trôner sur le toit de la lutte et à perpétuer son règne ?

Auteur: Diégane SARR et Mohamed Lamine DIOP (stagiaire) – Le Soleil

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